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Ainfi, chez les Grecs, de quelque côté qu'on jertât les yeux, on trouvoit par-tout des monumens de la gloire. les rues, les temples, les galeries, les portiques, tout donnoit des leçons aux citoyens. Par-tout le peuple reconnoiffoit les images de fes grands hommes; & fous le plus beau ciel, dans les plus belles campagnes, parmi des bocages ou des forêts facrées, parmi les cérémonies & les fêtes religieufes les plus brillantes, environnés d'une foule d'artistes, d'orateurs & de poëtes qui tous peignoient, modéloient, célébroient ou chantoient des héros, marchant au bruit enchanteur de la poéfie & de la musique, qui étoient animées du même efprit, les Grecs victorieux & libres, ne voyoient, ne fentoient, ne refpiroient par-tout que l'ivreffe de la gloire & de l'immortalité.

Il n'eft pas étonnant que chez un pareil peuple, l'ufage des éloges ait

été établi. Les Grecs eurent, comme les Egyptiens, des éloges funèbres; mais ils les appliquèrent d'une manière différente. En Egypte, où la politique étoit liée à la religion, on fe propofoit fur-tout de faire régner la morale dans toutes les claffes de citoyens: dans la Grèce, compofée de républiques libres & guerrières, on s'attachoit à élever les ames & à y nourrir le mépris des dangers & de la mort. Ainfi les éloges funèbres n'étoient accordés au nom de l'Etat, qu'à ceux qui étoient morts pour l'Etat.

D'abord on frappoit les yeux par un appareil impofant & augufte; car chez tous les peuples, la première éloquence eft celle qui parle aux fens. On dreffoit une tente, où étoient portés les offemens des guerriers. Là, ils demeuroient trois jours expofés à la vénération publique. Le peuple y accouroit en foule; il jettoit fur ces offemens des couronnes de fleurs, de

l'encens & des parfums. Le troifième jour, on mettoit les reftes de ces braves citoyens fur des chars ornés de branches de cyprès. La pompe s'avançoit au fon des inftrumens, jusqu'au lieu de la sépulture. Cette enceinte étoit regardée comme un temple confacré à la valeur.

Les derniers devoirs rendus, l'orateur montoit fur la tribune, & prononçoit l'éloge funebre. Nous avons encore trois de ces difcours. L'un eft de ce Péricles qui fut tout à la fois capitaine & orateur, élève d'Anaxagore, amant d'Afpafie, redoutable à la Grèce, & corrupteur d'Athènes. On fait qu'il enivra le premier les Athéniens de fpectacles & de fêtes, & leur donna des vices pour les gouverner; mais ce fut fon éloquence qui le rendit quarante ans monarque d'une république. Je le renverse en luttant, difoit un de fes rivaux; mais lors même qu'il est à terre, il prouve aux

Athéniens qu'il n'eft pas tombé; & les Athéniens le croient. Ce fut après la guerre de Samos, où il avoit luimême commandé, & remporté plufieurs victoires, qu'il prononça cer éloge funèbre. Je vais tâcher d'en donner une idée; mais il faut fe fouvenir que ce n'est ici qu'un extrait, c'eft-à-dire une copie foible & par lambeaux, dans une langue qui n'a ni la richeffe & l'harmonie de la langue grecque, ni la mélodie des accens ni l'heureuse compofition des mots, ni cette foule de liaifons qui enchaînent les idées, ni cette liberté des inverfions qui met tant de variété dans la marche, & qui permet à la langue de fuivre avec foupleffe, & de deffiner pour ainfi dire, tous les mouvemens de l'ame & des paflions. Je ferai comme ces peintres qui ne pouvant tranfporter avec eux un antique pour le faire admirer, en crayonnent rapidement les contours & les principaux

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