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Nous n'entrerons pas dans de plus longs détails, les bornes de cet article nous imposant la nécessité d'être bref; il nous suffira d'ajouter que la bibliothèque du Musée britannique contient aujourd'hui un demi-million de livres imprimés et un nombre considérable de manuscrits, de pamphlets et d'ouvrages spéciaux, dont il serait difficile de donner une évaluation exacte. On se fera néanmoins une idée de l'importance des accroissements en jetant les yeux sur le rapport fait au parlement en 1856, rapport d'où il résulte que les différentes sections du vaste dépôt littéraire que nous décrivons, se sont enrichies pendant cette seule année de 42,639 numéros! On évalue, en moyenne, le chiffre des lecteurs à 181 par jour et le nombre des ouvrages consultés dans le même temps à 1,175 environ. Ces faits indiquent surabondamment l'immense utilité de l'institution.

De pareils résultats font honneur à l'esprit éclairé de la nation anglaise et à l'excellente administration de M. Panizzi, qui est parvenu à donner à cette bibliothèque considérable une classification simple, naturelle, et qui met à la portée de tous les richesses qu'elle renferme.

Nous ne pouvons assez insister sur ce dernier point car, ainsi que nous l'avons dit ailleurs, l'absence de méthode éloigne les lecteurs et les décourage. Plus d'un bibliothécaire aurait, sous ce rapport, d'utiles leçons à prendre chez nos voisins d'outre-mer; malheureusement, il en est de plusieurs d'entre eux comme des mandarins chinois : ils considèrent volontiers leur domaine comme un céleste empire, et celui de leurs collègues, comme une terra incognita, livrée à l'ignorance et à la barbarie.

La routine est un grand chemin qui est éminemment

carrossable, et le sentier abrupt et difficile qui conduit à la science fatigue tout autre qu'un vrai savant. Revenons au Musée britannique.

L'augmentation constante du nombre des visiteurs finit, dans ces derniers temps, par démontrer la nécessité d'ajouter encore aux constructions existantes, et un subside fut demandé au parlement pour l'établissement d'une salle de lecture. Après de longs délais, ayant pour cause l'importance des fonds demandés, M. Panizzi proposa un plan nouveau, par l'adoption duquel les dépenses devaient être considérablement réduites. Il accompagna son projet de dessins et de notes, et l'architecte de la commission, M. Sydney-Smirke, en ayant fait un rapport favorable, le parlement finit par sanctionner ce projet par un vote, le 3 juillet 1854. Les travaux furent bientôt commencés, et ce vaste édifice, dont le devis monte à 150,000 livres sterling, vient de s'ouvrir tout récemment au public.

La salle de lecture du Musée britannique est circulaire et renferme un espace de 1,250,000 pieds cubes; elle est surmontée d'un dôme d'une hardiesse remarquable, de 140 pieds de diamètre et de 106 pieds de haut, et dont les porportions ne sont inférieures que de deux pieds à celui du Panthéon à Rome. Ce dôme est divisé en vingt compartiments, au centre de chacun desquels s'élève une fenêtre de 27 pieds de haut et de 12 pieds de large, décorée de médaillons et de moulures, et dout les panneaux sont peints en bleu, à l'encaustique. De riches consoles, disposées de distance en distance autour de la corniche, sont destinées à recevoir de colossales statues en marbre blanc qui ajouteront encore à l'aspect imposant de l'ensemble.

Le fer, la brique et le verre sont les seuls éléments qui soient entrés dans la construction de ce vaste édi

fice; il mérite, sous ce rapport, l'examen attentif des gens de l'art. En effet, grâce à l'emploi judicieux des matériaux, les supports de la voûte énorme que nous venons de décrire n'occupent qu'un espace de 200 pieds, alors que les constructeurs du Panthéon à Rome ont été obligés d'y consacrer une superficie de 7,477 pieds, et ceux du tombeau de Mahomet une étendue de 5,593 pieds. Comme on le voit, la supériorité est tout entière du côté de l'art moderne, en faveur duquel on nous pardonnera, nous l'espérons, cette digression architecturale qui n'est pas tout à fait du domaine d'un bibliophile.

