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jetté avec horreur, & qui fut commun -fous Domitien; la formule des officiers de l'empereur, qui écrivoient ·voici ce qu'ordonne notre Seigneur & & notre Dieu*; & quand les princes par les longs féjours & les guerres qui les retenoient en Orient, furent accoutumés à l'efprit de ces climats, la fervitude des manières qui chez les Ro mains fe mêla enfin à la fervitude des mœurs, & alors l'habitude de fe prof terner, confacrée par l'ufage & ordonnée la loi. par

Ainfi, dans la représentation des fentimens, des hommes & des chofes, tout, fous les empereurs, fut porté à l'extrême. Il eft facile d'imaginer l'effet que cet efprit général dut, au bout de trois fiècles, produire fur la poéfie, l'éloquence & le goût. II falloit fans ceffe forcer l'expreffion, pour que le langage ne fût point au

*Edictum Domini Deique noftri. MARTIA

deffous des autres arts. Dès qu'il s'a giffoit du prince, le peintre, le fculpteur & l'archite&e faifoient un Dieu: l'orateur ou le poëte qui n'eût fait qu'un homme, eût paru foible ou coupable.

Il est à remarquer que dans ces temps-là, on ne trouve plus de trace de l'éloquence latine, que dans les Gaules. C'étoient des Celtes qui étoient les fucceffeurs d'Hortenfius & de Cicéron. Ce peuple fi long-temps libre dans fes forêts, & qui fouvent même avoit fait trembler Rome, apprivoilé enfin par un long efclavage, & poli par les vices même de fes vainqueurs, s'étoit livré aux arts, comme au feul charme & au dédommagement de la fervitude. A Autun, à Lyon, à Marfeille, à Bordeaux, on cultivoit l'é'oquence. Souvent même les Romains les plus diftingués envoyoient leurs enfans dans ces villes pour s'y inf truire. Il femble en effet que depuis

Marc-Aurèle les arts & les lettres pouvoient difficilement habiter dans Rome. Ce ne fut pendant près de cent ans, que conspirations, afsaffinats, tyrannie & révolte. Les provin ces étoient plus loin de ces orages. On y apprenoit plutôt qu'on ne sentoit, les révolutions du trône. On y avoir moins à craindre, moins à espérer; & les efprits n'étoient pas fans ceffe occupés, comme à Rome, par cette espèce de férocité inquiere, que donne l'habitude des dangers & le fpectacle des crimes. Les Gaules étoient d'ailleurs remplies d'une foule de Romains. Leur commerce y porta cette culture, & ce goût qui naît d'abord dans les capitales, parce que le ' goût n'eft que le résultat d'une multitude d'idées comparées, & d'une foule de fentimens qu'on ne peut avoir que dans l'oifiveté, l'opulence & le luxe. Ajoutez la douceur du climat,& tous les monumens élevés dans ce pays

par la grandeur romaine. Tout cela réuni, difpofa peu-à-peu les efprits à cette fermentation utile, d'où naît l'amour des lettres & des arts, Mais comme en même temps il y a dans chaque fiècle un caractère qui s'imprime à tout, la fervitude de l'Afie s'étendit dans les Gaules, & l'éloquence corrompue & foible n'y fut, comme ailleurs, que le talent malheureux ou d'exagérer quelques vertus, ou de déguiser des crimes. Un défaut - naturel dans de pareils ouvrages, étoit le vuide des idées; on employoit de grands mots pour dire de petites chofes. Ce n'étoit plus d'ailleurs la langue de Cicéron & d'Augufte; elle étoit altérée. Gaulois, Germains, Efpagnols, Sarmates, tous fe précipitoient dans la patrie commune. L'univers fe mêloit. Ces idiômes barbares corrom. poient néceffairement la langue romaine. Formée par des conquérans, elle n'avoit jamais été une langue de

philofophes; mais alors elle n'étoit plus même une langue d'orateurs.

Il y en eut pourtant dans ce fiècle trois de célèbres; ce furent Eumène, Nazaire, & Mamertin, tous trois Panégyristes de princes, & tous trois comblés de bienfaits par les Empereurs: car fi la vérité a fouvent nui à ceux qui ont eu le courage de la dire, il faut convenir que la flatterie & le menfonge ont prefque toujours été. utiles à ceux qui ont voulu échanger leur honneur contre de la fortune.

Mamertin prononça deux panégyriques devant Maximien. Pour bien juger & des difcours & de l'orateur il eft bon de fe rappeller que Maximien, d'abord payfan, enfuite fimple foldat, quand il fut prince voulut avoir un nom, & prit celui d'Hercule, En conféquence, on ne manqua pas de le faire defcendre en droite ligné, de cet Hercule, qui du temps d'Evandre étoit venu ou n'étoit pas venu en

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