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leur échappoit. Philippe jugea MAURICE En Homme d'Etat; & MAURICE justifia Philippe.

Dès-lors il fe confacra tout entier à l'étude de ces fciences férieufes & profondes,qui font devenues les compagnes & les inftrumens de la guerre. L'Art d'Euclide lui apprit à connoître les propriétés générales de l'étendue, & lui donna cet efprit de combinaison qui eft le fondement de tous les arts où l'imagination ne domine pas, auffi néceffaire au Général qu'à l'Aftronome, & qui a formé Turenne & Vauban, comme Archimède & Newton. L'art du Génie lui apprit à faire ufage de ces notions abftraites, en les appliquant aux Fortifications, à l'attaque & à la défenfe des Places: &, pour la gloire de MAURICE, il fuffit de dire qu'il eut des vues qui avoient échappé à Vauban & à Cohorn *. L'art

Le Vauban des Hollandois.

qui enfeigne les propriétés du mouve ment, qui mesure les temps & les efpaces, qui calcule les vîteffes, & commande aux élémens dont il affujettit les forces, exerça auffi ce génie ardent & facile (7). A ces études, il joignit celle de l'Hiftoire. Guidé dans ce labyrinthe par l'exacte connoiffance des lieux, il obfervoir, étudioit & jugeoit les grands Hommes. Laiffant les dates aux compilateurs, & les détails qui ne font que curieux aux efprits oififs & frivoles, il s'inftruifoit par les grands exemples, comme par les fautes des Hommes célèbres. Ses propres réflexions contribuèrent à le former', & il joignit fes lumières à celles de tous les fiècles. Malheur à qui n'a jamais pensé par lui-même! Quelque talent qu'il ait reçu de la nature, il ne fera jamais mis au premier rang des hommes. MAURICE, plein de cette hardieffe qu'infpire le génie, écartoit la barrière du préjugé pour

reculer les limites de fon art, après avoir trouvé le bien cherchoit le mieux, s'élançoit au delà du cercle étroit des événemens, & créoit des combinaifons nouvelles, imaginoit des dangers pour trouver les reflources, étudioit fur-tout la fcience de fixer la valeur incertaine & variable du Soldat, & de lui donner le plus grand degré d'activité poffible, fcience la plus inconnue & la plus néceffaire.

Que ne puis-je élever ici ma voix, & la faire entendre à tous ceux qui fe confacrent à la défenfe de la Patrie; à vous fur-tout, qui appellés par votre rang aux premiers honneurs de la guerre, confumez, pendant la paix,des jours inutiles dans l'ennui, ou dans les fatigues de la volupté! Guerriers, vous portez un nom illuftre, vous êtes braves, la nature vous donna des talens, peut-être même du génie; mais ces qualités ne fuffifent point encore. Imitez le Comte de Saxe dans fes études:

ce n'eft qu'à ce prix que vous pouvėž prétendre à l'égaler dans fes fuccès (8).

Tandis que la France formoit ce Héros, elle fut menacée de le perdre (9). Cette République du Nord, compofée d'un Roi dépendant, d'une Nobleffe guerrière & d'un Peuple efclave, & ce vafte Empire qui d'un côté touche à la Pologne, & de l'autre aux frontieres de la Chine, fe difputoient le droit de protéger, c'est à-dire d'affervir la Curlande. Cet Etat foible, mais libre, qui avoit befoin d'un grand Homme pour conferver fon indépendance, élut MAURICE pour Souverain. A peine cet honneur dangereux fut il remis entre fes mains, qu'il eut à foutenir les efforts de ces deux Peuples rivaux d'intérêt, mais fes communs ennemis. On le vit braver en même temps & les décrets de la Pologne, & les armes de la Ruffie, négocier tour-à-tour & combattre, démêler les picges que lui tendoit la

perfidie, & foutenir un siege dans for palais. S'il fut obligé de céder, du moins il ne manqua point à fa fortune, & fit voir à fes peuples qu'il étoit digne d'être leur Souverain. Cette difgrace, si c'en eft une que d'être déchargé du fardeau de gouverner les hommes, l'attacha de plus en plus à la France.

Ce fut dans ces circonftances (10) qu'il rédigea par écrit fes obfervations fur l'Art Militaire, ouvrage digne de Céfar ou de Condé, écrit de ce style mâle & rapide qui caractérise un Guerrier, plein de vues profondes & de nouveautés hardies, où il juge la coutume avant de l'adopter, laisse les ufages pour examiner les princi. pes, ofe créer des règles où il n'y en a point eu jusqu'alors, donne des préceptes pour le Général comme pour le Soldat, s'élève jusqu'au fublime de l'art, & defcend dans les détails, partie la plus pénible pour le génie, parce

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