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tes vertus. Non elles ne doivent point être outragées par des pleurs; » c'est en les admirant, & fi notre foi» bleffe n'eft pas au deffous d'un fi grand modèle, c'eft en les imitant » fur-tout que nous devons les hono» rer. Voilà l'hommage qui t'eft dû. » Moi-même, quand j'exhorterai ton époufe & ta fille à honorer ta mé

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moire, je leur dirai de fe rappeller » fans ceffe & tes actions & tes dif» cours, d'embrasser ta renommée, &, pour ainfi-dire, ton ame, plutôt » que de vaines ftatues. Non que je » veuille défendre de reproduire fur

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le marbre, ou l'airain, les traits des

grands hommes: mais ces images » font mortelles, comme ce qu'elles représentent; au lieu que l'empreinte » de l'ame est éternelle. Ce n'est point » par l'art, ce n'est point par de vils » métaux qu'on peut représenter l'ame » d'un grand homme, c'est par notre

» conduite & par nos mœurs, &c. * ». Dans cet ouvrage qui eft, comme on le voit, un véritable éloge, Tacite a réuni la philofophie à l'histoire, & l'histoire à l'éloquence. On y retrouve à chaque ligne l'ame d'un citoyen qui porte tout le poids du malheur de la vertu, & qui en peignant les maux de fa patrie, les éprouve une feconde fois. Toute la fin eft d'un pathétique tendre, mais en même temps plein de nobleffe. Il femble que Tacite, fatigué des émotions douloureuses & profondes que lui a données l'indignation du crime, & le fpectacle de la cour d'un tyran, cherche, pour écarter ces images, à fe repofer fur les fentimens les plus doux de la nature, C'eft la fenfibilité d'un grand homme qui tout à la fois vous attendrit & vous élève.

* Agric. 45.46.

CHAPITRE XVI.

Des Sophiftes Grecs; du genre de leur Eloquence & de leurs Eloges. Panégyriques depuis Trajan juf qu'à Dioclétien.

TANDIS ANDIS que dans Rome Tacite écrivoit l'histoire, que Pline célébroit Trajan, que Quintilien profeffoit l'éloquence, que Martial cultivoit la poéfie légère, que Stace chantoit les Héros, & Juvénal, ardent & fombre, poursuivoit avec le glaive de la fatire les crimes des Romains; à l'autre extrémité de l'empire, dans l'Ionie, la Grèce, & une partie de l'Afie, les orateurs Grec, qu'on nommoit Sophistes, jouoient le plus grand rôle, & rempliffoient quelquefois de l'admiration de leur nom les villes & les provinces. Ce qui les diftinguoit, c'étoit l'art de parler fur le champ avec

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la plus grande facilité. Cet art étoit né dans les plus beaux fiècles de la Grèce, & convenoit à l'imagination ardente & légère d'un peuple que le fentiment & la pensée frappoient rapidement, & dont la langue féconde & facile fembloit courir au devant des idées. Gorgias né en Sicile, avoit le premier donné cet exemple dans Athènes. Critias & Alcibiade encore jeunes, Thucidide & Périclès déja vieux, venoient l'entendre & l'admiroient. Efchine, le rival & l'ennemi de Démosthène, eut le même talent. Dans ces fortes de Difcours, il étoit, dit-on, plein de chaleur & de génie, & fembloit infpiré comme le prêtre qui rendoit les oracles. Cet art fut cultivé depuis avec beaucoup de fuccès; & fous les Empereurs, il procura la plus grande célébrité à ceux qui s'y exercèrent. Athènes Alexandrie Tarfe, Smyrne, Ephèfe & Bilance étoient des écoles fans cefle ouvertes.

Là fe formoient & régnoient ces orateurs. Ils parcouroient les villes les plus célèbres de l'Europe & de l'Afie. A leur arrivée, le peuple s'affembloit en foule aux théâtres, dans les places publiques, ou dans les portiques des temples. On leur donnoit un fujer, & ils parloient au bruit des applaudiffemens. Souvent ils commençoient par prononcer l'éloge de la ville. C'étoit eux qu'on envoyoit en ambaffade vers les Empereurs. Ils arrivoient à Rome précédés par leur renommée; & fouvent le Prince leur accordoit des privilèges, des exemptions de charges, & quelquefois les premières dignités de l'Empire. Les peuples leur élevoient des statues. On plaçoit leur image dans les temples, & leur patrie les nourriffoit aux dépens de l'Etat.

On conçoit que la plûpart de ces orateurs ou fophiftes, dont l'art & le talent étoit de s'affecter avec rapidité de tous les fujets, devoient avoir une

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