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celle de l'Etre humain, les organes qui président à la vie de relation sont des organes essentiels, des organes dont l'état maladif ou imparfait exerce aussitôt une influence nuisible et funeste à l'accomplissement des fonctions de tous les autres organes. Ce qui se passe dans le corps de l'homme se reproduit, avec une analogie frappante, dans le corps social. Pour ne parler que du travail industriel, commercial et agricole, lui aussi a ses organes essentiels et ses organes secondaires. Les organes par lesquels la vie de relation s'établit entre les agriculteurs, les industriels, les commerçants, etc., sont au nombre de trois, savoir :

» 1o Les routes, les fleuves, les canaux, les chemins de fer et les chemins vicinaux. Ensemble, ils forment le système de circulation des produits.

» 2o La poste avec ses comptoirs se ramifiant à toutes les communes. Ils forment le système de circulation des transactions.

>> 3o Les institutions de crédit. Par leurs relations avec l'agriculture, l'industrie, le commerce et la propriété foncière, par les liens qu'elles établiront entre les prêteurs et les emprunteurs, les institutions de crédit sont appelées à former, dans le sein du corps social, le système de circulation des valeurs.

» Ne va-t-il pas de soi que là où les transactions circulent, là où les produits circulent, là aussi doivent circuler les valeurs, qui sont la représentation des transactions faites, des produits échangés? Puisque la poste et les routes se ramifient par leur organisation aux deux mille cinq cent et vingt-quatre communes, comme à autant de foyers de travail, ne doit-il pas en être de même pour les institutions de crédit? Dès lors, il est clair que le travail national a été privé jusqu'ici d'un de ses organes essentiels de l'organe préposé à la circulation des valeurs. N'allez pas chercher ailleurs la cause des anomalies surprenantes que nous avons constatées. De là vient qu'il souffre, qu'il languit; de là vient qu'il reste au-dessous de sa tâche, qu'il n'accomplit pas sa mission; en un mot, qu'il ne répond pas à sa destinée, ainsi que cela arrive à un homme,

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lorsqu'en lui un des organes de la vie de relation ne présente pas les conditions normales qu'exige le plein exercice de ses facultés. >>

C'est, nous le supposons, par ce raisonnement à priori que l'auteur a été conduit à son plan. Ce raisonnement, fort juste, forme la base de l'une des maximes qui devraient diriger les pensées et la conduite des hommes d'État dans la grande administration politique.

Mais nous ferons remarquer que, à l'égard de la conséquence que l'auteur veut en tirer, l'analogie est ici en défaut.

Le système de circulation des transactions, pour ne parler que de celui-ci, est parti du centre pour arriver à la circonférence qu'il n'a pas même tout à fait atteinte encore. C'était sous ce rapport la méthode rationnelle. Aurait-on réussi de même, si l'on était parti de tous les points de la circonférence pour aboutir au centre, si chacune de nos deux mille cinq cent et vingt-quatre communes avait été chargée de créer une fraction de la poste et de ses comptoirs? Cela eût-il été le mode le plus simple, le plus prompt, le plus économique et le plus efficace?

Nous avons déjà dit qu'il fallait se défier de l'analogie; cet exemple nous paraît être une nouvelle démonstration de la justesse de notre opinion sur ce point.

Mais il n'est pas moins vrai que cette méthode de généraliser les faits, de distinguer ces généralisations en les coordonnant, de les comparer les unes aux autres, offre de grands avantages dont l'auteur a su tirer un bon parti.

Nous regrettons que l'étendue que nous avons donnée à cet article de discussion ne nous permette pas de faire connaître les idées de l'auteur sur la question des

risques ou pertes éventuelles des comptoirs cantonaux; nous aurions à y signaler des vues très-judicieuses.

La quatrième et dernière partie a pour but de justifier le projet d'organisation par les banques actuelles. Ici les détails, les arguments, les faits se multiplient tellement que nous ne pouvons aborder cette section importante de l'ouvrage. Il nous suffira de dire qu'au point de vue de la critique des institutions actuelles de crédit, cette partie présente le plus vif intérêt. On y remarque surtout l'examen de la question de la convertibilité à vue des banques de circulation. Cette question est parfaitement traitée.

