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d'efpace, fatiguent la foiblefe des hommes ordinaires, & que la médiocrité calomnie, parce qu'elle aime mieux blâmer les forces dans un autre, que de s'avouer l'infuffifance des fiennes. Libanius ne fut pas affez heureux pour avoir ce tort dans fes ouvrages. Ce n'est pas non plus celle de Perse qui, placé fous Néron, voulut, en disant la vérité, échapper au tyran. Libanius fous un gouvernement plus juste, put parler impunément des vertus & des crimes. Son obfcurité n'étoit qu'un défaut, fans avoir rien de piquant; elle tenoit feulement à un embarras de style.

A l'égard de fon éloquence, elle a fouvent de l'éclat; & eft prefque toujours animée des couleurs brillantes de l'imagination. On voit qu'il étoit prodigieufement nourri de la lecture des poëtes. Leurs idées, leurs images lui font familières. Prefque à chaque

page on rencontre des traits de la mythologie ancienne ; & fouvent fon ftyle même tient plus du coloris du poëte que de l'orateur.

Le premier difcours qu'il prononça à la mort de Julien, reffemble moins à une harangue, qu'à une espèce de chant funèbre : le fecond offre des beautés d'un autre genre. L'indignation que le vice donne aux ames dignes d'éprouver ce fentiment, affermit quelquefois fon style, & lui communique un degré de force qu'il n'a pas toujours. Tel eft un morceau fur quelques abus de détail que réforma Julien en montant fur le trône. Après avoir réglé, dit l'orateur » les objets les plus importans de » l'administration & de l'empire, il jetta les yeux fur l'intérieur du pa» lais. Il apperçut une multitude in» nombrable de gens inutiles, ef» claves & inftrumens du luxe, cuifiniers, échansons, eunuques, entaffés

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» par milliers, femblables aux effains » dévorans de frelons, ou à ces mou» ches innombrables que la chaleur » du printems raffemble fous les toits » des pasteurs. Cette claffe d'hommes » dont l'oifiveté s'engraiffoit aux dé>> pens du prince, ne lui parut qu'o» néreuse fans être utile, & fut aufsi» tôt chaffée du palais. Il chassa en » même temps une foule énorme de » gens de plume, tyrans domeftiques » qui abufant du crédit de leur place, prétendoient s'affervir les premières dignités de l'état. On ne pouvoit plus ni habiter près d'eux, ni leur parler impunément. Avides de ter» res, de jardins, de chevaux, d'efclaves, ils voloient, pilloient, forçoient de vendre. Les uns ne daignoient pas mettre un prix à l'objet » de leurs rapines; d'autres le met» toient au deffous de la valeur. Ceux» ci différoient de payer de jour en

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jour; ceux-là, après avoir dépouillé l'orphelin, comptoient pour paye» ment tout le mal qu'ils ne lui faifoient » pas...... C'est par ces voies qu'ils » rendoient pauvres les citoyens riches, & qu'eux-mêmes devenoient riches, de pauvres qu'ils étoient. Ainfi multipliant leur fortune par la misère des autres, ils étendoient leur. » infatiable avidité aux bornes de la > terre, demandant au nom & fous » l'autorité du prince, tout ce qui flat» toit leurs defirs, fans qu'il fût ja» mais permis de refufer. Les villes » les plus anciennes étoient dépouil»lées. Des monumens qui avoient

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échappé au ravage des fiècles, ❞ étoient conduits à travers les mers pour embellir les palais deftinés à > des fils d'artifans, & leur faire des » habitations plus belles que celles » des rois. Ces oppreffeurs en avoient » d'autres fous eux qui les imitoient. » L'efclave avoit fon ambition comme

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> le maître : à fon exemple, il outra»geoit, tourmentoit, dépouilloit, » chargeoit de fers; & pour s'enri» chir, reverfoit fur d'autres le def» potisme que fon maître exerçoit fur » lui. Le croiroit - on? les tréfors ne » leur fuffifoient pas; ils avoient l'au» dace de s'indigner s'ils ne parta

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geoient point la considération atta→ chée à la dignité, croyant voiler » ainfi leur fervitude.... L'empereur » chaffa du palais ces animaux dévo»rans, ces monftres à cent têtes, &

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voulut qu'ils regardaffent comme » une grace la vie qu'il leur laiffoit ». Il étoit difficile fans doute de mieux peindre la corruption profonde de la cour de Bifance, cette chaîne de brigandage & d'oppreffion, & l'abus du crédit, dans une claffe d'hommes qui voués par état à des emplois obfcurs, mais approchant du prince, où paroiffant en approcher, imprimoient de loin l'épouvante, parce qu'ils ha

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