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remarquable en philofophie, en éloquence, & dans tous les arts, qu'il ait toujours fallu aux hommes un objet de culte. Chaque fiècle a le fien. Il femble que l'efprit humain foit importuné de sa raison & fatigué d'être libre. Il a befoin qu'on le gouveine & l'affervifle. S'il ne trouve pas un homme dans fon fiècie digne de lui commander, il va demander un maître aux fiècles paffés : il lui dit, régne fur moi, & auffi-tôt fe profterne & fe courbe aux pieds de fa ftatue. Bientôt il n'ofe plus le regarder qu'avec un refpe& idolâtre. Ce maître devient le tyran de fa pensée, & le légiflateur de fon goût. Ce maître lui dice fes opinions, & jufqu'aux mots dont il doit fe fervir. L'homme, dans cet état, ressemble à un enfant timide qui n'ofe faire un pas fans les lifières qui le foutiennent. Il penfe, il fent, il respire dans un autre; il eft d'autant plus fier qu'il eft plus affervi; jufqu'à ce qu'une

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nouvelle révolution amène un autre empire & d'autres efclaves. C'étoit alors le régne d'Homère. Il falloit, pour être grand, reffembler aux héros qu'Homère avoit peints. Il falloit pour avoir raifon, approcher au moins de ce qu'Homère avoit penfé. Ainfi dans une grande partie de l'Europe & de l'Afie, on n'écrivoit rien où Homère ne fût loué, commenté & cité. Julien paya comme les autres ce tribut au goût de fon fiècle, & dans ce panégyrique furtout. Cependant on y trouve un morceau d'un ton très-différent, & où l'orateur fans citations, fans idées étrangères, ne marche appuyé que fur lui-même ; & il faut convenir que fa démarche n'en est pas moins ferme. Ce morceau, où la philofophie fe joint à l'éloquence, eft le tableau des qualités que doit avoir un Prince, pour être digne de commander aux hommes. Je crois qu'on ne fera pas fâché de

le connoître. Il a droit de nous intéreffer, & comme roulant fur un objet utile, & comme un monument hiftorique qui peint également & l'efprit & l'ame de l'orateur *.

» La première qualité d'un Prince, » dit Julien, eft le refpe& pour les » Dieux, & l'attention à maintenir » leur culte dans fon empire. Après >> les Dieux il honore les parents

dont il tient la vie; & quand ils »> ne font plus, fa reconnoiffance & >fon refpect honorent encore leurs » cendres. S'il a des frères il les chérit, & tous les liens formés par la » Nature lui font facrés. Acceffible > aux étrangers, fenfible aux prières >> de ceux qui l'implorent, jaloux de » plaire aux meilleurs citoyens, juste » avec tous, il s'occupe également de

* J'avertis cependant que je l'ai resserré, parce qu'il eft très-long, & que Julien s'arrête un peu trop quelquefois fur les mêmes idées.

> tous les intérêts. Il dédaigne les » richesses qui ne font que de l'or; » les fiennes font des amis qui l'ai»ment fans feinte, & qui le fervent > fans le flatter.

» Né avec du courage, il hait la > guerre ; mais fi ou le hazard ou les »vices des hommes la font naître,

il fçait combattre. Alors fon acti» vité égale fa valeur; il ne s'arrête » que quand fes ennemis font vain» cus. Mais l'instant de la victoire, » eft celui de la clémence. Il regarde » comme un crime d'ôter la vie à qui > ne refifte plus. Dans les combats, il > veut la plus grande part aux périls » & aux travaux ; après le succès il » partage entre tous le fruit de fes périls & de fon fang. Il aime égale» ment & les citoyens & les foldats. » Les citoyens font pour lui le trou. peau dont il eft le pafteur: mais il >> regarde les foldats, comme ces ani

maux fiers & dociles dont la fonc

»tion eft d'écarter le danger. Ils ne >> doivent donc pas eux-mêmes être » les raviffeurs & les meurtriers du >> troupeau qu'ils défendent. Le Prince » en exerçant leur courage, l'afsujet> tit au frein. Il ne les laiffe pas s'en» dormir dans un lâche repos; alors >> ceux qui font chargés de défendre, >> auroient eux-mêmes befoin de dé» fenfeurs. Il ne les laiffe pas non plus » s'élever avec audace contre leurs » chefs; la difcipline dans la guerre

est pour lui le gage des fuccès. Il >> endurcit ses troupes aux fatigues; » mais ce n'est ni par de vains dif» cours, ni par des châtiments: fa > loi eft fon exemple. C'eft en bravant » la molleffe, en s'abstenant des plai» firs, en dédaignant les tréfors, en »fe livrant peu au fommeil, en fuyant l'inaction, qu'il prétend comman» der; en effet à quoi fert un Prince » dont la vie n'eft qu'un fommeil.

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Défenfeur de l'état au dehors, au

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