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communales, comme il se révèle encore aujourd'hui de la façon la plus remarquable, la plus tenace. Mais il faut aussi, à plus forte raison, considérer cette histoire comme celle de la liberté, et laisser désormais de côté les biographies des princes et des seigneurs pour s'occuper du peuple même, de ses tendances, de ses aspirations, de ses luttes incessantes contre la tyrannie. A ce double point de vue l'histoire de Liége est l'une des plus intéressantes des histoires particulières de la Belgique, et il importait de la refaire pour la présenter enfin dans tout son jour, pour la mettre en rapport avec le progrès politique et intellectuel. Ce but a été atteint complétement par M. Ferd. Henaux dans son Histoire du pays de Liége, et surtout dans la seconde édition de cet ouvrage.

L'auteur nous trace d'abord une esquisse géographique du Pays de Liége en 1788, et joint à son esquisse une carte fort bien faite, qui permet d'apprécier d'un coup d'œil l'étrange circonscription de ce territoire. Une population de 560,000 habitants dont un quart parlaient flamand et le reste wallon; 22 bonnes villes, outre la cité de Liége, éparpillées, pour ainsi dire, dans la Hesbaie, le Condroz, la Famenne, l'Ardenne et la Campine, voilà ce pays où l'on rencontre avec étonnement la plus grande homogénéité de mœurs, d'esprit et de caractère.

Mais cette homogénéité s'explique dès le début de l'histoire. Les premiers Éburons - dont le nom paraît à M. Henaux une simple erreur de copiste pour Ebinons, Hesbignons — formaient une fédération de républiques distinctes et séparées. Cette fédération continua à subsister sous la domination ou plutôt sous la suzeraineté des Romains, dans la contrée à laquelle on donna le nom de Tongrie. Les conquérants germains s'étant substitués à ceux de Rome, le pays fut simplement mis sous la surveillance des évèques, qui furent investis d'une autorité temporelle, surtout lorsqu'en 720 l'évêque Hubert choisit définitivement Liége pour sa résidence. Cependant les bonnes villes jouissaient d'une administration particulière indépendante, et tout le pays, relevant de la Germanie, pouvait se considérer comme réellement libre.

La véritable histoire de Liége commence en 966, lorsque les

vêques cherchent à sortir des limites de leur pouvoir, et que la lutte s'engage entre le peuple et son prince. Des conventions particulières interviennent pour régler les droits de l'un et de l'autre ; les franchises sont reconnues, l'empereur est pris pour garant et pour arbitre. Les évêques n'en persévèrent pas moins dans leurs projets ambitieux, particulièrement lorsque l'empire devenu électif, en 1125, perdit de sa force et de son influence.

Malheureusement les liens de fédération s'étaient peu à peu relâchés, et la nation s'était divisée en patriciens et en plébéiens, en Grands et en Petits; les Grands avaient en outre dans leur sein une caste oligarchique représentée par les Échevins. La lutte devint de plus en plus plus vive entre ces deux peuples, entre ces deux principes; mais, en 1313, les Petits, c'està-dire la démocratie, remportent une première et importante victoire, suivie de la fameuse paix de Fexhe, véritable pacte constitutionnel qui constata par écrit les priviléges de la nation. Voici comment M. Henaux apprécie cette paix mémorable :

« Grâce à elle, toutes les villes et toutes les communautés, qui jusque-là avaient été presque étrangères les unes aux autres, sont liées ensemble, sous la direction suprême du Sens du Pays. De ce moment, et par suite de l'unité législative, elles forment un corps de nation compacte, et si elles sont encore souveraines vis-à-vis de l'évêque, elles ne sont plus aussi complétement indépendantes les unes des autres.

>> Les bourgeois des villes, les manants des communautés comprirent, comme les nobles et le clergé, la portée de cette paix; pour tous, elle devint aussitôt un signe de ralliement.

» Désormais, en effet, c'est à elle que se rattachera tout ce qui sera fait pour la défense du pays. »>

Nous n'avons pas l'intention de faire le résumé du travail de M. Henaux; nous tenions seulement à en faire comprendre les principes, ou pour mieux dire les prémisses. Ces quelques mots indiqueront suffisamment à quel point de vue élevé l'auteur envisage l'histoire de sa patrie, et de quelle façon toujours nette et juste, souvent lumineuse et saisissante, il caractérise l'ensemble de cette histoire.

M. Ferd. Henaux est plutôt un historien politique qu'un histo

rien conteur ou dramatique; mais son récit est simple, rapide, animé, et ce n'est point au moyen de réflexions intempestives ou de digressions à perte de vue qu'il fait apprécier la portée des événements. La moralité, l'enseignement résulte de la façon de présenter les choses, et cette méthode est sans contredit la meilleure; mais il n'est pas donné à tout le monde de pouvoir la suivre. Il faut pour cela une conviction forte, basée sur la méditation et sur l'expérience, une conviction qui anime constamment l'écrivain et qui se révèle jusque dans son style. Combien il est facile de distinguer, tout d'abord, de semblables œuvres, consciencieuses et raisonnées, des thèses toutes fugitives inspirées par le paradoxe ou la fantaisie!

L'érudition proprement dite a été rejetée par M. Henaux dans des notes nombreuses, qui servent ou d'explication ou de pièces à l'appui, et qui renferment les dissertations nécessaires à l'éclaircissement de certains faits. Ces notes, presque aussi étendues que l'ouvrage même, témoignent d'une science profonde et de vastes études préalables; l'écrivain a eu le bon goût, bien rare à notre époque, de ne point en entraver son récit : il a su débarrasser l'édifice des échafaudages qui avaient servi à le construire.

