qu'il eft obligé de ralentir fa marche.

Le fruit de tant de travaux & de réflexions devoit enfin paroître. La mort du Roi de Pologne troubla une paix de vingt ans, & l'ambition de lui fuccéder arma deux concurrens, entre lefquels les Nations fe partagèrent. Ainfi, le droit d'élire fes Rois, le plus beau privilège des Peuples, & qui conferve feul aujourd'hui une foible image de la liberté primitive des hommes, eft devenu pour le genre humain, une fource de divifions & de malheurs. Augufte avoit pour lui la protection de l'Empereur & les armes de la Ruffie; Staniflas fes vertus & la France. MAURICE apprit alors à l'Europe qu'il avoit choifi la France pour fa patrie. On le vit facrifier les intérêts du fang & le nom de frère à fon attachement pour Louis, & préférer la gloire de fervir fous les François, à celle de commander les troupes belliqueufes de la Saxe (11).

Déja les parties les plus importantes & les plus difficiles de l'art de la Guerre lui font confiées. Barwick le charge de paffer le Rhin; & l'habileté. avec laquelle il conduit ce projet, juftifie le choix qu'on a fait de lui. Que n'ai-je la plume de cet Homme élo

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quent qui s'eft élevé au deffus de lui-même en célébrant Turenne, ou de cet Orateur ** plus fublime encore, dont le génie s'eft trouvé de niveau avec l'ame du grand Condé ! Je tracerois le tableau de ce que MAURICE fit alors dans les champs de l'Allemagne. Vous le verriez cherchant les dangers avec le même emE preffement que les autres cherchent les plaifirs (12), montant la tranchée, livrant des affauts, enlevant des convois, forçant des retranchemens, décidant par fa valeur du gain des batailles, donnant l'ordre en Général,

& l'exemple en Soldat, adoré des troupes, redouté des ennemis, refpecté des Généraux, eftimé lui feul plus que des bataillons entiers *.

C'est par ces exploits qu'il parvint au grade de Lieutenant-général. Il ne le dut point à ces manoeuvres fourdes, à ces intrigues obfcures qui avilissent & les honneurs & celui qui les obtient. Il laiffe ces moyens honteux à ceux qui joignent la baffeffe à l'orgueil, Tandis que d'indignes rivaux formoient des complots contre lui, il traçoit des plans de campagne: il ne fit fa cour que fur les champs de bataille: fes partifans furent les Soldats qu'il commandoit, les ennemis qu'il avoit vaincus; la Gloire fut fa protec

trice.

* Le Maréchal de Barwick, fur le point d'attaquer les ennemis à Etlinghen, voit arriver le Comte de Saxe dans fon camp. Comte, lui ditil auffi-tôt, j'allois faire venir trois mille hommes, mais vous me valez ce renfort.

Il ne lui manquoit que de trouver un rival digne de lui, La fortune lui en oppose un. C'est Eugène (13); Eugène, long-temps la terreur de la France; mais Villars nous apprit à Denain qu'il pouvoit être vaincu, & lui-même avoit pris foin de nous for mer un Héros capable de le combattre. En effet, MAURICE fuppléant au petit nombre des troupes par l'art de fe pofter, fçut en impofer à ce redoutable ennemi, garder le paffage du Rhin, & couvrir nos frontières, Eugène reconnut fon difciple; & le fucceffeur de LOUIS XIV eut auffi fon Turenne.

Les victoires de la France, la moe dération de deux Rois, & fur-tout un Miniftre qu'on a appris à louer depuis - qu'il n'eft plus, procurèrent bientôt à l'Europe cette paix (14), où l'on vir un Souverain légitimement élu, facrifier fes droits au repos des Nations, Ne croyons pas que MAURICE s'en

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dormît au sein de la gloire, & s'imaginât ne pouvoir plus rien ajouter à fes lumières. C'eft le vice de la médiocrité. Le génie découvre des efpaces immenfes, où l'efprit des hommes vulgaires croit que tout finit. Celui qui avoit donné de fi belles leçons fur l'Art Militaire, en prend lui-même. de tous les Ecrivains célèbres (15) qui ont approfondi cet Art. Ainfi, le pre mier des Orateurs, après avoir étonné Rome de fon éloquence, alla encore chercher des Maîtres dans les Ecoles de l'Afie.

La mort de Charles VI ne tarda pas à replonger l'Europe dans les troubles dont ellé commençoit à peine à fortir. Telle est l'influence des Rois. Ils gouvernent le monde pendant leur vie, & l'ébranlent encore après leur mort, Dans l'espace de quarante ans, la mort de trois Princes a excité trois guerres fanglantes. La Pruffe, la Bavière & la Saxe difputèrent à la Fille de Charles VI