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fentir la nature ont donné à leurs éloges religieux, un caractère que l'on ne trouve point parmi nous. Dans 'nos climats d'Occident, & fur - tout dans une grande partie de notre Europe moderne, nous avons commencé presque tous, par être des espèces de fauvages fans imagination, enfermés dans des forêts, & fous un ciel trifte. Enfuite nous avons été tout à la fois corrompus & barbares, par des circonftances fingulières & des mêlanges de nations. Enfin, nous avons fini par être corrompus & polis. On voit aifément que dans ces trois époques, les éloges religieux ont dû être foibles & froids. Notre feul mérite aujourd'hui, eft d'avoir mis quelque pureté de ftyle: dans un genre d'ouvrage le plus fufceptible de beautés fortes, & qui fembleroit devoir être grand & fublime,, comme le tableau de la nature.

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CHAPITRE III.

Des Eloges chez tous les premiers
Peuples.

La louange élevée vers la Divinité,

defcendit bien-tôt jufqu'à l'homme. Elle devoit s'avilir un jour, mais elle commença pas être jufte. Elle célébra des bienfaits, avant de flatter le pouvoir ou d'honorer des crimes. La raifon en eft fimple. Dans ces premiers temps, l'homme plus indépendant & plus fier, étoit plus près de l'égalité. La foibleffe & le befoin ne s'étoient point encore vendus à l'orgueil : et le maître en enchaînant l'efclave, ne lui avoit point encore dit ; loue-moi, car je fuis grand; & je daignerai te protéger, fi tu me flattes..

On fent qu'alors pour être loué, il falloit des droits réels; & ces droits ne purent être que des fervices rendus

aux hommes. Ainfi la découverte du feu, l'application de cet élément aux usages de la vie, l'art de forger les métaux, l'idée de fertilifer la terre en la remuant, la première & la groffière ébauche d'une charrue, voilà fans doute quels furent les premiers titres pour les éloges des nations. Tout ce qui eft vil aujourd'hui, commença par être grand. Les législateurs vinrent enfuite, & ils reçurent auffi des hommages; car les loix étoient un befoin pour le foible. Enfin, comme la fociété naiffante avoit différentes efpèces d'ennemis ; qu'il falloit faire reculer les bêtes féroces dans les déferts; qu'il falloit repouffer les brigands ou les peuples armés ; on célébra ceux qui pour le repos de tous facrifiant le leur, fe dévouèrent à combattre les lions les tigres & les hommes.

Dans ces temps d'une groffièreté fimple, on loua les bienfaiteurs de l'humanité, même de leur vivant. L'or

gueil n'avoit point encore éveillé l'envie. L'homme fauvage admire, & ne calcule point avec art pour échapper à la reconnoiffance. Cependant les héros dûrent recevoir de plus grands honneurs après leur mort; car on refpecte toujours plus ce qu'on ne voit pas. Dans la fuite même, quand il ne resta plus d'eux que leur nom & leurs bienfaits, & cet éclat de réputation qui aggrandit tout, on en fit des Dieux. Alors leur tombe fut un autel; & leurs éloges furent des hymnes.

Tout peuple dès fa naiffance, eut des éloges. Les Chinois, les Phéniciens, les Arabes célébroient par des chants les grandes actions & les grands hommes. La Gréce étoit encore loin d'être le pays d'Homère & de Platon lorfque déja elle avoit adopté ou créé cet ufage. Nous verrons la même coutume chez les premiers Romains. Enfin, chez tous les Peuples Celtiques la même institution régna plufieurs

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fiécles. Les Druides étoient les philofophes & les prêtres de la nation : les Bardes étoient les chantres & les panégyristes des héros. On les plaçoit au centre des armées. » Viens nous voir » combattre & mourir, & tu nous » chanteras ». Et le guerrier qui tomboit percé de coups, tournoit fes regards mourans vers le poëte qui étoit chargé de l'immortalifer. Ces chants, ou ces éloges étoient la principale ambition de ces peuples. C'étoit un malheur de mourir fans les avoir obrenus; & l'on croyoit qu'alors ces ombres guerrières apparoiffoient aux yeux du Barde pour folliciter fes chants, ou qu'il étoit averti par le bruit de sa harpe qui retentiffoit feule & à travers le filence de la nuit..

Ces chants fe confervoient par la mémoire, & paffoient d'âge en âge. On les répétoit dans les familles. On les chantoit dans les fêtes. La veille des batailles ils fervoient de prélude

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