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achete des armées & des victoires, & que le fang eft à prix d'argent? Les vaiffeaux font aujourd'hui les appuis des trônes. Portez vos regards au delà des mers: les habitans de vos coloDies vous tendent les bras: les abandonnerez-vous aux premiers ennemis qui voudront defcendre fur leurs côtes? Les ferez-vous repentir de leur fidélité? Envain la nature leur a donné la valeur & le zèle; leur vie, leur sûreté, leur existence est dans vos ports. Vos vaisseaux sont leurs remparts; ils n'en ont point d'autres. Etes-vous citoyens? ce font vos frères. Eresvous avides de richeffes ? vous les trouverez dans ce nouveau monde. Vous y trouverez un bien plus précieux; la gloire. Vous avez verfé tant de fang pour maintenir la balance de l'Europe; l'ambition a changé d'objet. Portez, portez cette balance fur les mers. C'est là qu'il faut établir l'équilibre du pouvoir. Si un feul peuple

y domine, il fera tyran, & vous ferez efclaves. Il faudra que vous achetiez de lui les alimens de votre luxe, dont vos malheurs ne vous guériront pas. François, confidérez ces mers, qui de trois côtés baignent votre Patrie. Voyez vos riches provinces qui vous offrent à l'envi tout ce qui fert à la construction. Voyez ces ports creusés > pour recevoir vos vaiffeaux. La gloire, l'intérêt, la néceffité, la nature, tout vous appelle. François, foyez grands comme vos ancêtres. Régnez fur la mer; & mon ombre, en apprenant vos triomphes fur les peuples que j'ai vaincus, fe réjouira encore dans fon tombeau.

EEEEEEEEEEEE

NOTE S

SUR L'ELOGE

DE DUGUAY-TROUIN.

PAGEL

AGE 165. (1) C'eft un grand problême de favoir fi la navigation a été plus utile que funefte aux hommes. On peut dire d'un côté qu'elle a fervi à réunir les différentes parties de l'univers. Ce globe partagé en cent mondes différens, n'a plus formé qu'un feul monde; les nations fe font communiqué leurs lumières ; la connoiffance de la terre & des cieux a été perfectionnée; les tréfors difperfés par la nature, ont été rassemblés par le commerce. Mais aussi que de maux font nés de ces biens même ! Les peuples, en fe communiquant leurs lumières, fe font communiqué leurs vices. Le commerce, en multipliant les richesses, a multiplié les befoins, a fait naître le luxe & corrompu les mœurs. Enfin, la mer eft devenue une des plus grandes caufes de cette dépopulation fenfible, que les Philofophes croient appercevoir dans le genre-humain. Tant d'hommes engloutis par les naufrages depuis le commencement des fiècles; tant de peftes & de maladies cruel

les que la nature avoit renfermées dans certains climats, & qui ont été répandues dans le monde entier; tant de pays inondés par des brigands, à qui la mer auroit fervi de barrière; la plus vafte partie du monde, l'Amérique presque entiérement dépeuplée; enfin les combats de mer, fi meurtriers & fi terribles, fur-tout entre les nations modernes ; tout cela dépoferoit contre la navigation, & devroit la faire regarder comme un des plus grands fléaux qui défolent le genre-humain.

douter que

dans l'ordre

Idem. (2) On ne peut politique la navigation ne foit un bien. Nous voyons par l'hiftoire que toutes les nations qui ont cultivé la Marine,ont joué un très-grand rôle. Tyr, devenue la reine des mers, s'eft enrichie des dépouilles du monde, & l'a peuplé de fes colonies. Athènes a eu la fupériorité sur cette république d'Etats qui compofoient la Grèce; Carthage a difputé l'empire de l'univers. Rome n'a étendu fes conquêtes que lorfqu'elle a commencé à équiper des flottes. Venise, sortie des fanges d'un marais, a fait trembler l'Orient par fa puissance, & enrichi l'Occident par fon industrie. L'Espagne a prefque obtenu la monarchie univerfelle, dans le temps que fes flottes découvroient un nouveau monde. L'Angleterre, du fein de fes rochers, & parmi les orages de fon gouver

nement, a souvent fait pancher la balance de l'Europe. La Hollande, pauvre & efclave, a trouvé dans fes vaiffeaux la richeffe & la grandeur; fes pavillons ont été l'étendard de fa liberté. La Turquie a été au plus haut point de gloire & de puiffance, lorfque Dragut & Barberouffe commandoient les flottes immenfes de Soliman. Si nous tournons les yeux fur la France, nous y verrons la Marine peu connue fous la première race de nos Rois, ranimée fous Charlemagne fervir de barrière aux inondations du Nord, négligée fous fes fucceffeurs qui négligèrent tout, rétablie fous le premier des Philippes porter des conquérans dans l'Afie, s'élever par des progrès lents jufqu'à François I, retombée pendant les orages funeftes des guerres civiles, reparoître fous Louis XIII, où elle trouva Richelieu, étonner & faire trembler l'Europe fous Louis XIV, toujours liée à de grands événemens, ou recevant l'impulfion des grands Hommes d'Etat.

Page 167. (3) Les victoires d'un homme de mer dépendent de trois chofes ; de fes vaiffeaux, des vents & de la mer. Il eft d'abord effentiel qu'il connoiffe les qualités de fes navires, leur folidité, leurs proportions, leur vîteffe ou leur lenteur. C'eft fur cette connoiffance qu'il doit régler la plupart de fes opérations, pour l'atta

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