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En attendant donc que l'éducation générale ait fait assez de progrès, pour que chacun soit apte, tout en travaillant à satisfaire ses besoins et ceux de sa famille, à être en même temps médecin, législateur, administrateur, etc., il faudra bien tolérer les gouvernements et les facultés de médecine, en cherchant à les perfectionner et à les mettre, autant que possible, hors d'état de nuire.

Je suis convaincu que le meilleur moyen d'y parvenir, c'est, pour les gouvernements, de simplifier leurs attributions au point de réduire ceux-ci à n'être plus que les gardiens de l'indépendance, de la liberté et de la sécurité des citoyens et de leurs propriétés, comme pour la faculté de médecine c'est d'observer les règles d'une judicieuse hygiène.

Tel n'est pas, malheureusement, l'avis des partisans de la législation directe par le peuple puisqu'ils veulent que le gouvernement vienne régler ce qui doit, afin de demeurer une vertu méritoire et utile, rester toujours spontané pour qui donne, imprévu pour qui reçoit : LA CHARITÉ.

Mons, 4 août 1857.

CH. LE HARDY DE BEAULIEU.

LE LIBRE ÉCHANGE

ET

LE SYSTÈME PROTECTEUR.

RÉPONSE A M. RITTINGHAUSEN.

J'étais en mission à l'étranger quand a paru, dans la Revue trimestrielle, le travail de M. Rittinghausen, sur le congrès des économistes de 1847, où cet écrivain a prononcé le discours sur lequel il s'appuie pour déclarer vaines et non avenues les résolutions votées à l'unanimité, moins deux voix, par cette assemblée.

M. Ch. le Hardy de Beaulieu, mon cousin, ayant répondu, dans le numéro suivant, d'une façon qui me semblait laisser peu de place à la réplique, je croyais la discussion terminée, lorsque le dernier volume de la Revue m'est parvenu avec un nouvel article de M. Rittinghausen, dans lequel il croit pouvoir s'adjuger les honneurs du triomphe et la palme de la victoire, sur les hommes éminents de tous les pays, qui ont pris part aux congrès de 1847 et de 1856.

Je laisse naturellement à mon cousin le soin de con

tinuer et de terminer cette discussion scientifique fort intéressante sous tous les rapports: la part minime que je vais y prendre a simplement pour objet de montrer à M. Rittinghausen, qu'en 1847, il a été suffisamment et complétement répondu à son étrange théorie de la proportionalité de la matière et du travail dans l'échange, théorie qui n'est pas améliorée par celle qu'il a émise depuis sur la propriété commune.

J'espère que peu de mots suffiront pour le démontrer clairement à tout homme sans prévention.

Voici, pour éviter toute redite et tout mal entendu, la théorie protectionniste de M. Rittinghausen, telle qu'elle a été exposée par lui, dans la première session du congrès des économistes, le 16 septembre 1847.

<<< Tout ce qui fait l'objet d'un commerce étant un >> produit de la nature ennobli et modifié par l'activité >> humaine, on doit, partout où l'on fait l'échange, con>> sidérer deux choses, la matière que l'homme a trouvée » sur la terre et le travail qui rend cette matière propre >> au commerce. » D'où il résulte, selon M. Rittinghausen, que, si la science veut s'occuper de l'industrie, << elle doit suivre pas à pas ces deux facteurs de l'é» change, car, ajoute-t-il, leur exploitation comprend >> en entier le but de tout mouvement commercial. »

La conclusion que tire M. Rittinghausen de ces prémisses, c'est : « que, l'échange étant une compensation » mutuelle d'intérêts, il est clair que le peuple qui veut >> donner moins de l'un des deux facteurs, se verra » obligé de donner d'autant plus de l'autre, afin que la >> compensation soit possible. >>>

D'où il suit, d'après lui, que la nation qui donne plus de travail en échange de plus de matière, doit nécessairement s'enrichir aux dépens de ceux avec qui elle trafique, et, pour prouver la vérité de sa théorie, il cite,

comme exemples, le commerce de l'Allemagne et du Portugal avec l'Angleterre. Il conclut de ces exemples que l'Angleterre s'enrichit de l'échange qu'elle fait de huit écus de travail et seulement deux écus de matière, contre des marchandises qui ne contiennent que pour un écu de travail sur neuf écus de matière.

D'où il résulte, toujours selon M. Rittinghausen, » qu'un peuple qui, soit PARESSE, soit IGNORANCE, ne sait » pas travailler, fera continuellement de pareils marchés, si » on ne prend des mesures pour l'en empêcher. Comme le » Portugal, il payera le travail des voisins par la matière, jusqu'à ce qu'enfin, il se soit dépouillé de toute la quan» tité de sa matière transportable. »« C'est tellement >> simple, ajoute l'orateur, qu'on ne comprend pas com» ment les libre - échangistes aient jamais pu l'ou>> blier. >>

Je vais cependant prouver par les faits que cette théorie n'est qu'une simple supposition sans fondement dans la réalité.

Je commence d'abord par dire que, dans l'échange, on ne tient que très-peu de compte de la matière et encore moins du travail.

Je ne parlerai pas des pierres précieuses qui, en général, comprennent fort peu de matière et quelquefois pas du tout de travail, je parle de leur état brut, et qui, cependant, s'échangent contre des monceaux d'argent, des pyramides de matières premières ou même fabriquées. Cette réfutation serait trop facile. On pourrait d'ailleurs me dire qu'il faut être fou pour donner du bon argent neuf contre un caillou blanc, bleu, vert ou rouge, parce qu'il s'appellerait diamant, saphir, émeraude ou rubis. Le moindre grain de mil Ferait bien mieux mon affaire,

dit la fable.

Je prends donc mes exemples dans la vie ordinaire. Voici un cheval. Le propriétaire en demande 3,000 fr. ; l'amateur en offre 2,000. En attendant qu'on tombe d'accord, on fait trotter et galoper la bête pour montrer ses moyens, sa souplesse, sa vigueur. Le cheval fait un écart, se démet l'épaule; le propriétaire, après un mois ou deux ou trois de traitement, est heureux de s'en défaire, en masquant autant que possible l'effort, pour le prix de 500 fr.

Que deviennent, dans ce cas, la matière, le travail de l'éleveur et du dresseur? Le cheval pèse-t-il moins; a-t-il coûté moins de soins et de peines; les risques ont-ils été moins grands pour l'éleveur? Voilà cependant 1,500 à 2,500 fr. de perdus en une minute.

Mais il s'agit ici d'un échange d'homme à homme, probablement de compatriote à compatriote, pour les quels l'école protectionniste ne réclame pas encore la tutelle de la douane; peut-être la matière et le travail jouent-ils un rôle plus positif dans l'échange international?

L'île de Saint-Thomas des Antilles est, comme chacun sait, sous les tropiques; il y fait très-chaud et la glace y est très-recherchée. Un spéculateur de Boston charge un navire de glace et l'y expédie. Un autre spéculateur de Portland a la même idée, en même temps, et y expédie aussi un navire chargé de glace. Le navire de Boston arrive le premier; à peine est-il à quai, que tous les glaciers, confiseurs et cafetiers de Saint-Thomas accourent et acceptent le prix du capitaine bostonien, soit 25 centimes par kilogr. Au même instant on signale le bâtiment de Portland. On dit qu'il est chargé de glace. Aussitôt les offres d'achat cessent et les habitants de l'île achètent pour 12 centimes ce qu'ils étaient prêts à payer 25 une heure auparavant. En un mot,

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