Imágenes de página
PDF
ePub
[ocr errors]

Quand on eft dans la première » place du monde, on ne peut plus s'é>> lever qu'en abaiffant fa propre gran» deur (1).

[ocr errors]

Trop long-temps les fujets & le » prince ont eu des intérêts différens. » Aujourd'hui le prince ne peut plus » être heureux fans les fujets, ni les fujets fans le prince (2).

[ocr errors]

» Dans certaines affemblées, ce qui » eft approuvé avec transport de tous,

دو

» eft ce qui déplait le plus sûrement » à tous » (3).

qui pofteros habere nobiles mererentur, quam corum qui parentes habuiffent? Panég. 70.

(1) Cui nihil ad augendum faftigium fuper eft, hic uno modo crefcere poteft, fi fe ipfe fubmittat, fecurus magnitudinis fuæ. Panég. 71.

(2) Fuit tempus, ac nimium diu fuit, quo alia adverfa, alia fecunda Principi & nobis: nunc communia tibi nobifcum tam læta quam triftia; nec magis fine te nos effe felices, quam tu fine nobis potes. Panég. 72.

(3) Nulla magis omnibus difplicent, quam

» Vous avez des amis, parce que » vous l'êtes vous-même; car on com» mande tout aux fujets, excepté l'a» mour. De tous les fentimens, l'a>mour est le plus fier, le plus indépen»dant & le plus libre. Un Prince peut» être peut inspirer la haine fans la » mériter & la fentir; mais à coup sûr » il ne peut être aimé, s'il n'aime lui» même » (1).

On voit dans tous ces morceaux, quelle eft l'ame, & le tour d'efprit de l'orateur. Ce font des penfées toujours vraies, & quelquefois fortes, aiguifées

quæ fic fiunt tanquam omnibus placeant. Panég. 76.

(1) Habes amicos quia amicus ipfe es. Neque enim ut alia fubjectis, ita amor imperatur. Neque eft ullus affectus tam erectus & liber, & dominationis impatiens ; nec qui magis vires exigat. Poteft fortaffe Princeps inique, poteft tamen odio effe nonnullis, etiamfi ipfe non oderit: amari, nifi ipfe amet, non poteft.

Panég, 83.

1

en épigrammes, & relevées toujours par un contraste ou de mots, ou d'idées. On peut affurément blâmer ce genre d'éloquence, qui n'eft point le meilleur. Mais il n'en faut pas moins eftimer les vérités utiles & nobles, dont cet ouvrage eft rempli. Gardonsnous de pouffer trop loin cette attention fubalterne, qui péfe les phrases dans une balance, & fait plus d'attention aux mots qu'aux idées. Il importe encore plus, je crois, d'être bon citoyen, qu'excellent orateur; & s'il eft utile de ne pas corrompre le goût, il vaut encore mieux ne pas corrompre les hommes & les princes.

CHAPITRE XV.

De Tacite. D'un Eloge qu'il prononça étant Conful; de fon Eloge hiftorique d'Agricola,

QUOIQUE Tacite n'ait compofé

aucun panégyrique de Prince, cependant l'ordre des temps, la liaifon des idées, le mérite de ce grand homme & le caractère particulier de fes ouvrages, femblent exiger que nous en parlions ici. On fe rappelle le mot d'un officier François qui, à la tête d'une compagnie des Gardes, venoit d'affifter à la dédicace d'une des ftatues de Louis XIV; en revenant il paffa avec fa troupe devant la ftatue de Henri IV; » mes amis, dit-il, saluons celui-ci, il en vaut bien un » autre», & en même-tems il fit baiffer les drapeaux jufqu'à terre. Dans cette revue des écrivains, Tacite mé→

[ocr errors]

rite d'être traité avec le même honneur. Pour peu qu'on foit sensible, à fon nom l'imagination s'échauffe & l'ame s'élève. Si on demande quel eft l'homme qui a le mieux peint les vices & les crimes, & qui inspire mieux l'indignation & le mépris pour ceux qui ont fait le malheur des hommes ? je dirai c'est Tacite. Qui donne un plus faint refpect pour la vertu malheureufe, & la représente d'une manière plus augufte, ou dans les fers ou fous les coups d'un bourreau? c'eft Tacite. Qui a le mieux flétri les affranchis & les efclaves, & tous ceux qui ranpoient, flattoient, pilloient & corrompoient à la cour des Empereurs ? c'eft encore Tacitè. Qu'on me cite un homme qui ait jamais donné un caractère plus imposant à l'histoire, un air plus terrible à la poftérité. Philippe II, Henri VIII, & Louis XI n'auroient jamais dû voir Tacite dans une bibliothèque, fans une espèce d'effroi.

« AnteriorContinuar »