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terre fussent à l'état fluide ou gazeux, il fallait qu'elles fussent excessivement chauffées. Mitscherlich a reconnu qu'il ne faut pas moins de 1,300 degrés de chaleur environ pour que le granite entre en fusion. Le premier état de la terre était donc incandescent, et ce sont les phénomènes du refroidissement de cette tels que la théorie du rayonnement de la chaleur les indique et tels qu'on les étudie dans les laboratoires, — qui dévoilent les états successifs de la terre et font voir comment elle est arrivée, dans sa formation, à l'état actuel.

masse,

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Une première conséquence de ce premier état est de reculer bien loin cette époque de fusion, même en tenant compte de la vitesse de refroidissement des premiers temps, vitesse d'autant plus grande que la différence entre la température de la terre et de l'espace environnant était plus considérable. L'histoire connaît à peine 6 mille ans de la vie des peuples, quoique l'homme date de 20 à 30 mille ans au moins; la science nous fait suivre l'histoire du globe depuis plusieurs millions d'années.

Un des premiers accidents a été la transformation des vapeurs en une masse liquide qui, par l'action de la pesanteur, a dû pénétrer la masse entière jusqu'à son centre et y former un noyau toujours grossi par les précipitations nouvelles.

Mais si la diminution de chaleur liquéfie les vapeurs, elle solidifie les liquides. Ainsi, par un refroidissement nouveau de sa croûte extérieure, le noyau va former l'écorce du globe, qui sera bientôt assez froide au dehors pour être habitable, mais qui n'est actuellement encore épaisse que de 50 à 60 kilomètres, sur 6,300 kilomètres que l'on compte du centre à la circonférence de la terre, tandis que le noyau reste en liquéfaction et que la croûte continue à se refroidir, d'une manière tellement lente que son action sur la durée du jour a été à peine sensible, depuis les observations des Chaldéens qui nous sont parvenues, et qui datent de 2,000 ans.

La croûte était déjà solidifiée quand d'autres vapeurs plus légères, les vapeurs d'eau, restées mêlées à l'atmosphère, se sont liquéfiées et ont précipité l'Océan sur la terre. Si l'écorce n'avait subi aucune modification à sa forme naturellement ronde, l'eau aurait couvert toute la terre. Mais la science est

d'accord avec l'observation de l'état actuel du globe pour nous dévoiler de nouveaux accidents.

La théorie de la chaleur indique et les expériences chimiques confirment que le refroidissement s'opère par la surface, gagnant peu à peu l'intérieur, et que sa durée est en raison de la dimension du globe à refroidir. De plus, beaucoup de substances minérales se contractent en se refroidissant et diminuent de volume, comme un boulet de canon qui se ride, et le professeur Delesse a constaté par l'expérience, que la matière qui forme l'écorce du globe et qu'on nomme la roche endogène ou ignée, est de ce nombre.

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De ce fait, Élie de Beaumont a tiré l'explication des inégalités de l'écorce de la terre. En effet, les couches supérieures étant durcies, tout ce qui se refroidit de nouveau, soit en s'attachant à la croûte intérieure par suite du mouvement semblable aux vagues de la mer que doit avoir la masse en fusion, soit en formant des écorces séparées, doit, en diminuant de volume et en se contractant, laisser entre l'écorce et le noyau, ou entre les couches diverses, des intervalles chaque jour plus grands, de sorte que les couches restent suspendues comme des voûtes. Mais ces voûtes d'abord n'étaient pas assez solides pour se maintenir; elles se sont effondrées, et l'écorce de la terre n'est qu'un ensemble de ruines. Aujourd'hui encore, ce travail de contraction donne lieu : si le phénomène est brusque, aux tremblements de terre, aux explosions des volcans; s'il s'opère lentement, à ces soulèvements de nouvelles montagnes qui changent de place les maisons sans les ébranler, ou à ce jeu de bascule qu'on remarque dans la péninsule scandinave, laquelle s'enfonce dans la mer du côté du midi et sort des eaux du côté du nord.

Aux premiers temps, les fractures ont dû être plus grandes, l'écorce étant moins solide. Élie de Beaumont a établi quelques principes généraux pour l'ouverture des failles, mot dérivé d'un mot allemand qui signifie chute et qui désigne le résultat des éboulements de l'écorce du globe. Ces écrasements ont pris diverses formes, tantôt se bornant à de simples ondulations de la croûte, sans fractures, tantôt rapprochant les deux lèvres de

la faille avec un simple dérangement de position, ou les séparant par de larges crevasses, ou faisant saillir l'une d'elles dans un escarpement abrupt; quelquefois rabattant en arrière sur elle-même le bout de la lèvre soulevée, et même séparant tout à fait les deux lèvres pour laisser passer par l'ouverture de nouvelles substances, comme un doigt à travers une boutonnière.

Ces rides, ces écroulements et les soulèvements auxquels ils ont donné lieu, affectent toutes les directions, se croisent, forment l'aspect pittoresque des montagnes, et ont ouvert un lit aux rivières et à la mer. Grâce à ces fractures de l'écorce du globe, les continents existent. L'Océan peut donc se préci

piter; il n'engloutira pas le sol habitable.

Actuellement, la terre est composée d'un noyau de matières en fusion de plus de 12,300 kilomètres de diamètre, d'une écorce solide, froide au dehors, de 50 à 60 kilomètres d'épaisseur, d'une nappe d'eau qui, si elle couvrait également toute la terre, n'aurait pas plus de 12 à 15 cents mètres, et d'une atmosphère de 45 kilomètres.

