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Il vit que cette nature fi riche avoit des rapports avec lui. Les aftres lui prêtoient leur lumière. Des fruits naiffoient fous fes pas, ou fe détachoient des branches pour le nourrir. Les arbres le protégeoient de leur ombre, & offroient un afyle à fon repos. Les cieux, pendant fon fommeil, fembloient fe couvrir d'un voile, & n'envoyoient à fon féjour qu'une lumière douce & tranquille. Frappé de tant de merveilles, il fent que leur cause n'est point en lui-même; il fent que tout eft l'ouvrage d'un être qui fe dérobe à fes fens, mais qui fe manifefte à lui par les bienfaits. Alors il le cherche à travers ce monde folitaire où il a été jetté; il le demande aux cieux, à la terre, à tout ce qui l'envi ronne; il prête l'oreille pour l'entendre. Plein du fentiment religieux qui s'élève dans fon cœur, il mêle fa voix à celle de la nature; & du fommer d'une montagne, ou dans un vallon

écarté, au bruit des fleuves & des torrens qui roulent à fes pieds, il chante une hymne en l'honneur de la Divinité dont il éprouve la préfence, & qui le fait exifter & sentir.

La première Hymne qui fut chantée dans cette folitude du monde, fut une grande époque pour le genre-humain, Bientôt on vit les pères affembler leurs enfans au milieu des campagnes pour rendre les mêmes hommages. On vit le vieillard entouré de moiffons, tenant d'une main une gerbe de bled, & de l'autre montrant les cieux, apprendre à fa famille à louer le Dieu qui la nourriffoit.

Dans ces premiers temps on loua la Divinité au lever du foleil; c'étoit une espèce de création nouvelle qui rendoit l'univers à l'homme. On la loua aux approches de la nuit, parce que fon obfcurité & fon filence infpiroient l'effroi. On la loua de même au renouvellement de l'année, au com

mencement des faifons, à chaque nouvelle lune. Il femble que, vers l'origine du monde, l'homme peu afsuré des bienfaits de la nature, s'étonnoit, pour ainfi-dire, à chaque inftant, de n'en être pas abandonné; & le défordre qu'il voyoit dans plufieurs endroits de la terre encore fauvage, lui faifoit mettre un plus grand prix à l'ordre conftant qu'il apperçevoit dans les cieux.

Dans la fuite, & chez les peuples même les plus policés, toutes les fois qu'il arriva un bonheur inattendu ou un fléau terrible, on s'empreffa partout à louer les Dieux qu'on adoroit. Ainfi nous voyons par l'histoire, que c'eft fur tout dans le temps des épidémies & des guerres; lorsque de grandes batailles étoient perdues; lorfque la pefte faifoit périr les citoyens par milliers; lorfque le peuple croyoit voir pendant la nuit un fpéctre pâle, & terrible répandre la désola

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tion fur fes murs; c'étoit alors que les prêtres, dans les temples & aux pieds des autels, entourés d'un peuple nonbreux, & levant tous ensemble leurs mains vers le ciel, compofoient & chantoient de nouvelles hymnes.

Dans ces temps d'effroi, les hymnes durent être animées par l'imagination, & refpirer l'enthousiasme; car l'homme aux prifes avec la nature, conçoit des idées plus grandes par la vue de fa foibleffe même. Alors tout s'exagère à fes yeux; ses expreffions s'élèvent avec fes idées; il peint tout avec force; il emprunte de toute la nature, des images pour louer celui à qui la nature est soumife. Son style est quelquefois mystérieux comme l'Etre à qui il parle. Son oreille même cherche dans les fons une harmonie inconnue : & comme pour donner une habitation à la Divinité, il a élevé des colonnes, exhauffé des voûtes, deffiné des portiques; comme pour la repré

fenter, il a agrandi les proportions, & cherché à faire une figure impofante; comme pour en approcher dans les jours de fêtes, il a fubftitué à la marche ordinaire, des mouvemens cadencés & des pas en mesure; ainfi, pour la louer, il cherche, pour ainfi-dire, à perfectionner la parole; & joignant la poéfie à la mufique, il fe crée un langage distingué en tout du langage commun.

Mais comment l'efprit humain ofat-il concevoir le projet de louer Dieu? L'ami peut louer fon ami, l'esclave fon maître, le fujer fon Roi. Malgré la diftinction des rangs, l'homme eft à côté de l'homme. L'orgueil les fépare; la nature les rapproche. Mais l'homme & Dieu, où eft la mesure commune?

Cependant toutes les nations ont eu des hymnes. Les penchans, les befoins, les vices ou les vertus ont décidé des attributs qu'on a loués

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