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» conduits à la mort » ? Et ailleurs il représente aux Athéniens que s'ils accordent à Démosthène une couronne d'or, au moment où le hérault proclamera sur le théâtre cet honneur qui lui eft rendu, les pères, les femmes & les enfans de tous ceux qui font morts par fa faute à Chéronée, poufferont des cris d'indignation & verseront des larmes, de ce que tant de braves guerriers font morts fans vengeance, & que Démosthène qui est leur affaffin, reçoit cependant un honneur public en présence de toute la Grèce affemblée. Ce mouvement feul, il faut en convenir, vaut mieux que tout le difcours que prononça Démofthène, après la bataille, en l'honneur des morts.

On ne peut faire un pas dans la Grèce, fans trouver de grands noms. Le troifième difcours que nous avons à citer, eft de Platon. Il eft renfermé dans un de fes dialogues intitulé le

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Ménéxene. Socrate apprend qu'on væ choifir un orateur pour faire l'éloge funèbre des guerriers morts cette année. Il demande fur qui pourra tomber le choix. On lui nomme deux orateurs. Alors il raconte qu'il étoit la veille chez Afpafie, & que la converfation étant tombée fur le même fujet, cette femme qui avoit donné des leçons d'éloquence à Périclès, & qui alors en donnoit à Socrate, fe mit tout-à-coup à prononcer un éloge funèbre des guerriers, moitié fait fur le champ, moitié préparé. Ménéxène est curieux de l'entendre ; & Socrate qui l'a retenu, a la complaifance de le répéter. Le difcours eft cenfé d'Afpafie: mais on apperçoit Platon caché derrière la courtisanne.

La fin eft d'une grande beauté. L'orateur après avoir loué les morts, s'adreffe aux vivans, comme c'étoit l'ufage, & furtout aux enfans de ceux qu'il vient de célébrer; il les

transporte au moment où leurs pères mouroient fur le champ de bataille. Il fuppofe que lui-même étoit alors préfent, & qu'il a reçu le testament de mort de ces guerriers, & leurs dernières paroles pour ceux qui leur font chers. Il faut lire tout ce mor ceau dans l'original même ; je doute que l'on trouve rien chez les Grecs d'une éloquence plus noble. C'eft là furtout que regne cet amour de la patrie & cet enthousiasme répu blicain qui caractérise prefque tous les ouvrages de leurs orateurs. Les guerriers de la Grèce après avoir lu ou entendu de pareils difcours, devoient être plus enflammés que dans les pays où le foldat mercénaire méprifé & payé, combat fans vertu, meurt fans gloire, effuye le dédain pendant fa vie, & l'oubli après fa mort. Au reste il paroît que ce dernier difcours ne fut pas prononcé. Platon, qui ne se mêla jamais des affaires publiques, ne parut

point dans Athènes au rang des orareurs; mais dans cet éloge funèbre, compofé en l'honneur des guerriers, il voulut difputer le mérite de l'éloquence à Périclès, comme dans fes autres ouvrages il lutte avec Pythagore pour la philofophie, avec Licurgue & Solon pour la politique, avec Homère pour l'imagination; fouvent fublime, & prefque toujours poëte, orateur, philofophe & légifla

teur.

CHAPITRE VI

Des Eloges des Athlètes, & de quelques autres genres d'éloges chez les Grecs.

Νους
Nous venons de voir les guerriers

mourans pour la patrie, loués par la patrie. C'étoit une inftitution politique, & une dette de l'état. Quoique le fang des hommes n'ait pas toujours été fort respecté, nous concevons pourtant qu'il y ait eu des pays où on l'a honoré de quelques larmes. On conçoit un peu moins les éloges prodigués aux Athlètes. Nous favons cependant que les vainqueurs des jeux étoient célébrés par des chants publics. Les poëtes immortalifoient la patrie & les noms de ces hommes robuftes; & les concitoyens d'Homère & de Platon, d'Euripide & de Socrate,

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