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CHAPITRE

X X II.

Des Panegyriftes latins de Théodofe; d'Aufone, Panégyrifte de Gratien. THEMISTE fut le dernier orateur grec qui laiffa une grande réputation. L'histoire nous parle encore de plufieurs panégyriques qui furent prononcés après lui. L'étiquette de la cour de Bizance, qui tint toujours un peu de la pompe Afiatique, autorifa longtemps & confacra cet ufage. Mais ou ces éloges font perdus, ou ils font restés manufcrits dans les bibliothèques. Cependant leur nombre devoit diminuer. Les efprits fe tournoient infenfiblement vers d'autres objets.. Le chriftianifme fur le trône étoit en proie aux guerres civiles. Cet efprit actif & querelleur des Grecs, l'anarchie, l'indépendance, la curiofité inquiète, la fureur d'expliquer par la

taifon, ce qui eft au deffus de la raifon, la fureur plus grande encore d'avoir un parti & de dominer, oppofoit les opinions aux opinions, & les erreurs aux erreurs. Les héréfies naiffoient de toutes parts. On disputoit, on écrivoit, on cabaloit; on féduifoit les favoris, les eunuques, & les femmes. Pendant ce temps là, les peuples gémiffoient, les Barbares pilloient, les empereurs s'égorgeoient; & ceux qui restoient quelque temps fur le trône, la plûpart. voluptueux & fanatiques., fuperftitieux & féroces, controverfiftes auffi ardents, que lâches guerriers, placés entre les hérétiques & les Barbares, donnoient des édits au lieu de combattre : & tandis que les Huns., les Goths, les Arabes, les Vandales., les Bulgares & les Perfes ravageoient tout, du Tibre au Pont-Euxin, & du Danube au Nil, les empereurs de Bizance oublioient l'empire pour ufurper les droits des évêques, & profcrire

ou foutenir des erreurs, qui ne devoient être jugées que par les pontifes, On fent bien que des temps d'aviliffement & de malheur ne font favorables ni aux panégyriques, ni à l'éloquence. Il y a des époques où le plus lâche orateur rougiroit de louer, & où cette espèce de menfonges feroit ridicule, même dans les cours. Celle de Bizance ne pouvoit alors efpérer que le filence & la honte.

Au temps de Théodofe, on trouve encore quelques traces d'éloquence dans l'Occident. Nous avons un panégyrique latin de cet empereur. Il est d'un Gaulois d'Aquitaine nommé Pacatus. Ce Gaulois étoit en même temps poëte & orateur. Sidoine Appollinaire en parle ; & Aufone le cite avec éloge. Il prononça fon panégyrique dans le fénat de Rome. On voit combien ce non, & le fouvenir d'une ancienne grandeur en impofoient encore. «L'orateur, dit-il, craint de

» faire entendre devant les héritiers » de l'éloquence romaine, ce langage » inculte & fauvage d'au-delà des Al» pes; & fon œil effrayé croit voir » dans le fénat, les Cicéron, les Hor» tenfius & les Caton, affis auprès de » leur poftérité pour l'entendre ». Il y a trop d'occasions où il faut prendre la modeftie au mot, & convenir de bonne foi avec elle qu'elle a raison; mais ici il y auroit de l'injuftice: l'orateur vaut mieux qu'il ne dit. S'il n'a point cet agrément que donnent le goût & la pureté du style, il a souvent de l'imagination & de la force, espèce de mérite qui, ce femble, auroit dû être moins rare dans un temps où le choc des peuples, les intérêts de l'empire, & le mouvement de l'univers qui s'agitoit pour prendre une face nouvelle, offroient un grand fpectacle, & paroiffoient devoir donner du reffort à l'éloquence. La fienne, en général, ne manque ni de précision, ni de rapidité,

Aurefte,dans fa manière d'écrire, il ref femble plus à Sénèque & à Pline, qu'à Cicéron. Quelquefois même il a des tours & un peu de la manière de Tacite. Ses expreffions ont alors quelque chofe de hardi, de vague, & de profond qui ne déplaît pas. L'endroit le plus éloquent de cet éloge, eft la peinture de la tyrannie de Maxime, vaincu par Théodofe. Maxime étoit un général des troupes romaines en Angleterre, qui révolté contre Gratien, Pavoit joint à Paris, lui avoit enlevé fon armée fans combattre, & l'avoit enfuite fait affaffiner à Lyon, Ce meurtrier ufurpateur domina cinq ans dans les Gaules; c'eft-à-dire que pendant cinq ans, il ufa de fon pouvoir pour commettre impunément des crimes. L'orateur parle avec éloquence de tous les maux que nos ancêtres ont foufferts fous ce tyran. Il peint les brigandages & les rapines; les riches citoyens profcrits; leurs maifons pil

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