L'Histoire du pays de Liége, par M. Ferd. Henaux, sera considérée comme un véritable monument élevé à la nationalité liégeoise; car cette nationalité subsiste, malgré l'annexion aux autres provinces belges; elle subsiste au même titre et avec les mêmes droits que la nationalité flamande; elle subsiste dans les mœurs, dans les idées, dans les coutumes, dans le langage, dans le caractère et jusque dans la physionomie du peuple liégeois. La passion de l'indépendance est l'un des traits les plus frappants de ce peuple; mais si cette passion l'empêche de se fondre complétement avec les autres Belges, c'est précisément aussi en cela qu'il leur ressemble et qu'il est digne d'entrer dans la grande communauté établie par la révolution de 1830. Peut-être notre Constitution de 1831 aurait-elle dû consacrer et étendre davantage l'indépendance relative des communes et des provinces à l'égard du pouvoir central; peut-être auraitelle dû se modeler davantage sur les institutions de la Suisse.

C'étaient les véritables traditions, les véritables tendances, la véritable vie du pays, et nous applaudissons, pour notre part, de grand cœur à tout ce qui favorise et développe cet esprit réellement belge.

E. V. B.

KEURDICHTER UIT DE XVIe EEUW.

JONKER JAN VAN DER NOOT,

met levenbericht en glossarium, uitgegeven door C. Stallaert,

In-12, Gend, Van Doosselaere.

Le xvIe siècle fut une époque de décadence pour les lettres flamandes. L'imitation française mise à la mode par la maison de Bourgogne, le culte puéril de l'antiquité enfanté par la renaissance, et surtout les dissentions religieuses soulevées par la réforme, toutes ces causes contribuèrent à étouffer dans nos provinces la vie littéraire. Le niveau de l'intelligence n'avait pas baissé, mais les temps étaient mauvais : l'homme de lettres était trop dans l'arène où se décidait le sort de notre patrie : tout le monde était citoyen; tout citoyen était soldat. Les seuls écrivains qu'on écoutât étaient ceux qui prenaient part à la lutte. C'était Anna Byns avec ses invectives énergiques contre Luther et ses adhérents; c'était avant tout Marnix avec le Byenkorf et le Wilhelmus-lied. Ceux-ci étaient les véritables poëtes, c'est-à-dire que chez eux la poésie était fille de l'inspiration, qu'elle était un instinct, un besoin, une effusion spontanée de l'âme.

Mais la poésie, dans l'acception la plus vulgaire sinon la plus vraie de ce mot, cette poésie qui procède de l'art, quia conscience d'elle-même, qui fait la part égale à la raison et à l'imagination, il faut la chercher dans les chambres de rhétorique ou chez quelques esprits qui savaient vivre en dehors de leur siècle, et

parmi lesquels nous citerons Houwaert, Van der Noot et Casteleyn. Sans doute on ne trouve dans leurs œuvres ni chaleur, ni inspiration, ils n'ont pas même toujours le mérite de la forme, mais encore est-il intéressant d'étudier ce que devenait dans les Pays-Bas en proie à la guerre civile Ronsard et son école. Malheureusement les ouvrages de ces écrivains sont d'une rareté extrême, et il faut un véritable dévouement à la science pour se charger d'extraire de cette immense quantité de sonnets, d'élégies, de poëmes allégoriques, de tragédies, les quelques bonnes pièces qui s'y trouvent, d'autant plus qu'un travail de cette espèce ne rapporte après tout à son auteur qu'une réputation circonscrite dans le cercle des érudits.

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Van der Noot, qui ouvre la série d'écrivains publiée par M. Stallaert, naquit à Brecht, près d'Anvers, en 1538. On ne connaît que fort imparfaitement sa biographie. Il fut échevin de la ville d'Anvers en 1562 et 1565, fut proscrit à la suite des troubles qui éclatèrent en cette ville vers 1566, parcourut l'Europe, connut Spenser à Londres et Ronsard à Paris, revint à Anvers vers 1579, et vécut dans un état très-voisin de l'indigence; on place sa mort vers l'an 1595. Il écrivit un recueil d'OEuvres poétiques réimprimé plusieurs fois, Le théâtre du monde, 1568 in-8°,- Hymne de Braband, 1580 in-fol., Abrégé des douze livres Olympiades, allégorie froide dans le genre du Roman de la Rose et du Teuerdank du secrétaire de Maximilien. L'auteur est à la recherche de sa fiancée Olympia dans le royaume d'Éleusterie; il a à lutter contre une foule de Passions, telles que dame Concupiscence, dame Pauvreté, etc., dont il finit par triompher grâce à Prudence, Sagesse, Raison et Volonté Son mariage est célébré par un banquet où sont invitées toutes les divinités olympiques.

Les œuvres poétiques de Van der Noot se composent d'une foule de pièces de circonstance, adressées ordinairement à des personnages de l'époque, souvent à des Espagnols. Car, malgré son exil, il n'en resta pas moins sujet très-fidèle «< du meilleur roy Philippes, défenseur de nostre saincte foi. » C'est dans ce recueil que se trouvent les plus beaux morceaux de notre auteur seulement on voudrait qu'il s'abstînt de protester aussi

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