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fans laquelle un homme n'a jamais donné un grand mouvement à ce qui l'entouroit; cette activité néceffaire à tous les genres de fuccès, à la guerre fur-tout, & dans un empire qui embraffoit cent provinces ; cette férocité qui étoit le vice général du temps, & qui lui fit commettre des crimes tantôt d'une barbarie calme, comme le meurtre de fon beau-frère, & celui de fon neveu, & celui des Rois prisonniers qu'il fit donner en fpectacle & déchirer par les bêtes, tantôt des crimes d'emportement & de paffion, comme les meurtres de fa femme & de fon fils; cet amour du defpotifme presque inféparable d'une grande puiffance militaire & de l'efprit de conquêtes, & fur tout de l'efprit qui porte à fonder un nouvel empire; un amour du fafte, que les peuples prennent aisément pour de la grandeur, fur-tout lorsqu'il eft foutenu par quelques grandes actions & de grands fuc-.

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cès; des vues politiques fages, & fouvent bienfaifantes, fur la réforme des loix & des abus, mais en même temps une bonté cruelle qui ne favoit pas punir, quand les peuples étoient malheureux & opprimés. En général on trouve dans Conftantin un mêlange de qualités qui paroiffent se combattre. Il eut l'ame d'un guerrier, & il aima la pompe & la molleffe. Il fut humain dans fa légiflation, & barbare dans fa politique. Il pardonna des injures, & fit égorger fes parens & fes amis. Il donnoit par humanité, & laiffoit piller les provinces par foibleffe. Enfin il y eut des jours où il fut Antonin: il y en eut d'autres où il fut Néron. Il y a apparence que génie fit fes fuccès; fes paffions, fes crimes; & le chriftianisme, fes loix.

fon

Toutes les fois qu'un homme à grand caractère est à la tête d'une nation, les efprits s'agitent, les ames s'élèvent, les lettres & les arts ou fleu

riffent, ou renaiffent, ou font effort pour renaître

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ou fufpendent leur chûte. C'est ce qui est arrivé fous Périclès, fous Alexandre, fous Augufte, fous Trajan, fous Conftantin, fous Charlemagne, fous Charles-Quint, fous Louis XIV. Conftantin fit rouvrir les écoles d'Athènes; il honora les lettres; il les cultiva lui-même, mais comme on pouvoit les cultiver dans fon fiècle, & parmi les occupations de la guerre & du trône. L'éloquence romaine étoit alors très-affoiblie. L'éloquence grecque fe foutenoit. L'Afie étoit devenue le féjour habituel des Empereurs ; & le langage d'Athènes dominoit dans prefque toute l'Afie. D'ailleurs la naiffance du Chriftianifme dans ces climats, renouvellement du Platonifme, l'école d'Aléxandrie, le choc des deux religions, le zèle ardent des payens pour attaquer, le zèle des Chrétiens pour fe défendre, tout dans l'Orient

le

'contribuoit à entretenir la culture & le goût. Des évêques étudioient Homère. Des faints fe nourriffoient d'Aristophane. Platon étoit presque aussi fouvent cité qu'un père de l'Eglife. C'étoit un arfenal ennemi où le chriftianifme venoit s'armer; & l'on combattoit les fables & la mythologie des Grecs avec l'éloquence des Grecs même.

En même temps il fe fit une révolution qui créa un genre d'éloquence inconnu jufqu'alors, & qui eut dans la fuite la plus grande influence. Le droit de parler au peuple affemblé, dans Rome libre, avoit appartenu aux imagiftrats; & dans Rome efclave, aux empereurs. Ce droit faifoit partie de la fouveraineté; c'étoit une espèce de magiftrature d'autant plus puiffante, qu'elle commandoit aux volonrés en dirigeant les opinions, & que toute opinion dans un peuple affemblé, a une force terrible, parce que

la force de chacun s'y multiplie par la force de tous. Ce droit fous Conftantin paffa aux miniftres des autels. Alors les prêtres chrétiens montèrent publiquement dans les chaires ; & les difcours religieux fuccédèrent dans l'empire aux difcours politiques.

Du temps de Cicéron & de Céfar, on avoit vu fleurir l'éloquence républicaine animée par la liberté & de grands intérêts; fous les premiers empereurs, une espèce d'éloquence monarchique, fondée fur la néceffité de flatter & de plaire; vers les temps de Marc-Aurèle, l'éloquence des fophiftes, qui n'ayant aucun intérêt réel, étoit un jeu d'efprit pour l'orateur, & un amufement de l'oifiveté pour les peuples. Enfin dans cette quatrième époque, on vit naître & se développer l'éloquence chrétienne qui tenoit à des idées, des principes & des objets entiérement nouveaux. Le monde réparé, la terre réconciliée

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