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main le plus éloquent de fon temps, fit l'éloge de Théodofe, comme Cicéron avoit fait l'éloge de Caton, & Xénophon celui d'Agéfilas.

A fa mort, fon oraifon funèbre fut prononcée dans Milan par S. Ambroife. Cet ouvrage eft parvenu jufqu'à nous, & il a en grande partie les défauts de ces temps-là. Mais l'évêque qui ofa reprocher au Maître du monde le meurtre de Theffalonique, & commanda à fon empereur d'expier devant les hommes & devant Dieu, un crime que des courtisans féroces avoient confeillé, & que des courtisans lâches n'avoient pas manqué d'applaudir, mérite bien grace pour des défauts de goût, & pour quelques phrases peut-être ou foibles ou barbares.

Les hommages fuivirent Théodose jusqu'au - delà du tombeau. Il fut ordonné que fon anniversaire feroit célébré tous les ans, par un éloge public

prononcé dans Conftantinople. S.Jean Chrisoftôme qui alors étoit l'orateur le plus fameux du christianisme & de l'Orient, & qui avoit tout à la fois l'éloquence de fa religion, de fon caracère, & de son génie, prononça en 339 cet éloge, dont une partie nous a été confervée *. Enfin, pour qu'il ne manquát rien à fa gloire, les arts lui élevèrent des ftatues, des obélifques, & une colonne femblable à celle de Marc-Aurèle & de Trajan.

A examiner en général le règne de ce prince, fes fuccès, fes triomphes, fon application au gouvernement, enfin le mérite qu'il eut, & qu'il partagea avec fi peu de fouverains, de devenir meilleur en montant fur le trône, il paroît avoir mérité une partie de ces hommages. Prefque tous les historiens de l'empire l'ont peint

* @uvres de S. Chrisoftôme, tome 12, édità des Benédict.

qui

comme un grand homme donna l'exemple du courage & des mœurs, se fit refpecter des Barbares, foutint l'éclat des victoires par celui des vertus, & jamais n'avilit dans le palais l'Empereur qui avoit vaincu fur les champs de bataille. On le voit exerçant la main de fes fils encore jeunes, à écrire les graces qu'il accordoit aux criminels; on le voit ouvrant les prisons, & fe plaignant au ciel de ce qu'il ne peut ouvrir les tombeaux. Enfin il publia cette loi célèbre par laquelle il défend aux Juges de punir les paroles qui n'attaquent que lui. « Si l'accusé, » dit-il, a parlé par légéreté, il faut » le méprifer; fi c'eft par folie, il faut » le plaindre; fi c'est pour nous faire outrage, il faut lui pardonner ». Cette loi paroît être l'ouvrage de la grandeur d'ame & de l'humanité unies enfemble.

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Quoi donc; eft - ce le même

homme,

homme qui, pour punir quelques féditieux, fit égorger une ville entière ? l'homme qui, fous prétexte d'un fpectacle, fit raffembler tous les habitans dans le cirque, afin que dans la paifible fécurité des jeux fe trouvant fans défense, on pût les égorger plus aifément; afin que mieux réunis fous les poignards, le carnage fût plus rapide, & qu'on n'eût qu'à frapper? L'homme, qui, pour prévenir tout fentiment de pitié, & étouffer d'avance les impreffions, que la foibleffe, les cris, les larmes pouvoient faire fur les affaffins même, donna l'ordre exprès de ne rien épargner, & de maf facrer tout fans diftinction d'âge ni de fexe. Comment concilier tant de vertus & de fureur?

Il n'eft que trop prouvé par l'hiftoire, que Théodofe avoit reçu de la nature un caractère violent. La réflexion, le fang froid, & les conseils mêlèrent quelquefois des mœurs plus Tome I.

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douces à l'emportement d'un guerrier, & à la fierté d'un Prince: mais fouvent le lion rompoit fa chaîne, & cette fois-là il fut terrible. On fçait qu'il fe repentit; c'est à la poftérité à juger s'il y a des remords qui puiffent, effacer un pareil crime, Quoi qu'il en foit, avant de prononcer tant de panégyriques en l'honneur de ce Prince, il eût fallu peutêtre en demander la permiffion aux enfans, aux pères & aux époufes de tous les malheureux que fes foldats avoient affaffinés par fon ordre. Mais depuis long-tems on eft accoutumé à pardonner aux hommes leurs crimes en faveur de leurs vertus. Trop heureux, quand ils daignent en avoir

Gratien qui eut de la foibleffe & du zèle, qui pofféda peut-être le courage militaire, mais à qui le courage d'efprit & les talens manquèrent, que les écrivains d'un parti ont comparé aux meilleurs princes, que ceux du parti contraire ont comparé à Néron, Gra

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