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fortune, plus féroces qu'inftruits, & qui connoiffoient moins la tribune, que les champs de batailles. D'ailleurs on ne loue pas ordinairement ceux qu'on affaffine ; & fouvent c'étoient les meurtriers même qui étoient les fucceffeurs de ceux qu'ils faifoient périr. Ils confpiroient, frappoient, régnoient, & mouroient pour faire place d'autres meurtriers.

CHAPITRE

CHAPITRE XI I.

Des Panégyriques ou Eloges des
Princes vivans.

CHEZ un ancien peuple, il y avoit une loi qui ordonnoit de graver fur un monument public, toutes les grandes actions que feroit le prince. On élevoit une colonne dans un temple; on la montroit au prince le premier jour de fon règne, & on lui difoit; » voici » le marbre oùl'on doit graver le bien » que tu feras. Voilà le burin dont on >> doit fe fervir. Que la postérité vien

ne lire ici ton bonheur & le nô» tre ». D'abord on n'y grava rien que de vrai. Un prince eut le malheur de ne faire aucun bien à fes peuples; il mourut fans qu'un feul caractère fût tracé. Bientôt tout changea; la flatterie prit le burin des mains de la vérité : & moins les peuples étoient heuTome I.

I

reux, plus les colonnes étoient chargées d'éloges, d'infcriptions & de titres. A la fin un bon Roi ordonna de brifer ces marbres, & d'en difperfer les ruines.

Peut-être il eût été à fouhaiter qu'au moment où le premier orateur fe préfenta pour prononcer le premier pané. gyrique devant un prince même vertueux, un citoyen plein de courage, fe mît tout à-coup entre le prince & l'orateur, & élevant fa voix avec force, s'écriât; » prince, qu'ofes-tu permet»tre, & que vas-tu entendre? Ferme » l'oreille à des difcours dangereux. »Tu mérites fans doute l'hommage

qu'on va te rendre; achève de le » mériter en le dédaignant. Aujour» d'hui la vérité te loue; demain la flat»terie t'attend. De tous côtés l'orgueil te tend des pièges & te pourfuit. L'efclavage en filence te trom» pe & te flatte. Iras-tu encore per» mettre à un orateur de te corrompré

رو

» avec art ? Si or as in retur von i » te loue, toc cer do te dofir : » fi tu ne les as poi, i ton.roge » As-tu besoin de vam enger & de

panégyriques, pour armentre qu » tu nous rends heureux · Telenges. » tes panégyriques Tom na champs » cultivés, nos villes herrenler, a prior » re fecrette in pure de faniil aux » pieds des ameis, le viell and quite » fes mains au ciel pour remerciet ves » dieux d'avoir prolongé la vie. Qu » difcours prononcé devant toi, isroit plus éloquent » !

On ne peur douter qu'un prince ami de l'humanité, fi on avoit eú it cou rage de lui parler ain, avant qu'il entendît un de ses panégyriques, n'eûr à l'instant congédié l'orateur, & que le peuple affemblé n'eût prononcé des imprécations contre le premier citoyen, qui dans la fuite oferoit renouveller cet ufage.

Il s'en falloit bien qu'on pensât ainsi

reux, plus les colonnes étoient chargées d'éloges, d'infcriptions & de titres. A la fin un bon Roi ordonna de brifer ces marbres, & d'en difperfer

les ruines.

Peut-être il eût été à fouhaiter qu'au moment où le premier orateur fe préfenta pour prononcer le premier pané gyrique devant un prince même vertueux, un citoyen plein de courage, fe mit tout à-coup entre le prince & l'orateur, & élevant fa voix avec force, s'écriât;» prince, qu'ofes-tu permet»tre, & que vas-tu entendre? Ferme » l'oreille à des difcours dangereux. »Tu mérites fans doute l'hommage

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qu'on va te rendre; achève de le » mériter en le dédaignant. Aujour» d'hui la vérité te loue; demain la flat»terie t'attend. De tous côtés l'or»gueil te tend des pièges & te pourfuit. L'efclavage en filence te trom» pe & te flatte. Iras-tu encore per>> mettre à un orateur de te corromprė

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