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audace leur corruption & leur mol→ leffe; qui fe vantoit de fon obfcurité, comme les grands fe vantoient de leurs ayeux; qui dans un fiècle poli, confentoit à paffer pour ignorant, & avouoit qu'il n'avoit appris qu'à combattre & à vaincre ; qui oppofoit fes triomphes en Afrique, & les quatre cent mille Teutons ou Cimbres qu'il avoit exterminés en Italie ou dans les Gaules, aux tables, aux cuifiniers & au fafte des patriciens dans Rome. Il faut obferver d'ailleurs que cet éloge fut compofé avant les guerres civiles de Marius; & Cicéron étoit alors dans l'âge où l'énergie du caractère eft ce qui frappe le plus, & où l'on mefure les hommes plus par les grands effets,que par les grands motifs.

La harangue pour la loi Manilia n'eft prefque d'un bout à l'autre qu'un panégyrique de Pompée. C'étoit le malheur de Rome d'avoir alors des citoyens plus puiffans que l'Etat. L'é

quilibre des pouvoirs étoit rompu. Un petit nombre d'hommes se partageoit l'univers & les armées; mais du moins ils obfervoient encore les formes, & ils daignoient démander ce qu'ils auroient pu ravir. Cicéron, dans cette circonstance, loue Pompée sur la tribune, pour lui faire donner le commandement de la guerre contre Mithridate. Peut-être eût-il mieux valu ne pas agrandir encore un citoyen déja coupable d'être trop puiffant; mais Cicéron, malgré fon génie, fut quelquefois plus orateur qu'homme d'Etat.

On doit être encore plus fâché de trouver dans les ouvrages de ce grand homme fon difcours pour Marcellus, qui n'eft, en grande partie, que l'éloge de Céfar, & de César maître de Rome. Affaffin d'une partie de sa nation, & devenu le tyran de l'autre, Céfar osoit pardonner, comme s'il eût été un Roi légitime qui eût combattu des fujets

rebelles. L'orateur, dans ce difcours; vante fa clémence. Il eft trifte que celui qui, dans Rome libre, avoit été furnommé le père de la patrie, ait été forcé, dix-fept ans après, à louer l'oppreffeur de la patrie. S'il facrifia fes fentimens & fa gloire à l'intérêt de Rome, il faut l'admirer: S'il redouta Céfar, il faut l'excufer & le plaindre. Mais ce qui prouve que fon ame n'étoit pas flétrie par la fervitude, c'est l'éloge de Caron, qu'il composa dans le même temps.

On s'étonné quelquefois que le même homme qui avoit loué le deftru&teur de la liberté romaine, ait eu le courage de louer Caton, vengeur & martyr de la liberté. Il y a des caractères indécis qui font un mélange de grandeur & de foibleffe, & quelques perfonnes mettent Cicéron de ce nombre. Vertueux, dit-on, mais circonfpe&, tour à tour brave & timide, aimant la patrie, mais craignant les dangers, ayant

plus d'élévation que de force, fa fermeté quand il en eut, tenoit plus à fon imagination qu'à fon ame. On ajoute que foible par caractère, il n'étoit grand que par réflexion. Il comparoît la gloire avec la vie, & le devoir au danger, Alors il fe faifoit un fyftême de courage; fa probité devenoit de la vigueur, & fon efprit donnoit du reffort à fon ame. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons douter que Cicéron fous Céfar même, n'ait paru toujours attaché à la patrie & à l'ancien gouvernement. Ses amis cheṛchèrent à le détourner de faire l'éloge de Caton, ou voulurent du moins l'engager à l'adoucir. Il n'en fit rien. On voit cependant par une de fes lettres, qu'il fentoit toute la difficulté de l'entreprise. L'éloge de Caton à faire, difoit il, eft un problême d'Archimède à réfoudre *. Nous ne pouvons ju

*De Catone problema Agundi eft. Non affequar ut fcribam quod tui convive non modo libin

ger comment le problême fut réfolu: nous favons feulement que l'ouvrage eut le plus grand fuccès. Tacite nous apprend que Cicéron dans cet éloge élevoit Caton jufqu'au ciel *. Peu de temps après il en parut deux autres. L'un étoit d'un Fabius Gallus que nous connoiffons peu. L'autre étoit de Brutus. On peut dire que des trois, Brutus étoit, finon par fon génie, du moins par fon caractère, le plus digne peut-être de louer Caton. Nourri dans fon fein, élevé dans les principes rigides de la même secte, fanatique de la liberté, paffionné pour la patrie, ennemi ardent & irréconciliable de toute espèce d'oppreffion, l'ame de Caton refpiroit dans Brutus. Avec cette vigueur de caractère, il devoit

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