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aviliffement en culte; comment on efpère qu'un homme fi utile & fi grand, voudra bien avoir long-temps pitié de l'univers; comment enfin, dans un court espace, on trouve l'art d'épuifer toutes les formules, & tous les tours de la baffeffe; il n'y a qu'à lire ces foixante pages, & fur - tout les vingt dernières.

Le panégyrifte de Tibère, devoit l'être de Séjan; auffi dans le même ouvrage, Séjan eft-il peint comme un grand homme. On nous apprend qu'il fut choifi pour feconder Tibère, parce que c'eft la règle que les hommes fupérieurs employent des hommes de génie. * Enfin dans les dernières lignes, la fervitude à genoux implore hautement tous les dieux de Rome, pour demander au nom de l'univers, la confervation de qui? De l'em

* Rarò eminentes viri, non magnis adjutori bus ufi funt. VELL. lib. 2. p. 127.

poifonneur de Germanicus, & du monftre de Caprée. On dit que ce Velleius fut enveloppé dans la difgrace de Séjan, & périt avec lui. Ainfi, pour falaire de fes menfonges, il eut l'ingratitude d'un tyran, une vie honteuse, une mort fanglante, & le déf-honneur chez la postérité; c'étoit bien la peine d'être vil.

Qui croiroit que nous avons du Stoïcien Sénéque, un ouvrage plus lâche encore que celui-là? Car il est confacré tout entier, à louer un affranchi de Claude, & l'imbécile Claude lui-même. C'eft le traité de la confòlation adreffé à Polybe. Ce Polybe avoit été efclave, & étoit tout puiffant, fuivant la coutume de Rome, où les Empereurs foit par pareffe de faire un choix, foit par l'habitude d'être gouvernés, foit par la confiance qu'infpire une baffeffe de tous les jours, foit pour ne pas confier leur pouvoir à des hommes qu'ils pouvoient craindre,

foit par ce fecret orgueil que fent un Defpote à faire adorer fes efclaves, choififfoient prefque toujours leurs miniftres parmi leurs affranchis. Polybe étoit du nombre, & il venoit de perdre un frère. Sénéque qui alors étoit exilé en Corse, & qui auroit mieux aimé faire admirer fes talens dans l'opulente & voluptueufe Rome, sous prétexte de confoler cet efclave, mendie lâchement fa faveur par des éloges. D'abord il querelle très-férieusement la fortune, de ce qu'elle a ofé attaquer un grand homme tel que Polybe: cependant il voit bien qu'elle a été très-adroite; car elle a trouvé le feul endroit par où elle le put bleffer. Lui auroit-elle enlevé des richeffes? il les méprife. Ses amis? il en aura tant qu'il voudra. L'eftime publique ? elle eft inébranlable. La fanté ? avec l'efprit qu'il a, on s'en paffe. La vie? il eft sûr d'être immortel. * Et puis le

*Senec. de confolat. ad Polyb. 21,

panégyrique du mort; panégyrique qui confifte furtout à dire que le mort étoit digne d'un pareil frère. Enfuite on l'avertit qu'il eft trop grand, pour qu'il lui foit permis de pleurer. Rien de bas, rien de commun ne fied à un homme comme lui. Il ne faut pas qu'il démente l'admiration que l'univers a conçue *.

En louant l'esclave, le grave Sénéque ne pouvoit fe difpenfer de louer le maître. » Puifque Claude refpire, » dit-il, il ne vous eft pas permis de » vous plaindre. Claude eft vivant; >> toute votre famille eft vivante. Vous » n'avez rien perdu. Non - feulement » vos yeux doivent être fecs, mais vous » devez même laiffer éclater votre joie**»: Et plus bas : « Votre frère

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*Senec. de confolat. ad Polyb. 25.

** Fas tibi non eft, falvo Cafare, de fortunâ queri. Hoc incolumi, falvi tibi funt tui, nihil perdidifti. Non tantum ficcos oculos tuos effe, -fed etiam latos oportet. In hoc tibi omnia funt hic pro omnibus eft. Ibid. 26.

eft heureux; en mourant il a laiffé » Claude, fon augufte famille, & vous» même fur la terre. » Et ailleurs ; » je » ne cefferai de vous offrir l'image de » Claude. Tandis qu'il gouverne le » monde, & qu'il prouve combien,

pour maintenir l'empire, les bien» faits font plus puiffans que les ar» mes, tandis que le fort de l'univers » est en ses mains, vous ne pouvez » vous apperce voir que vous ayez fait » une perte. Elevez-vous, & toutes >> les fois que les larmes vous vien» dront aux yeux, tournez yos regards fur Claude; la vue de cette puiffante divinité fechera vos lar» mes. Humain & bienfaifant envers » tous les hommes, je ne doute point qu'il n'ait déja employé les plus for>> tes confolations pour guérir votre » bleffure & charmer vos douleurs : » mais quand il n'en auroit rien fait, » voir Claude, ou penfer feulement à lui, c'est déja une confolation

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