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qui ont réduit successivement le nombre des cultivateurs nécessaires pour l'exploitation des terres; à la constitution de l'industrie qui s'est partout implantée dans les villes, dont elle a bientôt accru la population 1. Quoi qu'il en soit, il est évident qu'une partie considérable des forces vives du pays se trouvent placées en dehors des conditions qui leur constitueraient l'avantage de se pourvoir d'un facile crédit, c'est-à-dire de capitaux, et l'absence de ces capitaux, ou, ce qui revient au même, le haut prix auquel seul on les accorderait, suffit pour alanguir ces forces et arrêter leur développement.

Ce million de cultivateurs, d'industriels, de commerçants, de propriétaires qui habitent les 2,438 communes rurales, offriraient des gages nombreux, de solides

4 Lors du recensement de 1841, on a cherché à déterminer la proportion existant entre la population agricole et les autres parties de la population de l'Angleterre proprement dite, et les commissaires du recensement, après de longues et nombreuses enquêtes, ont dressé des tableaux dont voici le résumé :

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Lors du recensement de 1851, on a trouvé que, sur une population mâle de 10,223,558 individus, dans la Grande-Bretagne, le nombre des hommes engagés dans les travaux des champs et des jardins n'était que de 1,792,943, soit 17 1/2 p. c.

L'égalité de nombre entre les habitants des villes et ceux des communes rurales serait en général considérée, sur le continent, comme un fait social affligeant; en Angleterre, au contraire, on l'envisage comme étant avantageux au pays, et l'on y voit un témoignage indirect de la prospérité publique.

garanties; d'autre part, à titre de producteurs, ils recueillent et amassent des capitaux qu'ils ne trouvent pas toujours le moyen de faire valoir et qui dorment dans les cachettes où on les enfouit. L'activité est au centre, la torpeur aux extrémités. Ces conditions sont certainement mauvaises, et rien de mieux que de chercher à les changer.

N'exagérons rien cependant et ne croyons point qu'une meilleure distribution du crédit, dont profiteraient toutes les communes rurales, provoquerait dans toutes ces communes un accroissement considérable de richesses.

M. Charles Coquelin a démontré très judicieusement que « la densité et surtout la concentration des populations au sein de quelques villes contribuent à activer la circulation, et par conséquent à multiplier les services que les produits peuvent rendre. Les populations denses, c'est-à-dire rassemblées par masses considérables sur des espaces étroits, ont sur les populations clair-semées quelques désavantages fort grands; celui notamment d'obtenir, avec moins d'abondance, moins de facilité, ou tout au moins à plus haut prix certains produits et particulièrement les matières brutes. Mais elles jouissent de ce grand avantage, qui rachète bien des inconvénients, que la circulation des produits est parmi elles plus facile, plus active, plus rapide, et que par conséquent chacun des produits qu'elles obtiennent, leur rend des services incomparablement plus grands 1 ».

M. Carey, économiste américain, a réussi à prouver de son côté que la condensation de la population dans certains pays, loin de créer pour les hommes qui habitent ce pays un désavantage relatif, leur est au contraire extrêmement avantageuse par la facilité et la multipli

Dictionnaire de l'Économie politique, CIRCULATION.

cité des relations qu'elle engendre, et qu'à tout prendre une population condensée doit être, toutes conditions. égales d'ailleurs, plus riche et mieux pourvue que celle qui est disséminée sur de grands espaces 1.

N'est-ce pas à cette condensation dans les grandes cités, condensation que nous avons signalée plus haut, que l'Angleterre doit une partie de sa prospérité et de ses richesses, et notre état social, si différent de celui de l'Angleterre sous ce rapport, n'est-il pas un obstacle à la diffusion de notre activité industrielle et des avantages du crédit ?

Les habitants de nos communes rurales sentent-ils bien le besoin du stimulant qui éveillerait leurs forces sous la forme du crédit. On a parlé de l'usure qui ronge les campagnes. Nous croyons qu'en effet dans les régions pauvres, l'usure presse vigoureusement le travailleur, mais son action est bien moins générale et bien moins intense dans les régions plus favorisées par la création d'abondants produits. Dans celles-là le crédit aurait peu à faire, car il ne trouverait que de faibles garanties; dans celles-ci il ferait davantage, mais relativement peu encore, car à l'inertie de l'habitant rural et à ses habitudes routinières, à son opposition instinctive aux nouveautés, se joint sa profonde ignorance. Il se tient volontiers à ce qui est, parce qu'il ne comprend guère le mieux et qu'il répugne à le chercher 2.

