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horrible, toute la ville en fut ébranlée, & les vitres & les ardoifes de plus de trois cent maifons fe brisèrent. L'on doit rendre grace à l'Etre bienfaifant qui veille fur le genre-humain, de ce qu'il fit échouer cet attentat contre l'humanité. Les hommes n'ont pas besoin d'être excités au crime par des fuccès auffi affreux.

Page 178. (13) Duguay-Trouin ajoutoit foi à fes preffentimens. Il affure dans ses mémoires, qu'il a toujours fuivi ces mouvemens fecrets de l'ame, & que jamais il n'a été trompé. Quoi qu'il en foit, il n'y a guères eu d'hommes célèbres qui n'ayent eu quelque opinion fingulière ; & celle-ci fur les preffentimens ne meffied pas à un héros d'une imagination ardente, & plus guerrier que métaphyficien. Elle prouve du moins combien fon ame étoit profondément occupée de vaiffeaux, de combats & de victoires: c'est le génie de Socrate; c'est le phantôme qui apparut à Brutus.

Idem. (14) Rhuiter eft le plus grand homme de mer qu'ait produit la Hollande. Il naquit à Fleffingue en 1607. Dès l'âge de onze ans il fervit fur mer, & commença par être mousse de vaiffeau. On ofe dire qu'il n'en étoit que plus grand; & chez des républicains, il n'en fut que plus refpecté. Il devint fucceffivement Capitaine de vaiffeau, Commandeur, Contre

Amiral,

Amiral, Vice-Amiral, & enfin Lieutenant-Amiral Général des Provinces-unies. Il fe rendit célèbre fur toutes les mers & mourut en 1676, d'un coup de canon qu'il reçut dans la feconde bataille contre la flotte Françoife, devant la ville d'Agoufte en Sicile. Tous ceux qui connurent ce grand homme, s'emprefsèrent à honorer fon mérite. Le Roi de Danemarck lui donna une penfion & des lettres de Noblesse. Des barbares fur les côtes d'Afrique, pleins d'admiration pour fa valeur, voulurent qu'il entrât dans leur ville en triomphe. D'Etrées qui avoit combattu contre lui, écrivit en 1673 à Colbert: je voudrois avoir payé de ma vie la gloire que Rhuiter vient d'acquérir. Le Confeil d'Espagne lui donna le titre & les patentes de Duc. Louis XIV fut affligé de fa mort; & comme on lui repréfentoit qu'il étoit délivré d'un ennemi dangereux; on ne peut s'empêcher, dit-il, d'être fenfible à la mort d'un grand homme. La Hollande qui l'avoit comblé d'honneurs pendant fa vie, lui fit dreffer après la mort un monument. Sa mémoire y eft encore dans la plus grande vénération. Puiffe un pareil exemple exciter l'émulation chez tous les peuples où le nom de Rhuiter fera connu!

Page 119. (15) En 1694, Duguay - Trouin monté fur une frégate de 40 canons, tomba Tome III.

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dans une efcadre de fix vaisseaux de guerre glois de so 70 canons. Il combattit avec courage près de quatre heures contre le plus fort; enfin fe voyant démâté, il prend la réfolution hardie de fauter avec tout fon équipage dans le vaiffeau ennemi pour s'en emparer. Déja tout étoit prêt; la méprife d'un Officier qui changea la barre du gouvernail, fit échouer ce projet. En même temps un autre vaiffeau de 66 canons vient le combattre à la portée du piftolet, tandis que trois autres le canonoient de toutes parts. Ses gens épouvantés quittent leurs poftes, & vont fe cacher à fond de cale. Duguay-Trouin indigné court à eux, & leur préfente le piftolet & l'épée pour les arrêter. Pour comble de malheur, le feu prend au magafin des poudres. Il y defcend, fait éteindre les flammes. Il falloit encore obliger fes foldats à combattre; il fe fait apporter des barils pleins de grenades, & les lance dans le fond de cale. Ses foldats épouvantés retournent à leurs poftes; mais lui-même en remontant eft fort étonné de trouver fon pavillon bas, foit que le cordage qui le foutenoit eût été coupé par une balle, foit que, dans l'abfence de DuguayTrouin, il eût été abaiffé par quelqu'un də ces hommes qui préfèrent la vie à l'honneur. I ordonne à l'inftant qu'on le remette. Ses Offi

ciers le conjurent de ne pas livrer le refte de fon équipage à la boucherie. Duguay - Trouin frémissant & désespéré, ne fçavoit quel parti prendre. Son irréfolution fut terminée par un boulet de canon, qui étant fur la fin, vint le frapper & le renverfa. Il fut près d'un quart d'heure fans connoiffance. Le Capitaine Anglois touché de fa bravoure, le fit traiter avec autant de foin que s'il eût été fon propre fils. L'efcadre Angloife ayant relâché à Plimouth, Duguay-Trouin eut d'abord la ville pour prifon; mais bientôt après il fut arrêté par les ordres de l'Amirauté. Sa prifon ne fut pas longue. Duguay - Trouin étoit aufli aimable que courageux. Il avoit fçu plaire à une jeune Angloife; ce fut elle qui brifa fes fers: & l'Amour rendit un Héros à la France.

Page 181. (16) On eût dit réellement que la défaite & la prifon de Duguay-Trouin lui euffent donné de nouvelles forces. Peu de jours après fon retour en France, il va croifer fur les côtes d'Angleterre, où il prit d'abord fix vaiffeaux. Il apprend par le dernier l'arrivée d'une flotte de foixante voiles, escortée par deux vaiffeaux de guerre Anglois. Il court au devant de cette flotte, la rencontre, attaque fans héfiter les deux vaiffeaux de guerre, & s'en rend maître. L'un d'eux étoit monté par un des plus

braves Capitaines de toute l'Angleterre. C'étofe lui qui avec ce même vaiffeau avoit pris à l'abordage en 1689, le fameux Jean Bart & le Chevalier Forbin. Duguay - Trouin n'avoit que vingt & un ans. Il commençoit dès-lors à fixer l'attention du gouvernement. Louis XIV après cette action, lui envoya une épée. M. de Pontchartrain, Miniftre de la Marine, lui écrivit une de ces lettres obligeantes qui coûtent ou qui doivent coûter fi peu, & qui produisent de fi grands effets dans les ames fenfibles à l'hon

neur.

Idem. (17) Sur la fin de l'année 1694, Duguay-Trouin, par ordre de la cour, fe joignit à une escadre du Marquis de Nesmond. Comme il étoit prêt d'aborder un gros vaiffeau Anglois, M. le Marquis de Nefmond fit tirer un coup de canon à balle. Duguay-Trouin crut que c'étoit un ordre de ne point attaquer l'ennemi; & quoiqu'il fût impatient de combattre & prefque affuré de vaincre, il fe retira par efprit de fubordination. Cet exemple eft bien frappant dans un homme tel que Duguay-Trouin. Il nous fait voir quelle idée il avoit de la difcipline militaire.

Page 182. (18) En 1695, il prend fur les côtes d'Irlande, trois vaiffeaux Anglois qui venoient des Indes Orientales, confidérables par

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