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rangs & affigner les places. Chacun, par l'ascendant de fon génie ou de fes vertus, monte & va prendre fon rang. Les ames opprimées fe relèvent, & recouvrent leur dignité. Ceux qui ont été outragés pendant la vie, trouvent du moins la gloire à l'entrée du maufolée qui doit couvrir leurs cendres. L'envie difparoît, & l'immortalité

commence.

Soit intérêt, foit justice, on a donc par-tout rendu des honneurs aux grands hommes; & delà les ftatues, les infcriptions, les arcs-de-triomphe; delà fur-tout l'inftitution des éloges, institution qui a été universelle fur la terre. Nous nous propofons d'examiner ce qu'ils ont été chez les différen tes nations & dans les différens fiècles; quels font les hommes à qui on les a accordés, à qui on les a refufés; comment le pouvoir les a ufurpés fur la vertu; comment ce qui étoit inftitué pour être utile aux peuples, eft devenu

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quelquefois le fléau des peuples en corrompant les Princes. Nous indiquerons le caractère, & le mérite ou la baffeffe des Ecrivains qui ont travaillé dans ce genre. Ainfi nous fuivrons de fiècle en fiècle les révolutions de l'éloquence & des arts; nous marquerons leur décadence ou leurs progrès. Souvent nous jugerons d'après l'hiftoire, les hommes qui ont été loués, afin de mieux connoître l'efprit des panégyriftes, & l'efprit du temps. Enfin nous terminerons cet Effai, par quelques idées générales fur le ton & l'efpèce d'éloquence qui nous paroît convenable aux éloges des grands hommes; non que nous nous propofions de donner la poétique de ce genre; nous. voulons nous inftruire & non pas tracer des règles On fait que la première règle eft le génie ; & celui qui l'a, trouve aifément les autres. Il feroit d'ailleurs injufte (quoique cette injuftice ne foit que trop commune.),

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de vouloir donner à fon art les limites de fon talent.

A l'égard des jugemens que, dans le cours de cet Effai, nous porterons fur certains hommes, s'il y en a qui puiffent déplaire, nous ne répondrons qu'un mot: nous croyons avoir été juftes. La juftice eft le premier de nos fentimens; elle fera le dernier. En parcourant la claffe des hommes loués, il eft difficile de ne pas s'indigner fouvent. Trop de panégyriques reffemblent à ces ftatues qu'on élevoit dans Rome aux Empereurs, & dont le plus grand nombre étoit brifé, dès que l'Empereur n'étoit plus. Que l'intérêt & la crainte prodiguent l'éloge ; c'eft le contrat éternel du foible avec le puiffant. Mais la postérité, fans efpérance comme fans crainte, doit être plus libre; elle peut aimer cu haïr, approuver ou flétrir d'après la juftice

& fon cœur. Quoi, même après des fiècles, faudroit-il encore avoir des égards pour des tombeaux & pour des cendres?

CHAPITRE II.

Des Eloges religieux, ou des
Hymnes.

LE

Le genre des éloges eft très-ancien;

E

Si on en cherche l'origine, on la trouvera dans les premières hymnes qui furent adreffées à la Divinité. Ces hymnes furent infpirées par l'admiration & la reconnoiffance. L'homme placé en naissant fur la terre, dut être frappé du grand fpectacle que déployoit à fes yeux la nature. L'étendue des cieux, la profondeur des forêts, l'immenfité des mers, la richeffe & la variété des campagnes, cette multitude innombrable d'êtres en mouvement, destinés à fervir d'ornement au globe qu'il habite; tout ce vaste affemblage dut porter à fon efprit une impreffion de grandeur. Bientôt un autre fentiment dut fuccéder à celui-là.

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