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des Africains. C'était à faire pitié; sans politique, sans armée, l'empire divisé, sans considération ni prestige en Europe; sans enseignement, sans industrie ni commerce; délirant en littérature et ridicule dans les arts, le nom espagnol, si plein de gloire auparavant, est à peine connu, et l'on n'en parle qu'avec dédain. >>

Tels sont les fruits, pour les peuples, de la domination cléricale.

<< Mais, dit l'auteur, « la raison humaine n'est pas destinée à >> rester ensevelie sous les nuages obscurs de l'ignorance, et » le principe éternel de conservation veille sur la force vitale >> et progressive de l'intelligence. » « Dieu veuille que la >> paix et la tolérance accordent des jours prospères et brillants » à ma patrie bien-aimée ! »>

Nous nous associons à ce vœu patriotique, et nous souhaitons que les malheurs passés de l'Espagne fassent comprendre, à d'autres peuples, les dangers et les suites funestes du despotisme religieux et politique.

H. S.

HISTOIRE DE L'ORIGINE ET DES PROGRÈS DE LA PUISSANCE SPIRITUELLE ET TEMPORELLE DES ÉVÊQUES DE ROME, Suivie de Clément IV, ou la chute de la maison de Souabe en Italie, drame,

PAR DIEGO SORIA DE CRISPAN.

In-12 de 393 pages. Genève, Joël Cherbuliez.

Il est dans l'histoire des peuples des moments solennels où semblent se résumer des siècles d'efforts et de luttes, et où leur avenir dépend parfois de l'issue heureuse ou malheureuse de quelqu'événement capital. Telle a été, en Italie, l'invasion des Angevins, la défaite de Mainfroi; c'est non-seulement le signal du démembrement et de l'asservissement de l'Italie, c'est encore le triomphe des papes sur le monde entier, c'est le commencement de la grande période d'oppression et de ténèbres.

C'est ce qu'a compris M. Diego Soria de Crispan. Il a vu que

les malheurs actuels de l'Italie étaient encore un dernier résultat de l'avénement de la maison d'Anjou au trône de Sicile. Il a vu ce qu'il y a d'éminemment dramatique dans cette lutte suprême, soutenue si héroïquement par le roi de Naples contre Charles d'Anjou, le séïde du pape Clément IV; car en ce moment l'esprit moderne d'opposition et de liberté semblait s'être incarné en Mainfroi, qui, à moitié vaincu déjà, trahi par ses barons, abandonné par un peuple fanatique, bravait encore audacieusement les foudres de l'Église, et, vainqueur, n'eût plus hésité sans doute à tourner ses armes contre ses véritables ennemis le pape et le collége des cardinaux.

Pénétré de ces idées, M. Diego Soria s'est mis à composer un drame qu'il a écrit avec son âme plus encore qu'avec sa plume. Ce drame, c'est le cri de souffrance du proscrit gémissant sur les malheurs de la patrie. On croit entendre Jérémie, assis sur les ruines de Jérusalem, et jetant ces accents d'angoisse suprême dont le monde retentit encore aujourd'hui.

Écrit ainsi, sous la pression d'une douleur sublime, ce drame, malgré les préoccupations politiques qui en obscurcissent parfois les beautés, ce drame est devenu une œuvre extrêmement émouvante. Il y règne, de la première page à la dernière, une animation, une vie, une chaleur, une passion, une énergie extraordinaires. Formé d'éléments compliqués, présentant un véritable enchevêtrement d'événements et même d'actions, il n'en a pas moins l'empreinte, non de cette unité de convention, d'exclusion et de négation, qu'on nomme l'unité de temps et de lieu, mais de cette véritable unité, de cette unité mystérieuse, poétique, idéale, qu'imprime à une œuvre d'art toute conception vigoureuse, née dans un esprit réellement original, individuel et indépendant.

Une pareille œuvre, toute de sentiment, d'enthousiasme, composée en dehors des conditions et des règles ordinaires de l'art, échappe à l'analyse et plus encore à la critique. Si elle vous émeut il faut l'admirer ingénuement, sinon ne tentez point d'y appliquer la mesure commune : vous n'y réussiriez pas plus que si vous vouliez juger les drames historiques de Shakspeare à l'aide des règles d'Aristote.

M. Diego Soria, sachant combien est peu connue l'histoire de la déchéance de la maison de Souabe en Italie, a cru devoir faire précéder son drame d'une introduction, dans laquelle il suit pas à pas les progrès de la puissance des évêques de Rome, depuis l'origine jusqu'à l'avénement de la maison d'Anjou au trône de Naples, avénement qui en marque l'apogée.

Il y a là une étude profonde de ces temps reculés, de ces époques obscures, une étude faite avec la patience d'un bénédictin, avec la science d'un historien et l'esprit d'un philosophe. Cette introduction est devenue ainsi plus qu'un simple précis, c'est un véritable livre d'histoire.

Bien des gens, même parmi les personnes dont les idées sont les plus libérales, s'imaginent encore que les papes tiennent leur puissance directement de saint Pierre, sauf à examiner si saint Pierre a eu réellement le droit de leur transmettre une telle puissance. C'est même là le point qui leur semble être le seul en litige.

