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dèle de tous les éloges hiftoriques; c'eft fa vie d'Agricola.

Le début qui eft d'une grande beauté, eft d'une éloquence tout à la fois fimple & forte. Il y parle de l'ancien ufage de célébrer les grands hommes, de l'indifférence de fon fiècle pour ceux qui l'honorent, du danger de louer la vertu fous les tyrans, des effets de l'oppreffion, qui fait mourir. les arts en étouffant le génie. Le dernier fiècle, dit-il, « a vu ce qu'il y » avoit d'extrême dans la liberté : le. » nôtre a vu ce qu'il y a d'extrême dans l'esclavage. Les recherches des » délateurs nous ont ôté jufqu'à la » liberté de parler & d'entendre; & » nous euffions perdu le fouvenir mê» me avec la voix, s'il étoit auffi fa»cile à l'homme d'oublier que de fe » taire *». Il se représente enfuite, au fortir du règne de Domitien comme échappé aux chaînes & à la

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Agric, 2.

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mort, furvivant aux autres, &, pour ainsi-dire, à lui-même, privé de quinze ans de fa vie, qui fe font écoulés dans l'inaction & le filence, mais voulant du moins employer les reftes d'un talent foible & d'une voix prefque éteinte, à transmettre à la postérité & l'esclavage paffé, & la félicité présente de Rome. « En attendant, dit-il, je » confacre ce livre en l'honneur d'A

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gricola mon beau-père; & dans ce projet, ma tendreffe pour lui me » fervira ou d'excufe, ou d'éloge *». Alors il parcourt les principales époques de la vie defon héros, peignant par-tout comme il fait peindre, & montrant un grand homme à la cour d'un tyran, coupable par fes fervices même, forcé de remercier fon maître de fes injuftices, & obligé d'employer plus d'art pour faire oublier fa gloire, qu'il n'en avoit fallu

* Agric. 3.

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pour conquérir des provinces & vaincre des armées. « On hait, dit Tacite, » ceux qu'on a offenfés. Domitien na» turellement féroce, & d'autant plus implacable dans fa haine qu'elle étoit plus cachée, étoit cependant » retenu par la prudence & la modé» ration d'Agricola: car il n'affe&toir point ce fafte de vertu, & ce vain » fanatifine qui en bravant tout, veut >> attirer fur foi l'oeil de la renommée. Que ceux qui n'admirent que l'ex» cès, fachent que même fous de mauvais princes il peut y avoir de grands hommes, & qu'une vertu calme & » modefte, foutenue par la fermeté » & les talens, peut parvenir à la gloire, comme ces hommes qui n'y marchent qu'à travers les précipi»ces, & achètent la célébrité, par une » mort éclatante mais inutile à la » patrie ».

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Toutes les fois que Tacite parle des

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vertus d'Agricola, fon ame fière & ardente paroît s'adoucir un peu; mais il reprend la mâle févérité de fon pinceau pour peindre le tyran, foupçonné d'avoir fait empoifonner ce grand homme, s'informant avec une curiofité inquiète, des progrès de fa maladie, attendant fa mort de moment en moment, & ofant feindre de la douleur lorsqu'affuré qu'Agricola n'est plus, il est enfin tranquille fur l'objet de fa haine. L'orateur, (car Tacite l'eft dans ce moment) félicite Agricola de fa mort. Il n'a point vu les derniers crimes du tyran; il n'a point vuces temps où Domitien, las de verfer le fang goutte à goutte, frappa, pour ainfi dire, la république & Rome d'un feul coup, lorfque le fénat fe vit entouré d'affaffins, quand le tyran luimême spectateur des meurtres qu'il ordonnoit, jouiffoit de la pâleur des mourans, & calculoit au milieu des bourreaux les foupirs & les plaintes.

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» Tu as été heureux, lui dit-il, mais » ta fille & moi, qui nous confolera → d'avoir perdu un père? qui nous » confolera de n'avoir pu, dans ta maladie, te rendre les devoirs & les foins les plus tendres, de n'avoir pu » te ferrer dans nos bras, nous raffa» fier d'une vue fi chère, recueillir de » ta bouche mourante tes derniers foupirs & tes derniers avis? Sans doute, ô le meilleur des pères! puif» que tu avois auprès de toi une épouse » qui t'adoroit, tu as reçu tous les » honneurs qui étoient dus à ta cen

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dre; cependant moins de larmes » ont coulé fur ta tombe, & tes » yeux, en fe fermant, ont défiré quelque chofe. S'il eft un féjour » pour les ombres vertueufes; fi, » comme le difent nos fages, les ames » des grands hommes furvivent à leurs » cendres, oh! repofe en paix, fixe les "yeux fur ta famille, fais ceffer nos plaintes & nos lâches foupirs, pour

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» nous élever à la contemplation de

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