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ils

landois ont découvert ce pays en 1596. Il est fitué vers le nord, entre la Groenlande & la nouvelle Zemble. En hiver le foleil y demeure fous l'horifon quatre mois entiers. Un ciel toujours fombre, des rivages déferts, des montagnes éternelles de glace, une nature entiérement fauvage, ont fait croire aux anciens que c'étoit là qu'étoient placées les bornes du monde. On voit près des côtes de cette terre une grande quantité de baleines, dont quelques-unes ont jufqu'à deux cents pieds de long. C'est là que les Hollandois vont faire la pêche de la baleine; partent ordinairement de Hollande au mois de Mai, & reviennent en Août ou Septembre. Duguay - Trouin s'étoit mis en mer avec cinq vaiffeaux pour détruire cette pêche des Hollandois. Il arriva le 30 Juillet 1703 fur les côtes de Spitzberg. Il y prit, ou rançonna, ou brûla plus de quarante vaiffeaux. Les brouillards qui fur ces mers font extrêmement épais dans le printemps & dans l'automne, lui en firent manquer beaucoup d'autres. Dans cette navigation, il fut exposé à un très grand danger; car il furvint tout-à-coup un grand calme, pendant lequel fes vaiffeaux furent pouffés par l'impétuofité des courans, à quatre-vingt- un degrés de latitude nord, & contre un banc de glaces qui s'étendoit à perte de vue. Peu s'en fallut

que

fes vaiffeaux ne fuffent brifés, & que le tombeau de Duguay-Trouin ne fût caché dans les deferts qui bornent le monde.

Page 195. (29) En 1704, Duguay - Trouin défola les côtes d'Angleterre. En moins de trois quarts d'heure il prit un vaiffeau de guerre de cinquante-quatre canons, avec douze vaisseaux marchands. Peu de temps après, il fit encore trois prifes Angloifes. Un garde - côte de foixante & douze canons, & deux autres vaiffeaux de guerre ne purent lui échapper que par la fuite & à la faveur de la nuit. Sur la fin de la campagne il fut indignement trahi dans une action très-périlleufe. Deux gros vaisseaux de guerre qui le combattoient, l'un à droite, l'autre à gauche, avoient mis toutes les voiles en pièces, & brifé une partie de fes mâts. Duguay-Trouin faifoit feu des deux bords fur les deux vaiffeaux Anglois; mais il avoit besoin de fecours. L'Augufte qui l'accompagnoit, loin de le fecourir, déploie toutes les voiles pour s'éloigner de lui. Deux frégates, temoins du combat, ne firent pas le moindre mouvement. On ne peut prefque pas douter que leur deffein ne fût de perdre un Héros. Il y a plus d'un exemple de pareille trahifon, & l'hiftoire ramène fouvent les mêmes crimes. Il n'est pas inutile de remarquer que le Capitaine de l'Augufte devoit

la liberté, & peut-être la vie à Duguay-Trouin, qui, l'année précédente, s'étoit expofé feul pour le fauver d'une efcadre Hollandoife. Duguay-Trouin arrivé à Breft, voulut faire tranfporter le commandement de ce vaiffeau à un officier digne de commander; mais celui qui avoit trahi l'Etat, fut protégé.

Page 196. (30) En 1705, Duguay - Trouin prend un vaiffeau de guerre Anglois de foixante & douze canons. Il rencontre deux Corfaires de Fleffingue, court à eux le premier, & les fait fuir. Il pourfuit le plus fort, qui fe défendit pendant deux heures. Duguay-Trouin, pendant le combat, vit avec admiration ce brave Corfaire, qui fe portoit le fabre à la main & la tête levée, d'un bout de fon vaiffeau à l'autre, tranquille au milieu d'une grêle de coups de fufil qui tomboient fur lui de toutes parts. Aufli traita-t-il cet homme intrépide avec la plus grande diftinction.

Peu de jours après il perdit un fecond frère, à qui il avoit donné le commandement d'une frégate. Ce jeune homme plein de courage, avoit déja fait deux prifes; il fut blessé mortellement d'un coup de fufil, dans le moment qu'il alloit fe rendre maître d'un Corfaire de quarante-quatre canons. C'est ainfi que la mort lui enleva deux frères en peu de temps, & dans

la fleur de fon âge. Il eft probable que pour devenir des hommes célèbres, il ne leur man. qua qu'une plus longue carrière.

Page 198. (31) Au commencement de 1706, il fut nommé Capitaine de vaiffeau; & reçut une lettre de Louis XIV. qui lui ordonnoit d'aller avec trois vaiffeaux fe jetter dans Cadix, menacé d'un fiège. Etant à la hauteur de Lisbonne, environ à quinze lieues en mer, il découvrit une flotte de deux cents voiles venant du Bréfil, escortée par fix vaifleaux de guerre Portugais. Quoiqu'il n'eût que trois vaiffeaux, il ne balança point d'attaquer. Le combat dura deux jours. Jamais fes difpofitions ne furent mieux concertées; jamais fa valeur ne fut plus intrépide. Plufieurs circonftances malheureufes, & que le plus grand talent ne pouvoit prévoir, firent échouer fon projet. Cependant ce fut lui qui eut la fupériorité du combat. Dans cette action il vit la mort de près: trois boulets confécutifs lui pafsérent entre les jambes; fon habit & fon chapeau furent percés de plufieurs coups de fufil; il fut même bleffé de quelques éclats, mais légèrement.

Page 199. (32) Duguay - Trouin arrivé dans le port de Cadix, fit toutes les difpofitions néceffaires pour la défenfe de la place. Le Marquis de Valdécagnas, un de ces hommes hauts

& durs, qui avec de très-petites ames occupent de grandes places, étoit alors Gouverneur de Cadix. Il avoit exigé pour les vivres, de groffes contributions: cependant il n'y en avoit pas pour quinze jours. Duguay-Trouin le fçut, & crut qu'il étoit de fon devoir de le représenter. Son courage & fon zèle déplurent. On trouva mauvais qu'il s'intérefsât plus à la défense de Cadix, que celui même qui en étoit Gouverneur. Dès ce moment on ne manqua aucune des occafions de le mortifier. Il y avoit dans de port de Gibraltar foixante navires chargés de vivres & de munitions pour l'armée ennemie ; il demanda avec inftance la permiffion de les aller brûler ; il répondoit du fuccès: on ne voulut point lui permettre de rendre ce fervice aux deux Couronnes. Ses chalouppes furent in. fultées par une barque Efpagnole ; il la fait arrêter, & va demander justice: le Gouverneur, pour réponse, le fait mettre en prifon. Telle fut la récompenfe de fes foins. Un tel abus du pouvoir eût été indigne,même contre un homme ordinaire. Louis XIV, par juftice, par grandeur d'ame, & par eftime, ptit foin de venger Duguay-Trouin. Il exigea du Roi d'Espagne que le gouvernement de Cadix fût ôté à ce Marquis de Valdécagnas, & le gouvernement d'Andaloufie au Marquis de Villadarias, fon beau

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