Ces personnes seront fort étonnées d'apprendre que dans le principe les évêques de Rome n'eurent aucune prééminence sur les autres évêques. M. Soria nous montre les évangélistes saint Marc et saint Jean, l'un évêque d'Alexandrie, l'autre d'Ephèse, contemporains de Lin, le premier évêque de Rome, ordonné, à la vérité, par saint Pierre, mais auquel ne fut certainement pas conféré un pouvoir plus étendu que celui des évangélistes euxmêmes. D'ailleurs, avant de fonder l'Église de Rome, il avait formé celle d'Antioche; de telle sorte que les évêques d'Antioche pourraient s'appeler les successeurs de saint Pierre à plus juste titre que ceux de Rome.

Mais en ces temps primitifs les prêtres ne s'occupaient nullement des affaires du monde. Ils se réservaient seulement les questions religieuses, la discipline des Églises et la règle des mœurs parmi les fidèles. Et même, pour le dernier point, ils n'exercèrent leur action qu'à l'aide de la censure. Les Églises, d'ailleurs, étaient parfaitement indépendantes les unes des autres. Les chrétiens formaient alors une véritable république, un État dans l'État, mais soumis, pour le temporel, aux lois de l'État.

Avec Constantin commencèrent déjà les envahissements du clergé. Avec un empereur chrétien, les prétentions des prêtres ne pouvaient manquer de se faire jour. Trouvant insuffisants les châtiments spirituels, ils surent faire exécuter leurs canons par le bras temporel. Voilà déjà la confusion des pouvoirs qui se manifeste. Constantin organise la police ecclésiastique. L'Église étend sa hiérarchie. De nouveaux titres sont créés, ce sont des Métropolitains, des Primats, des Exarques ou Patriarches.

Bientôt l'ambition des évêques de Rome commence à se montrer. Rome n'avait-elle point été la reine du monde? Mais la puissance spirituelle de ces évêques ne s'étendait encore que sur le vicariat de Rome. Ils imaginèrent d'envoyer leurs vicaires dans les provinces qu'ils croyaient pouvoir soumettre facilement à leur autorité. Les provinces illyriennes furent ainsi les premières soumises à la dépendance du patriarche de Rome.

Si nous suivions M. Soria dans cette histoire des envahissements des évêques de Rome, nous ne tarderions pas à voir ceux-ci étendre leur juridiction sur l'Italie, puis sur la Gaule et l'Espagne et enfin sur tout l'Occident. Mais, forcé de nous borner après cette courte exposition, après ces simples prémisses, nous ne pouvons qu'engager nos lecteurs à entreprendre euxmêmes la lecture de ce livre dont un résumé est pour ainsi dire impossible. L'auteur écrit avec tant de netteté, tant de précision, qu'il faudrait le citer tout entier.

Nous avons déjà dit que M. Soria est un homme passionné pour son pays et pour la cause de la liberté; nous l'avons vu, écrivain véhément, composer une œuvre qui tient presque autant du pamphlet que du drame. Mais M. Soria comprend que tout autre doit être le style de l'historien, et il s'est efforcé de conserver le calme, l'impartialité avec lesquels doivent être traitées les questions d'histoire. On voit cependant que cette contrainte lui pèse; par moments son indignation éclate, comme malgré lui, en sorties virulentes, dont nous n'avons pas le courage de nous plaindre, bien qu'elles nuisent un peu à l'égalité du style. C'est là que se montre l'homme même, sous l'auteur, et cet homme a droit à toutes nos sympathies, à tout notre respect.

E. V. B.

ནའ་

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La troisième petite lettre de dom Jacobus se divise en trois partiesla Charité, l'Ignorance, la Misère-dont la première seule a paru en brochure; la deuxième a été publiée par le National (du 23 juillet au 16 août); la troisième sera imprimée prochainement dans une édition complète, format Charpentier, qui réunira toute la première partie des Nouvelles provinciales, revue et augmentée. Nous ne doutons pas du succès d'un semblable livre, et nous espérons que ce succès fera enfin rompre le silence aux modernes propagateurs des théories de l'Église chrétienne. Il sera curieux de voir ce qu'ils répondront à tant de preuves, à tant de faits, à tant d'autorités, à tant de chiffres. Ce ne sont plus ici de simples affirmations que l'on puisse nier, des arguments qu'un sophisme retourne, des raisonnements que d'autres raisonnements atténuent nous connaissons toutes les ressources de ces Messieurs, et pourtant nous avons peine à nous figurer ce que pourrait enfanter leur dialectique pour soutenir la lutte contre dom Jacobus.

Ah! si nous étions encore au beau temps de l'inquisition et des auto-da-fé! si l'on pouvait brûler le livre avec son auteur! quel excellent argument, et sans réplique celui-là ! Mais hélas ! la société s'est bien corrompue; elle a la faiblesse de repousser ces moyens extrêmes, elle veut obliger le christianisme à raisonner avec ses adversaires, sans s'apercevoir que c'est le condamner au suicide.

Que répondre, par exemple, à ces faits innombrables qui prouvent que l'Église, au lieu d'apporter la fraternité sur la terre, au lieu de relever les petits, d'éclairer les faibles, de sauver les pauvres, a raffermi l'esclavage païen, s'est faite propriétaire d'esclaves, a exploité l'esclavage et l'a même conservé la

R. T.

26.

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