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à une tendance qui est en elle-même vicieuse. La vaste toile de M. Verlat représentant un Buffle attaqué par un tigre, est d'un médiocre intérêt pour la majorité du public, tant à cause de l'exagération même de ses dimensions que par sa couleur un peu froide. Il y a néanmoins de grandes qualités dans cette œuvre. M. Verlat a fait preuve de plus de goût et de plus d'esprit dans ses deux petits sujets représentant le Renard et les raisins et une Visite de voisins. Nous n'avons plus à citer dans ce genre que les moutons de M. Jacque, d'un naturel frappant et d'une excellente couleur, les chevaux de M. Van der Vin, et le petit tableau de M. J. Stevens, intitulé les Saltimbanques.

Nous avons déjà eu l'occasion de manifester notre peu de goût pour les intérieurs de cuisine, et nous pouvons nous abstenir de citer les dix à quinze toiles de ce genre qui figurent au Salon; mais il n'en est pas de même pour les fleurs et les fruits que nous regrettons au contraire de voir de plus en plus abandonnés comme sujets de tableaux. M. Charette, M. Robie et M. Saint-Jean conservent seuls les bonnes traditions de ce genre. Nous préférions cependant le Pain et le vin, exposé par M. Robie, il y a trois ans, à la composition un peu prétentieuse qu'il nous donne aujourd'hui sous le titre de la Dime; et si nous avons beaucoup admiré les Framboises de M. Saint-Jean, nous ne pouvons nous empêcher de trouver qu'il en abuse quelque peu en nous offrant de nouveau ces mêmes framboises dans leur même feuille de chou.

En admettant que le prétendu réalisme puisse trouver sa place quelque part, il faudrait assurément considérer le portrait comme son triomphe; mais là, fort heureusement, se présente le daguerréotype qui montre le véritable danger d'une pareille manie, et qui force en

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quelque sorte les peintres à être plus artistes. M. Gustave Richter, de Berlin, est venu nous révéler tout le parti qu'il est possible de tirer du portrait, en l'élevant au rang de la grande peinture. Son œuvre est pour nous la perle du Salon de 1857, et c'est en vain que nous chercherions à analyser les procédés de l'auteur, c'est en vain que nous voudrions y découvrir un défaut, une tache, une négligence. M. De Winne mérite d'être cité immédiatement après M. Richter, et c'est la plus belle louange que nous puissions lui accorder. Parmi les autres œuvres de ce genre, extrêmement nombreuses, nous ne mentionnerons que celles de M. Robert et celles de M. Roberti.

Les aquarelles de MM. Simonau, Tenkate et quelques autres sont du plus grand mérite, mais, comme nous le disions l'année dernière à propos de l'exposition des aquarellistes à l'hôtel d'Assche; cet art tout spécial ne peut être que sacrifié dans une exposition générale des beaux-arts. Parmi les dessins, nous plaçons en première ligne ceux de M. Bida et ceux de M. Franck. M. Franck s'est en outre distingué de la façon la plus remarquable par sa gravure du tableau de M. Thomas, Judas errant pendant la nuit de la condamnation du Christ. Le gouvernement a fait acte de justice en commandant. cette œuvre à un jeune artiste du plus brillant avenir, qui a donné à diverses reprises des preuves irrécusables de son talent. Nous devons aussi reconnaître de belles et précieuses qualités dans les gravures de MM. Bal, Martinet, Nusser et Wildiers, sinon dans la Madeleine de ce dernier artiste, du moins dans son Page d'après le tableau de M. Wittcamp.

L'architecture est d'une pénurie extraordinaire, et c'est moins la décadence de cet art qui nous frappe, que le peu d'efforts faits pour le relever. Le Projet de

cathédrale gothique de M. De Curte est sans doute le seul projet qui attire l'attention, et il n'y a là, selon nous, ni combinaison nouvelle, ni respect des règles établies. La flèche du transsept est étriquée d'une façon disgracieuse, et l'immense portail renfermant la rosace de la façade est en opposition directe avec les principes de l'art ogival. Le Castel flamand de M. Schadde mérite une mention fort honorable, mais le Projet de cathédrale de M. Altenrath est une débauche architecturale qu'il serait impossible d'exécuter même en sucre.

Nous n'avons rien à dire de la miniature, sinon que les œuvres exposées par sir William C. Ross ne nous ont nullement appris comment l'auteur est parvenu à être nommé peintre de la reine d'Angleterre et même à être anobli à cause de son talent. Quant au pastel, nous avouons humblement ne comprendre ni le mérite de ce procédé, ni les titres qu'il peut faire valoir à son admission dans une exposition d'œuvres d'art.

