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allufion à la fable célèbre des deux tonneaux d'Homère. « Sous ton empire, nous connoiffons le tonneau » du bien, d'où s'épanchent la félicité, » la richeffe & la vie. Il eft près du trône; & ta main y puife fans ceffe: mais nous ne voyons point celui des gémiffemens, des larmes & du fang: il n'y en a point d'où se verse » la terreur; ou fi ce tonneau fatal » exifte, il eft fermé de toutes parts. L'efpérance eft fortie, & vole fur l'empire; les maux font enchaînés ». On fait qu'au commencement du règne de Valens, Procope fe révolta & prit la pourpre. Il fe prétendoit de la famille des Conftantins. Mais ce droit n'étoit rien fans la victoire; il fut vaincu. Valens qui d'abord avoit été lâche, fut enfuite cruel; c'est l'ordinaire. Il fit couler le fang des ennemis, avec cette fureur que les caric tères atroces nomment juftice; l'orateur, en le louant d'une humanité

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qu'il n'avoit pas, tâche au moins de lui inspirer les sentimens qu'il devoit avoir. Dans un difcours tout entier, il lui parle de clémence. « Avant So>> crate, on disoit; faifons du bien à qui » nous aime, & du mal à qui nous » hait. Socrate a changé ce précepte, & a dit;faifons du bien à nos amis, & » ne faifons point de mal à nos enne» mis». Il rapporte l'exemple de tous les grands hommes qui ont pardonné, ou a des ennemis, ou à des affaffins ou à des ingrats. Il yante ce pouvoir magique qu'ont les princes, de changer les ames par leurs bienfaits. « Il » ne tient qu'à eux, dit-il, de déraci» ner la haine, & d'apprivoifer la fu

» reur ».

Dans un autre difcours adreffé au même prince, après la cinquième année de fon règne, on trouve un long morceau fur les finances. Il refpire cette philofophie pleine d'humanité qui devroit être celle de tous les Rois,

» On ne peut être humain, dit l'ora»teur, fans être libéral; mais la libéra»lité du prince ne confifte pas à don » ner beaucoup. Il ne peut pas donner » aux uns, fans accabler les autres. » Celui qui eft fi magnifique, n'est pas » loin d'être injufte. Il prive des mil» liers de pauvres du néceffaire, pour » enrichir des riches, c'eft-à-dire pour » verfer quelques gouttes inutiles dans » des fleuves. Le prince donne d'au» tant plus, qu'il exige moins ». Et s'adreffant à fon empereur, «avant toi, dit-il, les charges publiques augmentoient tous les ans; chaque » année ajoutoit au poids de l'année » qui avoit précédé. C'est toi, prince, qui as arrêté cette maladie de l'Etat. » Sais-tu pourquoi tu as mis cet ordre » dans les finances de l'empire ? C'est » que tu avois gouverné ta maison; » avant de gouverner le monde. Tu "n'as pas befoin d'apprendre d'un » autre ce qu'il en coûte de fueurs &

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» de peines au laboureur; tu connois » la hardieffe de l'exacteur, l'adreffe » du commis, l'avarice du foldat. » Inftruit de ces détails, tu ès monté » fur le trône ; c'eft pourquoi, comme » fi ce vaste empire n'étoit qu'une fa» mille, tu vois d'un coup d'œil, quels font tes revenus, quelles font »tes dépenfes, ce qui manque, ce qui » reste; les opérations qui font faciles, » celles qui ne le font pas. Seul de tous » les princes, tu n'as pas mis ceux qui » manient les deniers de l'Etat, au>> deffus de ceux qui le défendent. » Celui qui préfide aux finances, ne » marche pas avec plus de pompe, » que celui qui commande les armées. Chargé de l'emploi d'Ariftide, ils » font forcés d'avoir fa juftice. Ton » œil perçant fait découvrir & rendre » inutiles les profondeurs de cet art » funefte & caché... Non, désormais je ne craindrai pas les ennemis domestiques plus que les Barbares

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» mêmes. Je ne verrai plus la moiffon » enlevée de deffus les fillons, avant

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» même qu'elle entre chez le laboureur. D'impitoyables créanciers ne » veilleront plus fur les travaux du vendangeur; & l'habitant des champs » ne paffera plus un hiver trifte & défolé, auprès de fes greniers déferts. » C'est alors que je jouirai de la proie » enlevée fur les barbares, quand le 3 raviffeur domestique ne viendra plus » faire fa proie de mon bien. Prince, » continue l'orateur, ma voix dans ce » moment, représente la voix du » monde entier. Tu nous a remis une partie des tributs ; & pour dédom»magement, nous te rendons un "tribut de reconnoiffance.& de ten» dreffe. C'est le plus digne du prince. » Aulieu des moiffon's & des fruits de » la terre qu'on nous arrachoit, re

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çois des fruits qui ne fe flétriront "pas; ce font ceux de la gloire. C'est » elle qui fans ceffe renouvelle l'em

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