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provinces où il avoit été Intendant, firent célé brer un service en fon honneur. Cette marque de l'attachement des peuples après la mort, le loue mieux que toutes les oraifons funèbres. Il avoit beaucoup contribué à la construction du fameux canal de Languedoc, qu'on peut citer parmi le petit nombre d'ouvrages où l'utilité fe joint à la grandeur.

Idem. (4) M. le Chancelier n'eut prefque d'autre maître que fon père. Celui-ci s'appliquoit à l'instruire au milieu de fes pénibles occupations. Son fils l'accompagnoit dans tous Les voyages, qui devenoient pour lui des efpèces d'exercices littéraires. Il feroit à fouhaiter que tous les pères de famille qui font éclairés, fuiviffent un pareil exemple, & qu'ils penfaffent davantage, qu'ils font comptables de tout le bien que leurs enfans pourroient faire un jour.

Page 84. (5) M. Dagueffeau fit le premier eflai de fes talens dans la charge d'Avocat du Roi au Châtelet. Il y entra à l'âge de vingt-un ans, le 29 Avril 1690; il ne l'exerça que quelques mois. On créa alors une troisième charge d'Avocat Général au Parlement. M. Dagueffeau le père la demanda pour fon fils. Louis XIV la lui accorda, par préférence à un autre fujet, en difant qu'il connoiffoit affez le père, pour étre affuré qu'il ne voudroit pas le tromper, même

dans le témoignage qu'il avoit rendu de fon fils.

Il fut reçu Avocat Général le 12 Janvier 1691.

Il y parut d'abord avec tant d'éclat, que le célèbre Denis Talon, alors Préfident à Mortier, dit: Qu'il voudroit finir comme ce jeune homme commençoit.

Page 87. (6) Après avoir exercé dix ans la place d'Avocat Général, il fut nommé Procureur Général le 19 Novembre 1700. Il fuccéda dans cette charge à M. de la Briffe. Il étoit à la campagne, dans le temps des vacances, lorfqu'il en apprit la nouvelle. Il n'avoit que trentedeux ans. Louis XIV l'avoit choisi pour remplir cette grande place, fur ce que le Premier Préfident de Harlay lui avoit dit de fon mérite. Cer illuftre magiftrat avoit affez de lumières pour apprécier M. Dagueffeau, & affez de vertu pour n'en être pas jaloux. Il fçut rendre justice à un homme qui devoit un jour l'effacer.

Page 88. (7) Dans cette place, l'étendue immense de ses fonctions ne ralentit point l'activité de ses travaux. Un Procureur Général eft l'homme du Roi, de la Patrie & de la Religion. M. Dagueffeau remplit tous ces devoirs avec autant de fageffe que de zèle. Les affaires du domaine fournirent un champ vafte à fes recherches. Il déterra un grand nombre d'anciens titres enfevelis jufqu'alors dans l'obfcurité. Il

les fit valoir par des écrits folides, qu'on peut regarder comme d'excellens morceaux d'histoire & d'érudition. Attentif à tout ce qui pouvoit intéreffer fon zèle, dans toute l'étendue du reffort du Parlement, il régloit les jurifdictions, maintenoit l'ordre des magiftratures, entretenoit la difcipline dans les tribunaux, corrigeoit les abus, prévenoit l'effet des paffions, arrêtoit les excès même du zèle. Ses réponfes aux lettres des officiers qui le confultoient, formoient comme une fuite de décifions fur la jurifprudence. Il fut l'auteur de plufieurs réglemens autorifés par des arrêts, & chargé de la rédaction de plufieurs loix, par le Chancelier Pont - chartrain qui le confultoit fouvent, & lui prédit qu'il le remplaceroit un jour. Dèfmarets Contrôleur Général, & le meilleur Miniftre des Finances depuis Colbert, avoit pour lui la plus grande eftime, & lui demandoit fouvent fes avis. Dès fa jeuneffe il étoit uni avec M. de Torci, par la conformité des vues & des principes. Ainfi, fans chercher la faveur, fans empreffement pour les affaires, il avoit fouvent part aux réfolutions qui étoient prifes dans le Confeil de Louis XIV. Il fut plus d'une fois confulté par ce Prince ; & il compofoit alors fur les affaires d'Etat, des mé

moires également profonds & bien écrits. C'étoit pour lui un nouveau genre de travail auffi utile que caché. On pouvoit le comparer à ces fources, dont les eaux conduites par de fecrets canaux jufqu'aux lieux les plus élevés, font enfuite verfées par les fontaines publiques pour l'avantage des peuples. M. Dagueffeau, dans la place de Procureur Général, traita fur-tout d'une manière fupérieure l'inftruction criminelle. Une Partie publique qui pourfuit les crimes au nom de l'Etat, eft un des plus fages établissemens de. nos gouvernemens modernes. Par-là l'Etat peut fe paffer de la refsource vile & dangereufe des délateurs, qui dans les gouvernemens anciens, trafiquoient de l'honneur & du fang de leurs concitoyens. Mais pour bien remplir cette fonction, il faut un magistrat qui fçache ce que vaut la vie d'un homme. M. Dagueffeau regardoit la condamnation d'un citoyen comme une calamité publique. On a remarqué que pendant tout le temps qu'il fut Procureur Général, les exécutions furent extrêmement rares. C'est l'éloge ou de fa vigilance, ou de fon humanité.

Page 88. (8) De toutes les fonctions attachées à la charge de Procureur Général, celle qui lui fut la plus chère, fut d'être par état le

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protecteur des foibles & des malheureux. Il feroit à fouhaiter que ces noms ne fussent pas même connus parmi nous. Mais puifque l'imperfection des loix, l'inégalité qui eft la fuite de notre nature & de nos vices, rend ce défordre néceffaire; nous devons du moins fçavoir gré aux magiftrats qui réparent ce défordre, autant qu'il eft en eux, par la protection qu'ils donnent aux foibles. On conseilloit un jour à M. Dagueffeau de prendre du repos. Puis-je me repofer, répondit-il, tandis que je fçais qu'il y a des hommes qui souffrent? Il descendoit dans tous les détails qu'exige l'administration des hôpitaux. Ces maisons, monumens de grandeur & de misère, qui accufent la constitution de l'Etat par le grand nombre de malheureux qu'elles renferment, mais qui font l'éloge de l'humanité par le fecours qu'y reçoivent tous les befoins, étoient éclairées par fa vigilance, & foutenues par fon zèle. Il en étoit le protecteur, encore plus par inclination que par devoir.

Page 89. (9) Le fameux hiver de 1709 eft une époque que la nation n'oubliera jamais. On faifoit une guerre malheureufe; les fources du commerce étoient taries, les finances épuisées, le crédit anéanti, le peuple entier dans l'abattement. La famine vint encore se joindre à tant

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