Au centre de la salle de lecture et de manière à en dominer l'ensemble, s'élève le bureau du chef de section (superintendent) chargé du service.

Deux longues tables circulaires entourent ce bureau, et renferment les catalogues de la bibliothèque et les billets imprimés dont le public fait usage pour demander communication des volumes. Ces billets sont de différentes couleurs, afin de ne pas confondre le service des manuscrits avec celui des imprimés. Les catalogues sont en bon ordre, parfaitement tenus, et la fusion des différents fonds qui composaient primitivement la bibliothèque avance rapidement. Un catalogue général est en voie d'exécution, et un grand nombre de volumes en sont déjà à la disposition des lecteurs, le dépouillement des lettres A. B. C. D. E. F., c'est-à-dire un tiers du travail étant complétement terminé. M. J. Winter Jones en a la direction spéciale, et s'en occupe avec activité.

Le bureau du chef de section et les meubles qui servent à l'emménagement des catalogues forment donc, comme nous venons de le voir, le centre d'un vaste cercle. Autour de ce centre, et comme autant de rayons,

se présentent 35 tables de 50 à 34 pieds de longueur, et pouvant recevoir chacune de 14 à 16 personnes. Ces tables sont divisées en deux parties, chaque lecteur étant séparé de son voisin opposé par une division longitudinale d'une certaine hauteur. On a établi, des deux côtés de cette séparation, un pupitre à crémaillère et une planchette horizontale qui servent à déposer les ouvrages qu'on se propose de consulter. Un encrier avec porte-plumes est fixé entre le pupitre et la planchette, de telle manière que la table sur laquelle on prend ses notes, est complétement débarrassée de tous objets encombrants. Cette disposition offre en outre l'avantage de présenter toutes les garanties possibles pour la conservation des livres, qui ne peuvent être tachés à moins d'une impardonnable négligence. Indépendamment des tables que nous venons de décrire, il existe encore seize meubles de 6 pieds de long, autour desquels deux lecteurs peuvent se placer, et qui sont destinés à ceux qui auraient à consulter des ouvrages d'une dimension extraordinaire.

Le pourtour de la salle de lecture est garni de livres qui forment, jusqu'à la corniche servant de base au dôme lui-même, deux immenses galeries circulaires. L'étage inférieur, composé de 20,000 volumes, est accessible au lecteur, qui peut y consulter tout un fonds de bibliothèque sans formuler sa demande par écrit. Elle est formée d'une collection considérable de dictionnaires en toutes les langues, d'œuvres biographiques, encyclopédiques, topographiques, diplomatiques, de tout ce qui peut servir, en un mot, à indiquer les sources et à diriger les études. Les deux galeries réunies de la salle de lecture contiennent 80,000 volumes.

Les rayons sur lesquels ils reposent sont en fer galvanisé; l'air y circule abandamment, et de larges bandes de

cuir, fixées à chaque rayon, protégent les livres contre la poussière. La salle est chauffée par des courants d'eau bouillante et se trouve complétement isolée des autres bâtiments du Musée pour éviter les dangers d'un incendie.

Tel est le tableau général de cette vaste bibliothèque et de ses dispositions nouvelles. Nous l'avons reproduit avec des détails techniques assez arides peut-être, mais dont l'utilité est incontestable.

C'est grâce à l'attention que l'on apporte à ces détails, qu'on assure la conservation des collections scientifiques. Nous espérons avoir démontré que la bibliothèque du Musée britannique mérite, sous ce rapport, une étude approfondie: elle offre, tant par les lois qui ont présidé à son organisation, que par ses emménagements, un véritable modèle à suivre. Nos dépôts littéraires ne possèdent pas, il est vrai, les mêmes ressources, mais il dépend de tout bibliothécaire zélé d'en étendre l'importance, par la classification intelligente des collections et l'emménagement méthodique du dépôt qui lui est confié. Il y a, de ce côté, beaucoup d'améliorations à entreprendre en Belgique, mais il faut sortir de l'ornière et renoncer à toute prétention au céleste empire... Voilà la difficulté !

ERNEST VAN BRUYSSEL.

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