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choient de fe flétrir fous les travaux. Les exercices & les jeux les donnoient continuellement en fpectacle les uns aux autres. La multitude des petits Etats é abliffoit des rivalités d'honneur entre les peuples. Enfin les grands intérêts & les victoires leur donnoient ce fentiment d'élévation qui afpire à la renommée. Au fortir des combats, où des millions de Perfes avoient été vaincus par quelques hommes libres, y avoit-il un Grec dont l'ame ne fût plus fenfible & plus grande? Ajoutez les institutions particulières de chaque ville, & celles de la Grèce entière; ces fêtes; ces jeux funèbres; ces affemblées de toutes les nations; les courfes & les combats le long de l'Alphée; ces prix diftribués à la force, à l'adreffe, aux talens, au génie mênre; des Rois venant fe mêler parmi les combattans; les vainqueur proclamés par des hérauts ; les acclamations des villes fur leur paffage;

les pères mourans de joie, en embraffant leurs fils vainqueurs ; & leur patrie à jamais diftinguée dans la Grèce, pour avoir produit de tels citoyens.

Telle étoit la fenfibilité ardente de ces peuples pour la gloire. Les gouvernemens attentifs nourriffoient encore ce fentiment, en ne donnant jamais de récompenfe qui pût avilir les ames. On ne rabaiffoit pas les talens ou les vertus, jufqu'à ne les payer qu'avec de l'or. Tout tendoit à la gloire, & rien à l'intérêt. Des couronnes, des infcriptions, des vafes, des statues, voilà ce qui récompenfoit & faifoit naître les grands hommes. Je me repréfente un père dans ces anciens temps & chez ce peuple fingulier, voulant animer fon fils, & le promenant à travers les rues d'Athènes: vois-tu, lui dit-il, ces deux ftatues? adore-les; ce font celles de deux citoyens vertueux qui ont délivré leur patrie. Ce monument eft celui d'upe

femme qui aima mieux mourit, que trahir des citoyens qui vouloient rendre la liberté à l'Etat. Chacun de ces tableaux que tu vois, eft une récompenfe. Ce général exhortant les troupes, & diftingué des neuf autres, c'est Miltiade: il a fauvé la Grèce; mais auffi il a obtenu ce prix de fa victoire.- Peut-être dans le temps même qu'ils parlent, ils voient un Grec qui regardoit ce même tableau en rêvant profondément. Une larme s'échappoit, & couloit le long de fes joues.Mon fils, ce Grec que tu vois, c'est Thémistocle. Bientôt il fera grand, puifqu'il verfe de fi nobles larmes.Ils fortent d'Athènes, & parcourent la Grèce. A quelque diftance ils trouvent Marathon. Ils approchent, & voient au milieu de la plaine un maufolée. C'est le tombeau de ceux qui font morts pour la patrie. Regarde ces colonnes. Là font gravés les noms de tous ceux qui ont vaincu & péri

dans cette journée. Mon fils, lis tous ces noms, honore-les, & adore la patrie qui récompense ainfi le courage.- Arrivés aux Thermopiles, ils fe profternent fur le lieu où trois cents hommes fe font dévoués contre trois cent mille. Le père fait lire à fon fils cette infcription fur le rocher: Paffant, va dire à Sparte que nous fommes morts pour obéir à fes faintes loix; & ils redefcendent à travers les rochers, en filence. Ils continuent leur courfe. Ils apperçoivent une ville. La plaine des environs eft couverte de inonumens. D'abord se présente à eux un trophée; plus loin un maufolée en bronze, & près de là, un autel au Dieu de la liberté. Cette ville eft Platée. C'est là, mon fils, c'eft là que les Grecs viennent de remporter une victoire fur les Perfes. Vois les honneurs qui font rendus à ceux dont le fang à coulé. Approche, & lis fur l'airain ces vers gravés en leur hon

neur. C'est ainfi qu'ils parcourent la Grèce. Ils terminent leur voyage par les jeux olympiques. En arrivant, ils vifitent le bois facré, où ils contemplent plus de fix cents ftatues en bronze ou en marbre, élevées à ceux qui avoient remporté les prix. Delà ils fe rendent aux jeux, & y trouvent la Grèce affemblée. Suppofons que dans ce moment même Thémiftocle, vainqueur de Salamine, parût au milieu des jeux. On fait que lorfqu'il s'y montra après fa victoire, tout retentit d'acclamations & de battemens de mains; les jeux furent interrompus, & l'on oublia pendant une journée entière les combattans, pour voir & regarder un grand homme. Je m'imagine que dans ce moment, le père devoit approcher de fon fils, & lui dire: tu vois dans quel pays tu es né, & comme on y honore tout ce qui est grand; & toi auffi, mérite un jour que ton pays t'honore.

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