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pendent la réputation & la gloire. Nous avons du moins la fatisfaction de rendre à fa mémoire la juftice qui ne lui a pas été rendue pendant fa vie; & d'apprendre à la France qu'elle pouvoit avoir un grand Homme de plus.

Idem. (6) René Duguay-Trouin naquit à Saint-Malo le 10 Juin 1673, d'une famille de Négocians. Son père y commandoit des vaifseaux armés, tantôt en guerre, tantôt pour le commerce: il s'étoit acquis la réputation d'un très-brave homme & d'un habile marin. Daguay-Trouin eut trois frères. L'aîné, nommé Trouin de la Barbinais, homme intelligent & actif, fut d'abord Conful de France à Malgues en Efpagne; il fut enfuite occupé le refte de fa vie à feconder fon frère pour fes armemens & toutes fes entreprises. Les deux autres plus jeunes que lui, périrent glorieufement en fervant l'Etat dans la Marine.

Page 170. (7) L'année 1673, où naquit Duguay-Trouin, Louis XIV étoit en guerre avec l'Empire, la Hollande & l'Espagne. Cette année même il fe livra trois batailles navales confécutives, les 7, 14 & 21 de Juin, entre la flotte Hollandoife d'un côté, & celles de France & d'Angleterre de l'autre. La cour de Londres fervoit alors celle de Versailles. Bientôt tout devoit changer; & la France avoit vu naître celui qui devoit faire tant de mal à l'Angleterre.

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Page 171. (8) En 1680, 1681, 1682, la Marine fut élevée à un point de grandeur que les François eux mêmes n'auroient ofé efpérer. Louis XIV, qui portoit dans toutes les parties de l'administration la hauteur de fon ame, avoit formé le projet de donner à la France l'Empire de la mer. Colbert étoit digne d'exécuter ce projet. L'activité du Ministre seconda les vues du Prince. Bientôt le port de Toulon fur la Méditerranée, le port de Breft fur l'Océan, furent perfectionnés à frais immenfes. La nature fut forcée à Rochefort. Dunkerque & le Havre de Grace furent remplis de vaiffeaux. Un homme de génie, mais qui fans Colbert n'eut peutêtre jamais été connu, Renaud inventa pour la conftruction, une méthode plus régulière & plus facile. C'est à lui qu'on doit l'invention des galiotes à bombes; fi cependant une telle invention eft un fervice rendu au genre - humain. Des écoles de Gardes-marines furent inftituées dans les ports. La foule des citoyens, ou inutiles à l'Etat par leur oifiveté, ou dangereux par leur occupation, ou onéreux à des provinces qui ne pouvoient les nourrir, fut enrôlée; on en forma foixante mille matelots. L'ordonnance de la Marine parut; des loix juftes difciplinèrent ce peuple immenfe & féroce; loix néceffaires fur la mer, où la fociété polit

moins les mœurs, & où la rudeffe de l'élément fe communique aux efprits. La France eut alors plus de cent vaiffeaux de lignes, dont plufieurs étoient montés de cent canons. D'Estrées, Duquefne, Tourville, Château-Renaud, Jean Bart & Forbin portoient de tous côtés la gloire de notre Marine. Duguay - Trouin commençoit à s'élever. Les Anglois & les Hollandois, jusqu'alors maîtres de la mer, furent vaincus dans plufieurs batailles rangées. Les vaiffeaux ennemis fe cachoient par-tout devant les flottes de Louis XIV. On fçait que la Marine Françoise conferva cette fupériorité jufqu'à l'affaire de la Hogue.

Page 172. (9) Ce fut en 1689 que DuguayTrouin fit fa première campagne. Il obtint de fa famille la permiffion de s'embarquer en qualité de volontaire fur une frégate de dix - huit canons. On eût dit que la nature vouloit l'éprouver. Pendant cette campagne il fut continuellement incommodé du mal de mer; une tempête lui montra de près le naufrage; bientôt il fut témoin d'un abordage fanglant. Un de fes compagnons qui étoit à côté de lui, en voulant fauter dans le vaiffeau ennemi, tomba entre les deux vaiffeaux, qui venant à se joindre, écrasèrent ce malheureux ; une partie de fa cervelle réjaillit fur Duguay-Trouin. Dans le mê◄

me temps le feu prit au vaiffeau ennemi. Ces fpectacles d'horreur furent les premiers que Duguay-Trouin vit fur mer.

Page 176. (10) En 1691, fa famille étonnée du courage qu'il avoit fait paroître dans la prife de ces trois vaiffeaux, crut pouvoir lui confier une frégate de quatorze canons. Il n'avoit alors que dix-huit ans. Il fut jetté par la tempête fur les côtes d'Irlande; il s'y empara d'un Château & brûla deux navires, malgré l'oppofition d'un nombre de troupes affez confidérable qu'il fallut combattre. C'étoit après la bataille de la Boine, où le Roi Jacques fut défait, & la bataille de Kilconnel gagnée auffi par le parti du Prince d'Orange.

Page 177. (11) La bataille de la Hogue fut livrée le 29 Mai 1692. Tourville qui n'avoit que quarante quatre vaiffeaux, reçut ordre d'attaquer les flottes d'Angleterre & de Hollande, fortes de près de cent voiles. La fupériorité du nombre l'emporta. Les François couverts de gloire, mais vaincus, cédèrent après un combat de dix heures. L'Amiral Anglois nous brûla quinze vaiffeaux à la Hogue & à Cherbourg. Dans le même temps DuguayTrouin remporta plufieurs avantages fur les Anglois. Monté fur une frégate de dix - huit canons il combattit feul & prit deux frégates de

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guerre qui efcortoient trente vaisseaux marchands. Quelque temps après, avec une frégate de vingt-huit canons, il prit encore fix vaiffeaux. Ainfi la fortune de Duguay-Trouin commençoit à s'élever parmi le choc de deux Empires qui s'écrafoient.

Idem. (12) Les Anglois étoient irrités contre la ville de Saint-Malo, à cause du nombre & de l'audace de fes Armateurs qui défoloient leur commerce. Ils espérèrent détruire entiérement cette ville par le moyen de leur machine infernale. C'étoit un bâtiment en forme de galiote, de 90 pieds de long, chargé au fond de plus de cent barils de poudre, & rempli de bombes, de grenades, de boulets, de gros morceaux de fer, & de toutes fortes de matières combustibles. Ils parurent devant Saint-Malo le 26 Novembre 1693. La Nuit du 30 au premier Décembre, l'air étant serein, la mer calme, ils firent partir leur fatale machine. Elle s'avança à pleines voiles vers la muraille où elle devoit être attachée fans être apperçue. Elle n'étoit plus qu'à 50 pas lorfqu'un coup de vent la détourna, & la porta fur un rocher. Le vaiffeau s'ouvrit; l'Ingénieur qui le conduifoit se hâta d'y mettre le feu ; mais l'eau avoit déja gagné les poudres du fond de cale, & la plus grande partie ne prit point. Cependant le bâtiment fauta en l'air avec un fracas

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