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lées; leurs biens vendus; l'or & les pierreries arrachées aux femmes; les vieillards furvivants à leur fortune; les enfans mis à l'enchère avec l'héritage de leurs pères; le meurtre employé comme les formes de juftice, pour s'enrichir; l'homme riche invoquant l'indigence, pour échapper au bourreau; la fuite, la défolation, les villes devenues défertes, & les déserts peuplés; le palais impérial, où l'on portoit de toutes parts les tréfors des éxilés, & le fruit du carnage; mille mains occupées jour & nuit à compter de l'argent, à entaffer des métaux, à mutiler des vafes; l'or teint de fang, pefé dans les balances, fous les yeux du tyran; l'avarice infatiable engloutiffant tout, fans jamais rendre, & ces richeffes immenfes perdues pour le raviffeur même, qui dans fon économie fombre & fauvage, ne favoit ni en ufer, ni en abuser; au milieu de tant de maux, l'affreufe néceffité de

paroître encore fe réjouir ; le délateur errant, pour calomnier les regards & les vifages; le citoyen qui de riche eft devenu pauvre, n'ofant paroître triste, parce que la vie lui reftoit encore; & le frère dont on avoit affaffiné le frère, n'ofant fortir en habit de deuil, parce qu'il avoit un fils.

On trouve encore dans ce difcours un morceau plein de force fur la lâcheté du tyran, qui vaincu & fans reffource, n'avoit pas eu, pas eu, dit l'orateur, affez de courage pour ne pas tomber vivant entre les mains du vainqueur. Cette idée, comme on voit, tenoit à l'ancien préjugé romain, qui mettoit de la gloire dans le fuicide; erreur justement condamnée aujourd'hui par la religion & par les loix. On peut obferver que la doctrine du fuicide, qui étoit celle des ftoïciens, & qui fembloit devoir être adoptée à Rome par un peuple libre, ne commença cependant à s'introduire que dans Rome

efclave. Le Romain fier & courageux, voyant approcher les tyrans, choifit la mort pour barrière. Alors il crut avoir trouvé une reffource contre le malheur; & par un fentiment bizarre, mais vrai, le pouvoir de fe donner la mort, fit braver la mort même. L'exemple avoit commencé par les Brutus, les Caffius & les Caton; il continua fous les empereurs. On vit plus d'une fois ce genre de fermeté, dans des ames amollies par les plaifirs. Othon paffa prefque pour un grand homme, pour avoir su mourir; & Pétrone, l'homme le plus voluptueux de fon fiècle, fe donna la mort avec plus de tranquillité que Caton. Dans la fuite tous ceux qui formèrent de grands projets, & qui échouèrent, tous ceux qui afpirèrent au trône & qui furent vaincus, choifirent le même asyle. Survivre à fa défaite, eût paffé pour une lâcheté; & le fuicide fut prefque un devoir d'hon

neur pour les malheureux. La religion chrétienne changea ces idées. Elle enchaîna l'homme, qui rentra tout entier dans la dépendance des loix. L'homme plus éclairé, apprit que le courage étoit de fouffrir, & que l'honneur n'étoit pas de prévenir la mort, mais de favoir l'attendre. On voit par ce panégyrique, que la révolution n'étoit pas encore faite à la fin du quatrième fiècle.

Tout vainqueur eft sûr d'être loué. Après la victoire de Théodofe fur Maxime, parurent plufieurs autres panégyriques latins en l'honneur de ce prince. Nous venons d'en voir un d'un orateur Gaulois; un autre Gaulois, né à Bordeaux, & difciple d'Aufone, qui à vingt-cinq ans commença par être Conful, & qui après avoir occupé au capitole la place des Fabius & des Emile, entra dans l'églife, fut prêtre, enfuite évêque, & obtint après fa mort l'apothéose que

la religion accorde aux vertus, St. Paulin compofa auffi un panégyrique de cet empereur. Nous ne l'avons plus; nous favons feulement que Théodofe y étoit beaucoup plus loué comme chrétien que comme prince*. On croit que S. Auguftin, alors profeffeur d'éloquence à Milan," prononça un difcours public fur le même fujet. Le célèbre Symmaque, préfet & fénateur de Rome, & le Ro

Ut in Theodofio non tam imperatorem

quam Chrifti fervum, non dominandi superbiâ, fed humanitate famulandi potentem, nec regno, fed fide principem,&c. pradicarem. PAUL, Ep. 9. ad Sulp. Sev.

S. Hieron. Epift 13 ad Paul.

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Librum tuum quem pro Theodofo principe prudenter ornateque compofitum tranfmififti lubenter legi. Felix Theodofius qui à tali Chrifti oratore defenditur! illuftrafti purpuras ejus ; & utilitatem legum futuris faculis confecrasti,

Quelques Critiques ont penfé que ce pané gyrique n'avoit été écrit qu'après la défaite du fyran Eugène,

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