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reur affaffin, ce barbare incendiaire, ce chrétien perfécuteur d'autres chrétiens, publia un Edit par lequel il défendoit qu'on employât déformais ni autorité, ni menaces, pour faire changer perfonne de religion. Nous n'avons plus le difcours de Thémifte; mais il nous refte celui où il félicite l'Empereur de fon changement, C'eft l'ouvrage à la fois de l'éloquence & de la raifon.

Ainfi cet homme vertueux parloit aux princes, fous prétexte de les louer. Il avoit donc raifon de dire à Conftance: » pour la première fois, ô Em» pereur, tu vas entendre un orateur » libre & vrai même en te louant; » un orateur qui ne dira pas un moț » dont fon front ait à rougir » ; & plus bas: » je vous attefte tous, ô vous qui » marchez dans la même carrière que moi, fi vous vous appercevez que je » vous trompe, fi le moindre menfonge se mêle à mes paroles, élevez

tous votre voix contre un lâche ora» teur; repouffez-moi, chaffez-moi » du fanctuaire de la fageffe ; & ne per» mettez plus à celui qui l'outrage, » d'ofer en donner des leçons; mais » fi toutes les fois que je louerai, je dis la vérité, ne regardez pas comme » une vile flatterie ce qui eft un juste éloge. L'éloge eft un tribut qu'on » paye à la vertu.

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Dans un de fes derniers difcours à Théodofe il s'interrompt tout-àcoup; « tu vois prince, lui dit-il, que

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je ne fuis pas venu ici pour te flat

» ter. Conviendroit-il à un philoso

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phe en cheveux blancs, qui a familièrement vécu avec tant d'Empe» reurs, aujourd'hui que le plus hu» main de tous eft fur le trône, de » mendier fa faveur par des baffef» fes? Quand la liberté eft le moins dangereufe, irois-je choifir ce tems, pour me déshonorer par des menfonges » ?

a là,

On fent bien qu'il devoit parler des connoiffances & des lettres avec dignité. Il fait voir qu'elles ont été chères à tous les princes qui ont été grands; il cite Ariftote comblé de bienfaits

par Philippe, Xénocrate par Aléxandre, Aréus par Augufte, Dion par Trajan, Sextus par Marc-Aurèle. « Tu » imites ces grands hommes, dit-il à » un Empereur; la philofophie & les » lettres marchent partout avec toi. » Elles te fuivent dans les camps. Par > toi elles font refpectées non feule»ment du grec & du romain, mais » du barbare même. Le Scyte épou» vanté qui est venu implorer ta clé» mence, a vu la philosophie près de

toi, balançant le fort des peuples, & » décidant des trêves & de la paix » que tu accordes aux nations. Voyez les ftatues de bronze élevées dans » ces murs à la fageffe, les priviléges qui lui font accordés dans les villes, » les honneurs prodigués à ceux qui

en font dignes. La fageffe eft la seule qui répande encore plus d'éclat fur » ceux qui l'honorent, que fur ceux qui font honorés. Car admirer la » vertu dans les autres, c'est déjà une » preuve de vertu ».

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» O mes amis, dit-il ailleurs, par» donnez-moi, fi le défir que l'Em» pereur témoigne de m'entendre

m'inspire peut-être un noble orgueil. » Il fe laffe de vaincre, mais il ne peut » fe laffer d'entendre le langage de la vérité; & il permettra plutôt au guer» rier de ceffer de combattre, qu'au >> philofophe de se taire ».

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rap

Dans un difcours à Théodofe il pelle le jour où cet empereur prêt à partir pour l'Occident, lui confia fon fils en présence du fénat & du peuple. Dans ce moment l'orateur fe peint vieux, accablé d'infirmités & de foibleffe, courbé fous le poids des ans, mais ranimant fes forces languif

fantes , pour former ce prince destiné à commander un jour au monde: » viens, mon fils, dit-il, viens fur les > genoux d'un foible vieillard, rece» voir les leçons que la fageffe destine aux princes. Ce font celles que reçut Antonin, Numa, Marc-Aurèle, & » Titus. A ma voix fejoindront pour te former, celle de Platon, & celle du précepteur d'Aléxandre. A l'école » des fages, deviens le bienfaiteur » du monde ».

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Je finirai cet extrait déja peut-être trop long, en citant encore un morceau où Thémifte implore la grace d'un philofophe, dont le crime étoit d'avoir été le favori de Julien. Il ne le nomme pas; mais c'étoit probablement Maxime. En effet Maxime avoit eu trop de pouvoir, pour qu'on ne l'accusât point d'en avoir abufé. Valens qui ne manqua jamais une occa. fion d'être cruel fous prétexte d'être juste, l'avoit fait traîner dans les pri

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