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panégyrique de l'Empereur régnant ; au milieu, même cérémonie; à chaque quart, la même encore. Tous les ans fe célébroit la naiffance de Rome: ce jour-là, on louoit l'Empereur ; & l'on ne manquoit pas de dire que Rome étoit née pour lui. Le jour de la naiffance de l'Empereur, on félicitoit Rome; il étoit né pour elle. Ainfi l'on faififfoit tous les événemens, tous les prétextes. Sans doute la nation heureufe fous les Antonins & les Trajan, devoit s'empreffer à témoigner fa reconnoillance. Des enfans heureux aiment à rendre hommage à leur père, Mais fous les Caligula, les Néron, les Domitien, les Commode, la fiè vre ardente des panégyriques redoubloit. Il femble que cette nation d'efclaves fût jaloufe de ne pas laiffer paffer un jour fans baffeffes, & qu'elle voulût, pour ainfi-dire, imprimer la trace de fes chaînes fur chaque partie du temps qui s'écouloit. Au refte ces

éloges fe prononçoient dans le fénat; dans les temples, dans les places publiques, & jufques fur le théâtre. Au milieu des spectacles, nous dit Pline, on jouoit, on chantoit, on dansoit des panégyriques de Princes; & l'Empereur étoit loué en même temps dans le fénat & fur la fcène, par un hiftrion & par un conful *.

Outre les orateurs qui, dans toutes ces fêtes, parloient devant le Prince, & mentoient, pour ainfi-dire, au nom de l'univers', il y avoit encore dans toutes les parties de l'empire une foule de fophiftes ou d'orateurs fubalternes, flattant & mentant pour leur compte,

* Ecquis jam locus mifera adulationis manębat ignarus, quum laudes Imperatorum ludis etiam & commiffionibus celebrarentur, faltarenturque, atque in omne ludibrium effeminatis vocibus, modis, geftibus frangerentur. Sed illud indignum quod eodem tempore in fenatu & in fcena, ab hiftrione & à confule laudabantur.

Panegyr. Traj. $4.

louant des Empereurs qu'ils n'avoient jamais vus, & qu'ils ne devoient jamais voir. Ceux-là, on ne les payoit pas même de leurs menfonges. Ces malheureux étoient vils ; & ceux pour qui ils fe donnoient la peine de l'être, ignoroient jufqu'à leur nom. Leurs obfcures baffeffes reftoient dans la même pouffière qu'eux; &, malgré leurs efforts, ils ne pouvoient réuffir même à fe déshonorer. Il faut avouer que cette espèce de maladie épidémique eft bien honteuse pour l'esprit humain. On feroit tenté d'en rire, s'il n'étoit plus naturel encore de s'en indigner. Le plus grand nombre de ces panégyriques s'est perdu, comme cela devoit être; c'est bien affez de corrompre & d'ennuyer fon fiècle, fans encore avoir le droit d'ennuyer la poftérité. On ne nous a confervé fans doute, que ceux qu'on a regardés comme les plus eftimables. Pour fuivre notre plan, nous allons tâcher

de les faire connoître, indiquant rapidement, & le nom des écrivains & le caractère des ouvrages; c'est une branche de littérature qui mérite fon coin dans l'histoire philofophique des hommes.

CHAPITRE XIII.

Eloges donnés aux Empereurs depuis Augufte jufqu'à Trajan.

NOUS ous n'avons point de panégyriques en forme, & compofés exprès par des orateurs, avant Trajan. Mais Trajan n'ayant été que le treizième Empereur, il falloit bien qu'avant fui il y eût des éloges. Sous Octave, deux hommes qui étoient nés libres, & qui tous deux avoient vu les profcriptions, louèrent à l'envi l'affaffin qui, à force d'art & de foupleffe, avoit affervi Rome. J'en demande pardon à ces deux hommes, mais il faut les nommer; c'eft Horace & Virgile. Dans les Eglogues, déja l'affaffin est un Dieu; dans les Géor`giques, les aftres se rangent humblement pour lui faire place, & lui demandent quelle eft celle qu'il voudra

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