La numismatique est particulièrement remarquable au Salon de cette année par les médailles de M. Léopold Wiener et par celles de M. Oudiné. Ici notre admiration peut s'exprimer sans scrupules ces deux artistes ont un nom connu, une réputation faite, et les œuvres qu'ils ont exposées sont dignes d'eux. Le cadre de M. Oudiné renferme quinze médailles de tous genres, dont la composition et l'exécution sont également bien comprises. Nous avons regretté seulement de ne pas voir, à côté du modèle représentant Napoléon III terrassant les révolutions, les belles médailles exécutées par M. Oudiné en l'honneur de la République.

M. Léopold Wiener a sept médailles, dont quatre portraits, une médaile d'inauguration de la statue de Van Dyck et les deux médailles frappées pour le xxve anniversaire de la révolution belge, et pour le xxve anniversaire de l'inau

guration du roi. Nous avons parlé de ces deux dernières œuvres lors de leur apparition, et nous avons loué sans réserves M. Wiener de l'originalité, de la grâce de son dessin, non moins que de la perfection de son modelé; nous avons reconnu, surtout dans sa jeune Belgique, levant hardiment le drapeau du progrès et de la liberté, une pensée des plus heureuses, une véritable création d'une imagination toute moderne modérée par la tradition de l'art antique. M. Wiener est un artiste complet, et l'on conçoit, à la vue de ces médailles, qu'aucune des manifestations de son art ne peut lui être étrangère. Deux œuvres, du domaine de la sculpture proprement dite, viennent de nous en donner la preuve.

La Néerlande, bas-relief commandé par le gouvernement des Pays-Bas, montre déjà le talent de M. Wiener sous une face toute nouvelle; la Fille des champs, statue en plâtre, place désormais M. Wiener au rang de nos bons statuaires. Il est assez rare de voir un graveur de médailles aborder la ronde bosse, et plus rare encore de l'y voir réussir. La Fille des champs est le produit d'une inspiration fraîche et gracieuse, d'une originalité sans prétention. La pose est simple et l'harmonie des lignes irréprochable.

Le salon de sculpture est d'ailleurs riche en œuvres de mérite, et nous sommes d'autant plus heureux de pouvoir le constater que l'exposition précédente laissait beaucoup à désirer sous ce rapport.

M. Sussman et M. Fraikin méritent nos plus sincères éloges, l'un pour son Jeune faune, l'autre pour son Sommeil. Le jeune faune, presqu'endormi par l'ivresse, se retient instinctivement à un arbre, tandis que sa main droite laisse échapper la corne dans laquelle il vient de boire. Son corps, penché avec un mol abandon, est modelé d'une façon ravissante; sa tête s'incline vers sa

poitrine, et le sourire erre sur ses lèvres. Rien de plus gracieux, de plus pur, de plus complet, et c'est à peine si nous oserions critiquer la pose du pied gauche, dont l'effet nous semble un peu trop calculé. Nous sommes loin d'approuver autant la Jeune Italienne du même auteur l'introduction dans la sculpture d'un costume tout moderne, bien que populaire ou paysanesque, est une innovation malheureuse qui rencontrera peu de partisans.

C'est aussi la grâce qui respire dans la jeune fille endormie que M. Fraikin nous présente comme la personnification du Sommeil. Cette attitude pleine de nonchalance et de calme indique l'innocence et la paix de l'âme, tandis que la jeunesse et une beauté de formes presque suave donnent à la composition tout son éclat, tout son prestige. Les deux petits bustes du même statuaire, la Fée des bois et la Fée des eaux, sont d'une finesse, d'une délicatesse poussée peut-être à l'extrême, c'est-à-dire jusqu'à la mignardise. Nous n'avons pourtant pas le courage de nous en plaindre, et nous avouons toute notre sympathie pour ces charmantes têtes de femmes, pour la dernière particulièrement.

Nous pouvons ne point parler du Lion amoureux de M. Guillaume Geefs, qui a figuré déjà dans plusieurs expositions et qui a fait le sujet d'une foule d'appréciations plus ou moins favorables. Un motif semblable nous dispense de juger le Thierry Maertens de M. Jean Geefs, qui se trouve depuis deux ans déjà sur une place publique à Alost. Autant vaudrait faire un nouvel examen du Charles de Lorraine de M. Jéhotte, si bizarrement enclavé dans le bâtiment d'exposition, et dont tant de personnes étrangères cherchent en vain le numéro.

Il y a de bonnes qualités d'intention, mêlées à quelques incorrections de dessin, dans le Premier amour

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