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que ou pour la défense, pour le combat ou pour la retraite.

Les vents font le fecond objet de fon étude; ils avoient d'abord été créés par la nature pour être les bienfaiteurs du monde, pour purifier l'air en l'agitant, pour amener ou pour diffiper les pluies, pour transporter & répandre les ger- ! mes des plantes, pour fortifier les vegétaux par d'utiles fecouffes , pour établir un commerce entre toutes les nations de l'univers. Mais depuis qu'ils ont reçu une nouvelle destination de la fureur des hommes, ce sont eux qui décident prefque toujours du fuccès des combats de mer. Il faut donc les connoître pour triompher de leurs obftacles, mettre à profit leurs avantages, régler fur eux le choix des poftes, tirer d'eux le plus grand fecours lorfqu'ils font favorables, les forcer de fervir, même lorsquils font contraires.

La mer eft le troisième objet qui doit fixer l'attention d'un Marin. Elle a des vagues qui choquent continuellement le navire; il faut estimer leur action. Elle a une furface toujours agitée; il faut obéir à fes différens mouvemens. Elle a des courans ; il faut connoître & mettre à profit leur direction. Elle a des marées; il faut calculer leur temps, leur force, leur effet.

Enfin, l'homme de mer a des ennemis à combattre; il faut qu'il fçache estimer par la faifon, par les obftacles, dans quel temps les vaiffeaux ennemis peuvent fe trouver à telle hauteur. S'il les attend, il faut qu'il fçache leur fermer le paffage; s'il les pourfuit, leur couper le chemin; s'il les évite, choifir celle de toutes les routes où fon vaiffeau a la plus grande vîteffe poffible. S'il les combat, il doit, par leurs mouvemens connoître leurs intentions, les forcer par fa manœuvre à souffrir l'abordage, ou fçavoir l'éviter foi-même. Tous ces détails, fi multipliés, fi combinés, ne peuvent être que le résultat de beaucoup d'études & d'expérience. L'homme a befoin d'apprendre les chofes même les plus fimples. Il eft condamné à fe traîner en rampant d'une vérité à l'autre. Que fera-ce donc d'un art auffi compliqué que celui de la Marine? Il faut une ignorance bien hardie pour se flatter d'y réuffir fans l'avoir étudié. La nature donne les talens, l'autorité donne les titres, l'étude feule donne les connoiffances.

Page 169. (4) En Angleterre, la Marine marchande eft une école où les particuliers rif quent leur fortune pour apprendre à foutenir un jour la fortune publique. Le fervice dans l'une eft un degré pour paffer à l'autre. Il n'eft pas extraordinaire de voir des Lords envoyer leurs

enfans faire plufieurs campagnes fur des vaiffeaux marchands: c'eft, pour ainsi dire, une partie de l'éducation publique. Peut-être l'Angleterre doit-elle fa grandeur à ce systême. Il produit du moins de grands avantages. Le commerce eft honoré ; la fcience de la Marine fe répand dans tous les Etats; la Marine royale Le peuple d'officiers excellens, qui fe forment même au sein de la paix; & nous, avec nos préjugés & notre orgueil, nous reftons dans l'ignorance. C'eft ce que l'Amiral Hawk dit dans cette guerre à un officier François qui étoit prisonnier : : cc Jamais en France vous n'au» rez de Marine, tant que vous croirez qu'il y » a du déshonneur à fervir fur des vaiffeaux

marchands. Je n'etois pas né pour être Mate» lot, ajouta-t-il, cependant je me fuis fait Matelot pour apprendre la manœuvre ». Que du moins nos ennemis nous inftruisent. Ces réflexions ne font dictées ni par l'enthousiasme,

ni

par l'envie de cenfurer; c'eft le cri de la raifon & de la vérité.

Idem. (5) C'eft une chofe qui mérite d'être remarquée, que la plûpart des grands Hommes de mer, que la France a produits, se font formés dans la Marine marchande.

Jean Bart, né à Dunkerque, d'un courage intrépide, d'une force de corps extraordinaire, de fimple pêcheur devint Chef d'efcadre; il fit

les plus grandes chofes, parce qu'il ne craignit jamais rien: il mourut en 1702.

Le Comte de Tourville fit fes premières armes dans un vaisseau armé en courfe contre les Algériens. Il livra en 1661 un combat terrible à des Corfaires Turcs. Il continua à s'exercer & à s'inftruire dans la même école jufqu'en 1667, que le Roi l'attacha à la Marine royale, en lui donnant le titre de Capitaine de vaiffeau. Il fut nommé Chef d'efcadre en 1677; Lieutenant Général en 1681; Vice-Amiral & Général des armées navales du Roi en 1690; Maréchal de France en 1693. Il mourut en 1701 le 27 Mai. Il combattit long-temps fous Duquesne, & mérita de remplacer ce grand Homme. La bataille de la Hogue, quoique perdue, augmenta fa gloire.

Le Commandeur Paul fit long-tems la guerre d'Armateur. Il entra enfin dans la Marine royale; & en 1663, Louis XIV lui confia une efcadre de fix vaiffeaux de guerre contre les Pirates de Tunis & d'Alger. Il montra dans cette expédition beaucoup d'intelligence, de courage & d'activité; & fit trembler par fes victoires toutes les côtes de Barbarie.

Sur la fin du règne de Louis XIV, il y eut encore en France un Armateur, né avec le plus grand génie pour la mer, & qui n'avoit pas

moins d'intrépidité que de talens ; il s'appelloit Caffart. Il fe diftingua long-temps par la quantité & la richeffe de fes prifes. En 1712, il commanda une escadre de fix vaiffeaux de guerre & de deux frégates, à la tête de laquelle il ravagea dans une même campagne plufieurs colonies du Portugal, de la Hollande & de l'Angleterre. Mais il avoit des défauts qui quelquefois tiennent au courage; un caractère dur, & une ame trop inflexible. Il choqua la cour; & la cour le laiffa dans l'oubli. Un jour Duguay - Trouin étoit à Versailles dans l'antichambre du Roi, où il s'entretenoit avec plufieurs courtisans ; Bout-à coup il apperçoit dans un coin un homme feul, & dont l'extérieur annonçoit la misère; c'étoit Caffart. Duguay-Trouin quitte les feigneurs dont il étoit entouré, & va causer avec lui près de trois quarts d'heure. Les courtifans étonnés lui demandent à fon retour avec qui il étoit. Comment? s'écria DuguayTrouin, avec qui j'étois! avec le plus grand Homme de mer que la France ait aujourd'hui. Il eft probable que cet homme auroit pu rendre les plus grands fervices à la nation, s'il eût été employé : mais il n'a fervi qu'à prouver par fon exemple, combien la cour doit craindre d'étquffer le mérite, & combien on doit ménager la cour, puifque c'eft d'elle en partie que dé

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