The past, the present and the future, by H. Carey.

2 On s'appuiera de l'importance des dettes hypothécaires pour contester les observations que nous venons de présenter; on fera remarquer que, si le crédit était établi sur de bonnes bases, les prêts sur hypothèques deviendraient plus faciles et surtout moins chers. Mais nous avons peine à croire que le crédit, tel qu'on entend l'organiser, accepte aisément les 261,745 créances inscrites, dont sont grevés les 517,492 propriétaires de la petite bourgeoisie des villes et

Tels sont les obstacles que rencontrerait l'essor d'un crédit organisé en vue de favoriser le travail dans la plupart des communes rurales. La spéculation, considérée dans son sens rationnel et telle que l'a définie M. Proudhon, c'est-à-dire la conception intellectuelle des différents procédés par lesquels le travail, le transport et l'échange peuvent intervenir dans la production; la spéculation qui recherche et découvre pour ainsi dire les gisements de la richesse, qui invente les moyens les plus économiques de se la procurer, qui la multiplie, soit par des façons nouvelles, soit par la création de nouveaux besoins 1, cette spéculation, gage du progrès de la prospérité publique, cette spéculation qui ne marche pas sans le crédit et pour laquelle surtout le crédit est fait, est interdite en quelque sorte aux industriels et aux commerçants comme à la plupart des propriétaires qui habitent nos cantons ruraux, et peut-être, en l'état de leur ignorance générale, est-ce un bien qu'elle ne puisse pas prendre possession de leur esprit, qui la

des campagnes. Quant aux 25,545 propriétaires qui comptent 4,923 créances inscrites sur leurs biens, leur position est telle qu'ils trouvent certainement à emprunter actuellement aux meilleures conditions possibles. Mais au moins, dit-on, les avantages de l'organisation proposée seraient recueillis par les 195,475 moyens propriétaires, grevés de 65,701 dettes inscrites, pour une somme totale de 274,762,354 fr.; ne devrait-on pas s'applaudir d'un semblable résultat? Nous n'en disconvenons pas. Toutefois la question ne nous paraît pas résolue par cet argument. Les capitaux engagés dans les créances hypothécaires ont un caractère propre qui leur assigne des fonctions différentes des autres capitaux de placement; ils exigent des institutions fondées sur des bases spéciales. C'est ce que nous chercherons à démontrer plus loin. La conséquence serait que l'organisation proposée ne pourrait que très-difficilement satisfaire aux besoins des moyens propriétaires dont il s'agit.

1 Manuel du spéculateur à la Bourse, 3o édition, p. 4.

comprendrait mal et l'appliquerait plus mal encore.

C'est là l'objection principale que nous serions disposé à opposer au plan, ingénieux d'ailleurs et très habilement conçu, de M. Haeck. Mais hâtons-nous de dire que nous ne la présentons pas à titre dirimant; tant s'en faut, que nous savons fort bien que l'homme est essentiellement éducable; que l'expérience lui apporte de profitables enseignements; que la routine d'aujourd'hui a été la nouveauté d'autrefois, et que la nouveauté d'aujourd'hui peut être avec le temps l'habitude de l'avenir; que la satisfaction d'intérêts jusque-là inconnus sert à ouvrir les yeux et à éveiller l'intelligence sur ces mêmes inté rêts auxquels on se rattache bientôt avec vigueur, et qu'enfin le progrès est le progrès, quels que soient les difficultés et les embarras de la transition qui y conduit.

Nous tenons donc nos objections pour utiles à examiner et à aplanir, mais nous ne leur faisons pas l'honneur de les croire entièrement concluantes contre le projet de M. Haeck.

Arrivons enfin à ce projet, et déterminons le cadre général de l'organisation que l'auteur se propose d'établir.

Dans chaque province il y aurait :

1° Un comptoir de crédit, placé au chef-lieu du canton;

2o Un comptoir de virement, au chef-lieu de l'arrondissement;

3o Une union ou banque provinciale de virement, qui aurait son siége dans le chef-lieu de la province.

Enfin, comme couronnement de l'édifice, une banque centrale d'émission, constituée par les neuf banques ou unions provinciales, aurait son siége à Bruxelles.

Les sous-comptoirs cantonaux se centralisent au

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