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tacle devant les yeux de la verdure, des fleurs, la voûte bleue du ciel. Point de rudes labeurs. L'âme peut s'élever à loisir, et la contemplation n'est pas défendue. On voit de près la vie tranquille du laboureur, on partage sa paix et son bien-être; car il faut peu de chose pour être heureux au village. Telle est la vie du gardechampêtre, et si certains soucis y sont attachés, ce sont des roses en comparaison des épines ministérielles. Dans une société phalanstérienne, c'est cet état que j'aurais choisi, à condition toutefois de pouvoir braconner quelque peu au coin du bois, ce que le grand chef ne m'eût sans doute pas refusé..... Mais, hélas! je ne puis braconner que sur le papier..... Allons, Diamant, derrière! la chasse est finie...........

FIRMIN LEBRUN

LA RÉVOLUTION BELGE DE 1830.

A Monsieur le Directeur de la Revue Trimestrielle.

Bruxelles, 26 avril 1857.

La lecture des deux remarquables articles de M. Huybrecht sur le Règne de Guillaume Ier en Belgique et la Révolution belge de 1830, insérés dans la Revue, aux tomes XIII et XIV, a fait naître en moi quelques réflexions que je prends la liberté de vous communiquer. Si vous trouvez qu'elles offrent de l'intérêt, vous en disposerez pour une des prochaines publications de votre recueil, après toutefois les avoir soumises à M. Huybrecht, qui doit pouvoir y joindre ses observations, afin que la cause soit jugée par le public avec pleine et entière connaissance.

Je ne m'arrêterai point aux faits que l'auteur, contemporain comme moi des événements qu'il retrace, a classés avec beaucoup de clarté et d'ordre; - M. Huybrecht est aussi incapable que je le suis moi-même de les altérer sciemment ou de les présenter sous un faux jour: les doctrines seules m'occuperont.

R T.

8.

Les faits d'ailleurs sont ce qu'ils sont, et sans retour possible; mais les théories peuvent se modifier, et il est, me paraît-il, important de scruter avec soin celles qui sont de nature à exercer une influence quelconque sur l'avenir. J'entre en matière.

M. Huybrecht se montre peu favorable à l'idée qui a provoqué la chute de Guillaume en Belgique, celle de l'union des catholiques et des libéraux, et à ce qu'il appelle la devise de l'unionisme, savoir: liberté en tout et pour tous. D'après les motifs qu'il allègue de son antipathie, il est à croire qu'il ne s'est pas nettement rendu compte de la valeur rationnelle des mots union et liberté.

Certes, si l'union des hommes appartenant aux deux opinions contraires que nous venons de nommer, avait été la fusion ou plutôt la confusion de ces opinions, si les hommes qui les professaient avaient fait bon marché de leurs convictions, pour sacrifier, les catholiques leurs croyances aux hommes du doute, les libéraux le droit de discussion, de protestation, aux hommes de foi, cette alliance eût été plus stupide encore qu'immorale, et le collaborateur de la Revue n'aurait pas eu à s'escrimer contre une idée malencontreuse qu'un seul regard de Guillaume aurait suffi pour renverser et anéantir elle serait depuis plus de vingt-six ans complétement oubliée.

Mais l'union laissait chaque parti intact, sans réserve ni arrière-pensée. Loin d'imposer une concession, elle exprimait l'accord exprès de maintenir vigoureusement tous les points controversés pour ne se rendre qu'à la seule contrainte morale imposée par un raisonnement sans réplique. L'union était une convention formulée par les circonstances, et qui avait pour considérant : « Le despotisme pèse sur nous; il nous protége et nous opprime tour à tour, afin de nous perdre

les uns par les autres. Entendons-nous pour l'attaquer :sous la bannière du droit commun et en lui opposant la liberté, nous sommes sûrs de le vaincre. Après, nous

verrons. >>

M. Huybrecht prétend que c'était tout vu; que la liberté acceptée par les libéraux était le triomphe assuré des catholiques, et que nous portons, en 1857, la peine de la faute commise en 1828.

Quelle faute, s'il lui plaît? Il n'y en a point d'autre que celle qui a fait éclore la constitution de 1831, basée sur les actes du gouvernement provisoire, qui était issu de la révolution, laquelle avait eu l'union pour principe et pour programme. Or, M. Huybrecht proclame la constitution belge de 1831 bien plus libérale que la loi fondamentale des Pays-Bas, son aînée de dixsept ans. Ce triomphe des catholiques, reproché aux libéraux par un libéral, qui en admire le résultat, est pour le moins singulier.

Il n'y aurait rien à dire, ajoute M. Huybrecht, si les progrès du clergé catholique ne sautaient aux yeux des moins clairvoyants. Déjà la Belgique est couverte de couvents et d'églises, et les prêtres gagnent chaque jour du terrain. Si l'on ne se hâte d'y mettre bon ordre, ils redeviendront riches et puissants comme ils l'étaient avant 1789, et ils se moqueront de la liberté et de nous.

La chose est grave. Ne nous passionnons pas. Examinons sans idées préconçues et avec calme.

J'ai dit que l'union avait la liberté pour mot d'ordre, et que la constitution, inspirée par l'union, avait eu pour conséquence la liberté. Qu'est-ce que la liberté?

C'est la lice ouverte aux partis qui entreprennent de lutter.

Pourquoi?

Chaque parti pour parvenir à dominer tous les autres.

Vouloir être libre, uniquement pour être libre, ne lutter que pour lutter, est du sentimentalisme pur, niaiserie dont les partis ne sont guère susceptibles. Croyants ou sceptiques, quand ils demandent la liberté, c'est qu'ils ne se sentent pas assez forts pour imposer leur opinion; quand ils ont la liberté, ils en usent pour devenir les plus forts et arriver ainsi à pouvoir imposer leur opinion.

L'appel des partis à la liberté n'a donc lieu que quand ils se balancent à peu près. Ils acceptent alors ce qu'il serait contre leur intérêt de repousser, c'est-à-dire le droit de se combattre à armes égales, dans l'espoir pour chacun d'avoir le dessus, le droit de discuter, non par amour pour la discussion, mais parce que celui qui confondra l'autre, pourra lui dicter la loi et avoir la paix. C'est une marche toute simple et fort prosaïque; mais elle est positive, et dans le domaine du réel il est rare qu'il y ait place pour la poésie.

Avant la révolution, il y avait trois partis en Belgique; car le gouvernement n'était lui-même qu'un parti qui puisait sa force dans l'aveuglement des deux autres. Lorsque ceux-ci, éclairés sur le véritable état des choses, se coalisèrent contre le pouvoir, le pouvoir, devenu le plus faible, et refusant néanmoins de céder, succomba.

L'esquisse du gouvernement de Guillaume est, dans l'article de la Revue, tracée de main de maître. M. Huybrecht nous montre ce gouvernement suant la dissimulation et même la duplicité par tous les pores. Quand il faisait le bien, c'était mystérieusement, et ses intentions déguisées avec soin demeuraient suspectes. Il n'était sincère dans ses rapports, ni avec les libéraux qu'il redoutait comme ennemis de tout pouvoir, ni avec les catholiques qu'il haïssait comme servilement soumis au

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