Imágenes de página
PDF
ePub

dont aucun ne fe trouva à la bataille d'Almanza: mais ce qui eft plus curieux fans doute, & qu'on aura de la peine à croire, l'orateur rapporte de très-bonne foi & propofe à Conftantin l'exemple d'un prince, qui du haut d'une double échelle, avoit regardé de loin une bataille. » Cet exemple n'est » pas noble, dit-il, mais il est sûr.! Après cela le panégyriste peint fon héros qui vole fur les bords du Rhin pour combattre les Francs nos ayeux, & il le loue très-férieufement » de ce » que vainqueur il a fait fervir le car"nage des vaincus aux amusemens de » Rome, de ce qu'il a embelli de leur fang la pompe des fpectacles, & » donné le délicieux plaifir de voir dévorer par les bêtes une multitude innombrable de prifonniers; de ma» nière que ces malheureux en expi» rant, dit-il, fouffroient encore plus » des outrages de leurs vainqueurs, que des morfures des bêtes féroces

[ocr errors]
[ocr errors]

» & de la mort même ». Dans quels fiècles de férocité & de baffeffe de tels panégyriques ont-ils été écrits? Et fi l'on n'a l'ame tout-à-fait dénaturée ou par le despotisme, ou par la fervitude, peut-on, en lifant de pareils éloges, ne point maudire à jamais & l'orateur qui les a donnés, & le prince qui les a foufferts? Il faut l'avouer, prefque tous les orateurs & panégyriftes de ce temps-là, font des renards qui caref fent des tigres. Celui-ci finit par parler à Conftantin de fa divinité, à laquelle le fénat a confacré une statue d'or. Enfuite il adreffe une prière à l'auteur de l'univers, il le conjure de conferver Conftantin pour tous les fiècles; & l'on espère qu'il voudra bien accorder cette faveur au monde, parce qu'étant Dieu, il doit vouloir tout ce qui eft juste ; & tout-puissant, il ne peut avoir aucune raifon pour refufer: ainfi & l'orateur & l'univers comptent fur l'éternité de Conftantin. On peut

[ocr errors]

juger à peu près de tous les panégyqes latins de ce prince, par celui-là. On en compte quatre autres, écrits dans la même langue; & prefque partout c'est le même ton, la même vérité dans les éloges, & fur- tout la même philofophie dans les idées. Cependant on rencontre quelques beautés de détail, & des lueurs d'éloquence; car dans les fiècles qui pen chent vers la barbarie, ou qui en fortent, il est encore plus aifé fans doute de trouver de l'éloquence que du goût.

Nous citerons encore un autre ou vrage dans le même genre, & d'autant plus curieux, qu'il eft peut-être le premier panégyrique chrétien qui ait été fait, ou du moins qu'on ait tranfmis jusqu'à nous. Il est écrit en grec, & fut prononcé dans Constantinople pour la trentième année du règne de Conftantin. L'auteur est cet

Eufebe de Césarée, fameux par fes

ouvrages & par fes vices, courtisan évêque, hiftorien fufpect, & panégyriste comme on l'étoit dans ces temps-là.

Ce difcours fingulier dans fa forme est en même temps un panégyrique, un fermon, un catéchifme, une profeffion de foi, un difcours de méta¬ phyfique & d'éloquence, un mêlange de la philofophie de Pythagore, de celle de Platon, & de la doârine de nos livres facrès, Conftantin y eft représenté par-tout comme vainqueur de l'idolatrie. On compare l'empire qu'il a fur la terre, avec l'empire éter

`nel

que Dieu a fur le monde. On le peint comme ayant un commerce immédiat avec la divinité; & on l'invite à faire part aux fidèles ( quand il en aura le temps) de cette foule infinie d'apparitions, de vifions, de fonges céleftes où Jefus Chrift s'eft manifefté à fes regards, & de beaucoup d'autres mystères inconnus à

tout le monde, excepté à lui, & qui reftent déposés dans fa mémoire impériale, comme dans un tréfor. Enfin on le loue, on le trompe, on l'inftruit; & le zèle adroit mêlant le style de la chaire & celui de la cour, lui prodigue à la fois les flatteries & les leçons.

Les vers furent employés comme la profe, à lui rendre hommage, mais avec moins de fuccès encore. Optatien Porphire, qui n'étoit point du tout Porphire le philofophe, mais un poëte obfcur & très-digne de l'être, compofa en l'honneur de ce prince qui l'avoit éxilé, un long panégyrique en vers qui ne valoit rien, & qui en conféquence fut très-bien payé.Avant Conftantin, Alexandre & vingt autres princes en avoient fait autant. Cela eft jufte; c'est la médiocrité qui a befoin de récompenfes; mais on fuppofe que le génie qui a le fentiment de fes forces, fe fuffit à lui-même. J'aime

« AnteriorContinuar »