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Italie. Son feul mérite étoit d'aimer la guerre, & d'y réuffir. D'ailleurs, dur & impitoyable, avide d'or & de fang, en même-temps féroce & foible, c'étoit un lion à la chaîne, que gouvernoit Dioclétien, & qu'il avoit approché du trône, pour le lancer delà fur les ennemis de l'empire. Obligé malgré lui d'abdiquer après un règne de vingt ans, n'ayant point affez de force pour fupporter le repos, dans fon activité inquiète fans ceffe occupé de conjurations & de crimes, il reprit trois fois la pourpre, qui lui fut arrachée trois fois. Il confpira contre Maxence fon fils, contre Conftantin fon gendre, & finit enfin par vouloir rendre fa fille, complice de l'affaffinat de fon époux. N'ayant pu réuffir, il fe donna la mort ; & le petit-fils d'Hercule fe pendit à Marseille. Voilà pourtant l'homme fur lequel nous avons trois pompeux panégyriques. Voilà celui qu'on appelle Empereur très-fa

cré, à qui on parle de fa divinité, du culte qui lui eft dû, du palais augufte & vénérable qui lui fert de temple. Il faut convenir que le premier de ces éloges prononcés à Trèves, eft d'un bout à l'autre, un chef-d'œuvre d'impertinence & de flatterie,

Le second est plus raisonnable; il y a moins de menfonges exagérés, moins de ces baffeffes qui révoltent. Les louanges font plus fondées fur les faits. Il y a même en général de l'éloquence du ftile, de l'harmonie, mais nulle philofophie & très-peu de goût,

Le troifième dont on ne connoît pas l'Auteur, eft curieux, furtout par la manière dont on y traite l'abdication de ce prince, & fon retour à l'empire. Il femble que l'univers alloit s'écrouler, fi Maximien ceffoit d'être Empereur, Il nous eft permis, dit l'o» rateur, de nous plaindre des dieux, lorfqu'ils négligent l'univers. C'est dans ces momens-là que lés grêles

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» ravagent les moiffons, que la terre s'entr'ouvre, que les villes font englouties; fléaux qui défolent le non par la volonté des

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dieux, mais parce qu'alors leurs re

gards ne tombent point fur la terre: voilà, grand Empereur, ce qui nous » eft arrivé, lorfque vous avez ceffé » de veiller fur le monde & fur nous. Enfuite on prouve à Maximien, que malgré fon grand âge, il ne pouvoir fans injuftice quitter le fardeau de f'empire; » mais les dieux l'ont permis, » lui dit l'orateur, parce que la for» tune qui n'ofoit rien changer, tant » que vous étiez fur le trône, défiroit » pourtant mettre un peu de variété » dans le cours de l'univers ; » enfuite on représente Rome défefpérée d'avoir perdu un fi grand prince; Rome fuppliante & à genoux lui tendant les mains, lui adreffant un difcours pathétique & touchant, pour le conjurer de vouloir bien encore régner fur elle.

On

On le loue de fa piété céleste, & de ce qu'il a bien voulu fe rendre aux instances de la patrie; » Empereur

éternel, tu n'as pu résister aux lar» mes de cetre mère augufte». Après cela on le compare au foleil, qui en remontant fur fon char, & de fes propres mains le guidant dans les cieux, a réparé les défordres du monde embrâfé par l'ignorance de Phaëton. On s'étonne qu'après avoir goûté la douceur & les charmes du repos, il veuille bien fe donner encore la peine de commander ; & l'on finit par prier fa divinité de vouloir bien, du faîte où elle est placée, veiller fur l'univers, & de fa tête céleste faire quelques fignes, pour marquer aux chofes humaines le cours de leur destinée.

Il eft difficile, je crois, de porter plus loin la démence de l'adulation. Comment un prince n'étoit-il pas révolté de ces lâches menfonges? Comment n'impofoit-il pas filence au vil Tome I.

N

orateur? Mais il y a apparence que dans ces malheureux, le befoin d'être flattés, étoit pour le moins égal à celui qu'on avoit de les flatter. Il y a, pour ainfi dire, des befoins d'orgueil, comme il y en a de baffeffe. Une ame profondément corrompue par le pouvoir, n'a plus de mefure jufte, ni pour elle

même, ni ni pour les autres; & le genre

humain tout entier fe recule à une diftance immenfe d'elle. Il y a bien dans une des prefqu'Iles de l'Inde, un Chef de quelques bourgades, qui affis tranquillement fur fa natre qu'il appelle fon trône, dit froidement aux Européens qui le vifitent, pourquoi ne viens-tu pas voir plus fouvent le Roi du Ciel ? & ce Roi du Ciel, c'eft lui.

En fuivant l'ordre des temps, nous trouvons un panégyrique prononcé par Eumène pour l'établiffement des écoles publiques d'Autun. Eumène, quoiqu'il fut orateur, vivoit à la cour, & il exerçoit une charge confidérable

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