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dans la Divinité. Je te loue, s'écrie l'habitant fauvage du Groenland, ô toi dont la main invisible amène tous les ans la baleine fous mes harpons & fait couler fon fang dans les mers, pour m'aider à fuivre fa trace quand elle s'éloigne du rivage. Et à l'autre extrémité du globe, l'Indien chante fous fon beau ciel : je te loue, ô toi qui fais croître des moiffons de riz dans mes plaines, & qui fais fleurir le citronnier & l'oranger au bord de mes ruiffeaux; tandis que vers les bords de la Ruffie orientale, un autre peuple fauvage chante auprès de fes volcans je t'adore & te loue, ô Etre puiffant & terrible qui habites ces fouterrains enflammés, & qui, delà, roules tes feux parmi nos neiges & nos glaces. Ainfi, chez tous les peuples, les hymnes prennent, pour ainfi dire, la teinte du climat ; & une nature, ou fauvage ou riante, influant par les fenfations fur les idées, y déTome I.

B

termine les différens éloges qu'on fait de la Divinité *.

On nous a confervé beaucoup d'hymnes des anciens. Le pays où Homère chanta, ou Orphée institua des mystères, où l'architecture éleva des temples dont nous allons encore admirer les ruines, où le cifeau de Phidias fembloit faire descendre la Divinité fur le marbre; ce pays où l'air, la terre & les eaux avoient, aux . yeux des habitans, quelque chofe de divin, & où chaque loi de la nature étoit représentée par une Divinité, dụt produire un grand nombre d'hymnes en l'honneur des Dieux qu'on adoroit. Mais la plûpart de ces hymnes furent défigurées par des fables & des contes de Fées. Faites pour les poëtes & les peintres, elles amusoient le peuple & révoltoient les fages.

*On voit qu'il ne s'agit ici que des peuples qui ne font pas éclairés des lumières de la foi.

Nous en avons quelques-unes attribuées à Homère. On fait que dans fes poëmes il a mieux célébré les héros que les dieux. Ses hymnes font du même ton. Ce font plutôt des monumens de la mythologie payenne, que des éloges religieux. Mais on y retrouve quelquefois fon pinceau & les charmes de la plus riante poéfie.

Les hymnes de Callimaque offrent les mêmes beautés & les mêmes défauts. On y voit le génie efclave de la superstition; & des erreurs populaires chantées avec autant d'harmonie que de grace.

Il ne nous refte rien des hymnes de Pindare: mais nous fçavons qu'elles étoient toutes confacrées à cet Apollon de Delphes, dont les oracles mettoient à contribution, la crédulité des peuples & l'ambition des rois.

Tandis que les poëtes & le peuple défiguroient ainfi la Divinité en la célébrant, les initiés dans leurs mystères

lui rendoient un hommage plus pur & plus digne d'elle. Le ton de leurs hymnes eft impofant. Mais l'initié, en parlant à Dieu, fembloit ne s'occuper que de fes propres befoins. Il oublioit que des êtres foibles, en louant leur père commun, ne doivent pas fe féparer du refte de la famille, & implorer des bienfaits qui ne foient que pour

eux.

Si les Grecs nous ont laiffé quelque chofe d'augufte & de grand dans le genre des hymnes, il faut convenir que c'est celle du philofophe Stoïcien, nommé Cléanthe. Cette hymne trop peu connue annonce en même-temps une imagination forte & une ame épurée des fuperftitions. Elle eft digne de la fecte qui devoit former un jour Epictète dans les fers, & les Antonins fur le trône. Je m'imagine que Cléanthe qui fut le fecond fondateur du portique, & qui obligé de travailler de fes mains pour vivre, compta un Roi

parmi fes difciples, un jour, après leur avoir expliqué fes principes fur le fystème du monde & fon Auteur, tout-à-coup enflammé d'enthousias

me,

fe fit apporter une lyre, & chanta

en leur préfence cette hymne qui nous a été confervée par Stobée.

» O toi qui as plusieurs noms, mais >> dont la force eft une & infinie, ô Ju

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piter, premier des Immortels, fou » verain de la nature, qui gouvernes » tout, qui foumets tout à une loi, je » te falue; car il eft permis à l'homme » de t'invoquer. Tout ce qui vit, tout » ce qui rampe, tout ce qui exifte de » mortel fur la terre, nous naquîmes » de toi, nous fommes de toi une foi» ble image; je t'adresserai donc mes

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hymnes, & je ne cefferai de te chan»ter. Cet univers fufpendu fur nos » têtes, & qui femble rouler autour » de la terre, c'est à toi qu'il obéit; il marche, & fe laiffe en filence gou» verner par ton ordre. Le tonnerre,

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