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tentation, mais par goût. Il paroît qu'à la philofophie de l'efprit, elle joignoit celle de l'ame, & qu'elle fut à la fois fenfible & grande. Ce fut elle qui tira Julien de fon obfcurité, & le fit nommer Céfar. Mais plus près du trône, il n'en étoit que plus expofé au danger, dans une cour où la foiblesse barbare s'effrayoit des talens, & où le meurtre étoit toujours près des foupçons. Eufébie qui avoit com mencé l'ouvrage de fa grandeur, eut l'art de le maintenir: elle enchaîna les fureurs de Conftance; & malgré fa renommée le nouveauCéfar échappa aux affaffins. Julien, à la tête de cet éloge, annonce le sentiment qui le lui infpire. » Les bienfaits, dit-il, pour une ame généreufe, font une dette; & le pre» mier devoir eft de s'acquitter. L'in-. gratitude n'est pas feulement le vice » de celui qui outrage fon bienfai»teur: ceux même qui gardent le

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s filence & qui oublient, font cou

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pables. Le premier crime eft rare; » mais on ne trouve que trop fou» vent des hommes dont le filence ingrat cache & diffimule les bien» faits. Ils fe taifent, difent-ils, pour ne point paroître adulateurs; ah! » c'est bien plutôt un fecret orgueil » qui les révolte. Foibles & lâches » envers leurs bienfaiteurs, ces mê» mes hommes font fiers & ardents » avec leurs ennemis; leur reconnoif» fance eft glacée; leur haine eft implacable ».

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Par le peu que j'ai cité, il eft facile de connoître le ton & le mérite de Julien, dans fes éloges. On doit les eftimer par certaines vérités de détail, & des idées philofophiques qui font de tous les pays & de tous les temps. Mais il faut en convenir, le fond intéreffe peu. Que nous font aujourd'hui Eufebie & Conftance? tant

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qu'un Prince eft vivant, tous les regards font fixés fur lui; son rang, les hommages qu'il reçoit, les espérances & les craintes d'un peuple, la pompe & l'appareil qui l'entourent, en font une espèce de coloffe qui remplit tout: mais à fa mort, il reprend sa grandeur naturelle. Enfuite il disparoît à mesure qu'il fe recule & qu'il s'enfonce dans les fiècles. Il ne refte alors que ces traits distinctifs, que la renommée faifit, quand il y en a ; quand il n'y en a point, il ne refte plus rien; & que deviennent alors les panégyriques? Quand la ftatue eft brifée, à quoi fert l'infcription? Philofophe, orateur,qui que tu fois,veux-tu vi vre; traite des fujets, qui à deux milie de toi, & dans deux mille ans intéreflent encore. N'écris pas pour un homme, mais pour les hommes. Attache ta réputation aux intérêts éternels du genre humain. Alors la poftérité reconnoiffante, démêlera tes

écrits dans les bibliothèques. Alors ton buste sera honoré & peut-être baigné de larmes, chez des peuples qui ne t'auront jamais vu ; & ton génie toujours utile, felon la belle expreffion d'un de nos poëtes, fera contemporain de tous les âges, & citoyen de tous les lieux.

CHAPITRE XX.

De Libanius, & de tous les autres Orateurs qui ont fait l'Eloge de • Julien, Jugement fur ce Prince.

NOUS

OUS venons de voir Julien écrivain & panégyrifte; voyons-le maintenant comme empereur, & objet lui-même des panégyriques de fon fiècle. A la tête des orateurs qui l'ont loué, eft ce Libanius, né à Antioche, & régardé comme l'homme le plus éloquent de l'Afie. Ce fut lui qui fervit de modèle à Julien. On avoit défendu à ce jeune prince de le voir, & il se faifoit apporter en fecret tous fes discours, qu'il achetoit à prix d'or. Il parvint d'abord à en imiter parfaitement le style; mais dans la fuite il y ajouta ces grâces piquantes que donne la cour, & ces beautés mâles que donne la philofophie. Empereur, il

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