Après avoir exposé son plan dans tous ses détails et essayé d'en faire la justification la plus précise, l'auteur termine son travail en faisant connaître le procédé au moyen duquel il espère, ainsi que les personnes qui partagent ses vues, amener ce système à réalisation. Convaincus, pour leur part, de la justesse des idées qu'il a exprimées, c'est aux convictions qu'ils s'adresseront pour réussir. Dans un pays libre, une idée juste, dès qu'elle est connue, ne peut manquer de se traduire en fait. Il faut donc la faire connaître, et alors:

Lascia la pur andar, che fara buon viaggio.

L'auteur a mis en appendice un exposé des banques d'avances fondées en Allemagne et surtout en Prusse depuis 1848, sous le nom de Vorschusz-banken. Ces institutions, qui ont beaucoup d'analogie avec celles qui ont été formées en Belgique sous le nom d'Unions du crédit, font descendre les avantages qu'elles procurent dans des sphères plus basses que celles où se meuvent ces Unions.

Les vorschusz-banken ont pour objet de rendre le tra

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vail créditable, non le travail fait, non tel travail particulier à faire, mais en général l'ouvrage à exécuter ou la force ouvrière collectivée. L'idée qui a présidé à la création de ces institutions est la même que celle qu'une des plus fortes intelligences de notre époque a affirmée en ces termes, après l'avoir soumise à un rigoureux examen : « Il existe dans le concours des forces et dans leur combinaison une virtualité telle qu'elle donne lieu à des résultats financièrement appréciables. » Les banques d'avances, organisées sur de bonnes bases, ont été un bienfait pour tous ceux qui s'y sont associés. Il est donc utile de les faire connaître pour opérer leur propagation. Elles ont d'ailleurs pour elles le fait et ne sont point à l'état de pure théorie; elles se sont formées et prospèrent dans plusieurs villes industrielles de l'Allemagne, et se sont introduites l'année dernière avec succès jusqu'en Transylvanie. De l'existant au possible, dit l'école, la conséquence est bonne.

A son travail, M. Haeck a joint quatre tableaux où sont exprimées graphiquement les différences entre le système actuel de crédit et le système proposé. Un coup d'œil jeté sur ces espèces de cartes géographiques fait aisément pénétrer dans l'esprit les diverses conditions du plan de l'auteur, pour les rapports à établir entre les comptoirs cantonaux et les rouages centraux auxquels ils correspondent successivement.

Afin de mieux préciser d'ailleurs l'ensemble et les détails de son plan, M. Haeck l'a formulé en 102 articles, qui composent le projet de statuts organiques de l'Association générale du crédit.

En résumé, cet ouvrage se distingue de ceux qui ont eu pour objet les questions de crédit, par l'étude

attentive de la situation et des tendances de l'état social, par des vues entièrement nouvelles, par l'exposé d'idées que l'expérience des choses semble confirmer pour la plupart. Il abonde en aperçus judicieux, en critiques fondées, en conceptions remarquables. D'un autre côté, nous avons cru y trouver des propositions contestables, des confusions d'attributions qui, par leur nature, devraient être séparées, une trop grande confiance dans les résultats d'une théorie qui, vraie pour certaines parties, ne l'est peut-être plus quand on les combine avec d'autres.

Nous avons exprimé nos opinions avec franchise; mais, quelle que soit leur valeur ou leur non valeur, nous dirons sans hésiter que M. Haeck a écrit un bon livre, qui fait honneur à son intelligence, atteste des connaissances profondes dans le sujet qu'il a traité et lui vaudra l'estime de tous ceux qui suivent avec intérêt les travaux dont le but est le bien et la prospérité du pays.

PH. BOURSON.

M. Haeck nous prie d'annoncer qu'il publiera dans le prochain volume de la Revue un article où il se propose d'éclaircir les doutes soulevés par M Bourson sur certains points pratiques du projet dont il vient d'être rendu compte.

(Note du Directeur de la Revue).

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