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avoir une éloquence pleine de hauteur & de force. Auffi trouvoit-il que Cicéron manquoit de reins, pour me fervir de fon expreffion *, Il est très-probable qu'entre les deux éloges, il y avoit la même différence qu'entre les deux hommes. Céfar difoit qu'en relifant plufieurs fois le Caton du premier, il avoit acquis plus d'abondance; mais qu'après avoir lu le Caton de Brutus, il s'étoit trouvé lui-même éloquent.

Sylla ou Octave euffent répondu par une profcription à l'éloge de leur ennemi. Céfar répondit en homme de lettres & en orateur. Le vainqueur de Pharfale composa deux discours intitulés les anti-Catons. Il y parloit avec les plus grands égards de Cicéron, dont il étoit l'admirateur & le rival, & dont il feignoit d'être l'ami. Ce combat littéraire partagea Rome.

* Fractum & elumbem.

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n'étoient

Chacun prenoit parti pour ou contre; & les vertus de Caton, le plus grand homme de fon fiècle, plus qu'un vain fujet de converfation dans une ville corrompue & esclave.

Enfin la mort de Céfar rendit à l'ame de Cicéron toute fa vigueur, Il n'étoit pas né pour avoir un maître & encore moins pour obéir à des tyrans fubalternes. I compofa fes Philippiques. Elles refpirent d'un bout à l'autre les fentimens d'un vieillard généreux & d'un grand homme. Parmi ces difcours il y en a deux qui renferment des espèces d'éloges. L'un eft confacré à Sulpicius, Jurisconfulte, orateur, républicain zélé, & vertueux dans un temps où les vertus fe remarquoient à Rome. Antoine ambitieux & brigand, & qui après Céfar avoit l'infolence d'afpirer à la tyrannie, comme un premier valet qui prend l'habit de fon maître, affiégeoit alors Modene. Le fénat lui députa Sulpicius:

& ce citoyen affoibli par la maladie & les années, mourut en ambassade. Cicéron qui dans la neuviéme Phi lippique en fait l'éloge, eft d'avis qu'on lui élève une ftatue avec une infcription qui annonce à la postérité qu'il eft mort pour l'Etat. Tel étoit l'efprit de ces gouvernemens & de ces fiècles.

Le fecond qui eft un morceau trèscourt, mais éloquent, eft une espèce d'éloge funèbre des foldats morts en combattant pour la cause de Rome & de la liberté, contre Antoine. »Heu» reufe mort! s'écrie l'orateur; c'étoit » la dette de la nature; vous avez fu » la rendre utile à la patrie. Oui, » vous êtes nés pour elle. Légion de Mars, vous avez juftifié ce grand » nom que vous portiez. Il femble » que ce même Dieu qui a donné Ro» me aux nations, vous eût donnés à Rome. La mort pour vous n'a rien » de honteux. Pour qui fuit, la mor Tome I.

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» eft un opprobre; pour qui eft vainqueur, elle est le fceau de la gloire: » car ce font toujours les plus braves » que le Dieu des combats choifit » pour victimes. Ainfi les ennemis de la patrie, tombés fous vos coups, expieront encore leur parricide dans » les enfers; mais vous qui êtes morts » en vainqueurs & en citoyens, vos » ames habitent à jamais dans le féjour de la vertu. La nature, il eft

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vrai, ne nous donne que peu d'inf» tans pour vivre; mais le fouvenir » d'une mort illuftre, eft éternel: & » fi la gloire n'avoit que la durée ra

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pide & paffagère de la vie, quel fe»roit l'homme affez infenté pour l'a» cheter aux dépens de tant de périls » & de travaux? Je vous félicite donc, »ô vous braves guerriers pendant la » vie, ombres facrées après la mort, je vous félicite de ce que votre va» leur ne pourra être mife en oubli, » ni par votre fiècle, ni par la postérité,

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puifque le fénat & le peuple vous dreffent,pour ainfi-dire,de leurs pro» pres mains un monument immortel. » Jamais un tel honneur n'a été rendu » à aucune armée ; & plût aux dieux» que nous pûffions faire davantage ! » La récompense feroit plus digne du » bienfait. C'est vous qui avez détour» né de nos murs l'ennemi & l'oppref»feur de la patrie. C'est vous qui l'avez

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repouffé. Nous éleverons donc à vos » cendres un magnifique maufolée; » nous y graverons une infcription, » éternel témoignage de votre valeur. » Tous ceux qui verront ce monu» ment, ceux même qui apprendront que nous l'avons élevé, parleront » de vous avec reconnoiffance. Ainfi " pour une vie mortelle

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Vous avez

» reçu en échange l'immortalité ». Il paroît que Cicéron dans ce morceau s'étoit proposé d'imiter le fameux éloge de Périclès pour les fol

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dats morts dans la guerre du Pélopon

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