Mais la nature ne se repose jamais; son œuvre première n'est pas finie. L'hymen de la terre et des eaux doit être fécond. L'Océan va ronger, décomposer l'écorce du globe, avec les acides qui le surchargent, et, à mesure qu'il se retirera des continents, il y laissera les sédiments d'une terre nouvelle et féconde. Les fleuves, les torrents et les lacs, gonflés dans un lit trop large qu'ils abandonneront bientôt, vont achever les vallées, effacer les aspérités des lézardes, rompre même les arêtes des montagnes - comme le Danube perce les Portes de fer d'Orsova, comme la Meuse perce les Ardennes entre Mézière et Givet et préparer la fécondité du terrain et la viabilité du globe.

L'écorce de la terre est le fondement de toute la matière que nous voyons composer le sol,-sable, argile, chaux, terre, pierre, rochers; c'est un composé de divers oxydes, l'alumine, la chaux, la magnésie, la potasse, la soude, etc., - salifiés par un même acide, l'acide silicique. Le mélange est une cristallisation ou vitrification par la chaleur; il présente diverses combinaisons, selon la manière plus ou moins distincte ou intime dont les éléments se sont combinés et selon les substances associées. La

série des combinaisons est progressive; elle va de la simple agglomération de cristaux hétérogènes, de petits grains, différents, comme dans le granite, à des masses homogènes entièrement mêlées, comme la lave; elle présente un mélange où l'alumine tient toujours une grande place, où l'acide silicique est de moins en moins répandu, et où les autres substances sont progressivement remplacées l'une par l'autre, la potasse par la soude, la soude par la chaux. Les types généraux, qui forment comme les points de repère de ces combinaisons sans nombre, sont de trois sortes; la série va des granites laminaires, aux porphyres au grain plus fin, rouges, verts ou noirs; aux roches vulcaniennes, fondues et mêlées comme la lave.

Ce sol primitif n'offrirait aucune fertilité, s'il ne pouvait être désagrégé, et sa fertilité est presque toujours en raison directe de la désagrégation; mais il est bien loin de dominer à la surface du globe; car le mélange était aussi nécessaire à la fécondité que la désagrégation; l'association étant toujours la loi de la nature. Désagrégation et mélange, les eaux ont fait l'un et l'autre travail.

Les principaux terrains du globe sont des sédiments. Les eaux en rongeant, en pulvérisant les parties saillantes de leur lit, ont comblé de ces débris les parties creuses; chaque fois qu'elles se sont retirées, chaque fois qu'un nouveau soulèvement de l'écorce est survenu, elles ont laissé sur le rivage des dêpôts, non pas de matières fondues et vitrifiées, mais de matières en débris superposées par couches, amassées par les eaux, ce qui distingue les sédiments de la roche ignée.

Ainsi les eaux, comme un soc, ont fendu, remué, labouré une première fois le sol, changeant la roche en sable, en craie, en argile, en marne, et, prenant aux diverses matières endogènes leurs divers sels fécondateurs, pendant que de nouvelles éruptions venaient fondre de nouveau ces matières pulvérisées, reconstituer de nouveaux produits, nouvelles richesses, et former les schistes et les marbres.

Cependant, pas plus que les roches primitives, leurs détritus isolés n'offrent de fécondité; le sable et l'argile ne donnent guère naissance qu'à des steppes ou des déserts; «< mais à mesure

qu'ils se mélangent, la fertilité du sol augmente... Or ce sont les cours d'eau qui ont répandu pour l'ordinaire et confondu ces matériaux. Telle est la cause générale de fertilité des vallées et des grands bassins 1. >>

La végétation peut paraître; l'association des éléments de la nature est faite; l'hymen du sol et des eaux a été fécond.

Ce grand travail d'ameublement du sol n'a pas amené l'unité; il a conservé une variété pittoresque et utile. Ainsi, tandis que les grands bassins ont la fertilité d'un sol mélangé, on retrouve, dans l'aspect des pays et dans la différence de leur végétation et de leurs produits, la double série des sols primitifs et des sédiments: Les pays granitiques, reconnaissables à leurs croupes arrondies et monotones, à leurs rives entrecoupées, à la direction incohérente et enchevêtrée de leurs rivières; à leurs rochers détachés, couverts de terre de bruyère, à leurs ravins, à leurs torrents bordés de fougères, à leurs rares habitations construites des grosses pierres que fournit le sol. Les pays porphyriques, plus abrupts, mais plus verdoyants, dont les montagnes sont couvertes d'épaisses forêts, dont le sol est riche en mines. Les pays vulcaniens, avec leurs cratères éteints, leurs cirques de volcans et leurs coulées de laves; avec leurs escarpements ornés de colonnades de forme prismatique; avec leurs sombres et hautes montagnes, au pied desquelles se trouvent des jardins fertiles et des habitations faites de lave. Puis les sédiments correspondants : les pays à sable, aux plaines unies, semées de grès et de silex, moutonnées par le vent; blanches, brûlantes; séjour du mirage; aux cours d'eau rares, se perdant dans les sables; ce sont les déserts et les campines. Les pays à chaux, avec leurs reliefs carrément coupés, leurs grottes et leurs blanches falaises; terre sèche, brûlée, pouilleuse; mais qu'un mélange embellit facilement. Les pays d'argile et de marne; boueux, aux chemins défoncés sous la pluie; sol dur et crevassé au soleil; steppes incultes, semées de flaques d'eau, si l'argile est pure; terres fortes, propres aux céréales, riches en culture et très-peuplées quand la

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A Histoire du sol de l'Europe, première partie, ch. III,

p. 132.

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