Imágenes de página
PDF
ePub

ÉLOGE

DE MAURICE,

COMTE DE SAXE.

LA France défendue & vengée par MAURICE, Comte de Saxe, a élevé à fa cendre un Maufolée qui attefte à la fois notre reconnoiffance & nos regrets. Un nouveau Phidias a représenté ce Héros, debout, entouré de trophées & des marques de fes victoires. La Mort, enveloppée de fes voiles funêbres, l'avertit que le temps a fini pour lui, & foulève d'une main le marbre de la tombe, qui s'ouvre pour le recevoir. Le Héròs defcend d'un pas ferme, & avec cet œil ferein qu'il avoit dans les combats. La France confter

Tome III.

A

née fe jette au devant de lui; un Gé¬ nie en larmes éteint fon flambeau; on voit la Force appuyée fur fa maffue la tête panchée avec une douleur profonde & calme. Tout ce fpectacle, destiné à retracer la mort d'un grand Homme, porte dans l'ame une trifteffe augufte, & je ne fçais quelle terreur attendriffante. Mais ce Maufolée chef-d'œuvre d'un Artifte célèbre, périra lui-même, comme le Héros qu'il représente. Le Temps qui démolit tout, frappera un jour ces marbres qui tomberont en ruine; &, après quelques fiècles, le voyageur ne trouvant plus même de débris, déplorera & la deftruction de ce monument, & la foibleffe de l'homme, qui a tant de peine à immortaliser ce qu'il admire.

Quelle main fçaura élever un monument plus durable? Ce fera le Poëte ou l'Orateur fenfible, dont l'ame eft digne de s'enflammer fur les vertus,

ou le Philofophe fage qui les obfervant de près, fçait les deffiner & les peindre. Ainsi, les maufolées & les tombeaux des Ariftide & des Caton ne font plus; & leurs actions fe perpétuent dans les écrits du philofophe de Chéronée. Ainfi le lieu où repofe l'urne d'Agricola, eft ignoré, & fes vertus vivent encore dans Tacite. Heureux qui peut auffi mêler fon nom à celui des grands Hommes, & parler à la postérité de ce qui a été grand ou utile.

Un corps de Citoyens qui joint les vertus aux lumières, invite aujourd'hui les Orateurs de la Patrie à célébrer le Héros qui l'a vengée : & moi je viens auffi prononcer d'une voix foible, quelques mots aux pieds de fa Latue. Si je n'ai pas la gloire de l'emporter fur mes rivaux, j'aurai du e moins celle d'avoir rempli les devoirs de la reconnoiffance; & fi je ne réuffis

point comme orateur, je m'applau dirai comme citoyen, d'avoir honoré, autant qu'il étoit en moi, lẹ défenfeur de mon Pays,

Je laiffe aux Généalogiftes & aux efclaves, le foin de louer les hommes fur la diftin&tion de leur naiffance. Il eft plus beau fans doute, & plus difficile fur-tout, de créer fa nobleffe que d'en hériter. Le feul mérite qui ait manqué à MAURICE fut donc celui de percer la foule pour s'élever; car je ne puis diffimuler qu'il étoit né du fang des Rois (1).

Socrate crut avoir un Génie qui veilloit auprès de lui. Ne pourroit-on pas dire que tous les grands Hommes en ont un qui les guide dans la route que leur a tracée la nature, & les y entraîne comme par un afcendant invin cible. MAURICE, dès le berceau, fembla s'élancer vers les combats. A peine fa main put-elle foutenir le poids d'une

« AnteriorContinuar »