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juftice à leur gloire. Ces beaux fiecles de la Grèce qui produifirent les héros, firent naître auffi une foule d'Ecrivains pour relever leurs actions. Cicéron dans le fecond livre de l'orateur, nous apprend que de fon temps on avoit un grand nombre d'ouvrages grecs qui contenoient les éloges de Thémistocle, d'Ariftide, d'Epaminondas, de Philippe & d'Alexandre. Aujourd'hui aucun de ces monumens n'exifte; mais nous avons un ouvrage plus précieux qui les raffemble tous.

Evoque devant moi les grands hommes; je veux les voir & converser avec eux; difoit un jeune prince plein d'imagination & d'enthousiasme, à une Pithoniffe célèbre qui paffoit dans l'Orient pour évoquer les morts. Un fage qui n'étoit pas loin de-là, & qui paffoit fa vie dans la retraite, approcha & lui dit: je vais exécuter ce que tu deman

des. Tiens, prends ce livre; parcours avec attention les caractères qui le compofent; à mesure que tu liras, tu verras s'elever autour de toi les ombres des grands hommes, & elles ne te quitteront plus. Ce livre étoit les hommes illuftres du philofophe de Chéronée. C'est là en effet que toute l'antiquité fe trouve. Là, chaque homme paroît tour à tour avec fon génie, & les talens ou les vertus qui ont influé fur le fort des peuples. Naiffance, éducation, mœurs; principes ou qui tiennent au caractère ou qui le combattent; concours de plufieurs grands hommes qui fe développent en fe choquant; grands hommes ifolés & qui femblent jettés hors des routes de la nature dans des temps de foibleffe & de langueur; lutte d'un grand caractère contre les mœurs avilies d'un peuple qui tombe; développement rapide d'un peuple naiffant à qui un hom me de génie imprime fa force; mou

vement donné à des nations par les loix, , par les conquêtes, par l'éloquence; grandes vertus toujours plus rares que les talens, les unes impétueufes & fortes, les autres calmes & railonnées ; deffeins tantôt conçus profondément & mûris par les années, tantôt inspirés, conçus, exécutés prefqu'à la fois, & avec cette vigueur qui renverfe tout, parce qu'elle ne donne le temps de rien prévoir; enfin des vies éclatantes, des morts illuftres & prefque toujours violentes; car, par une loi inévitable, l'action de ces hommes qui renuent tout, produit une réfistance égale dans ce qui les entoure; ils pétent fur l'univers, & l'univers fur eux; & derrière la gloire eft prefque toujours caché l'exil, le fer ou le poifon : tel eft à peu-près le tableau que nous offre Plutarque.

A l'égard du ftyle & de la manière, on la connoît. C'eft celle d'un vieillard plein de fens, accoutumé au fpec

tacle des chofes humaines, qui ne s'échauffe pas, ne s'éblouit pas, admire avec tranquillité & blâme fans indignation. Sa marche eft mefurée, & il ne la précipite jamais. Semblable à une rivière calme, il s'arrête, il revient, il fufpend fon cours, il embrasse lentement un terrein vafte. Il féme tranquillement & comme au hazard fur la route, tout ce que fa mémoire vient lui offrir. Enfin partout il converfe avec fon lecteur; c'est le Montagne des Grecs; mais il n'a poing comme lui cette manière pittoresque & hardie de peindre fes idées, & cette imagination de style que peu de poëtes même ont eue comme Montagne. A cela près, il attache & intéreffe comme lui, fans paroître s'en occuper. Son grand art furtout eft de faire connoître les hommes par les petits détails. Il ne fait donc point de ces portraits brillans dont Sallufte le premier donna des modèles & que le

Cardinal de Retz par fes Mémoires mit fi fort à la mode parmi nous; il fait mieux, il peint en action. On croit voir tous ces grands hommes agir & converfer. Toutes fes figures font vraies & ont les proportions exactes de la nature. Quelques perfonnes penfent que c'eft dans ce genre qu'on devroit écrire tous les éloges. On éblouiroit peut être moins, difent-elles, mais on fatisferoit plus; & il faut favoir quelquefois renoncer à l'admiration pour l'eftime..

Parmi les Ecrivains grecs qui ont fait des éloges, on ne s'attend guère à trouver le nom de Lucien. Il eft beaucoup plus connu par la fineffe de fes fatyres. C'est le Swift des Grecs. Ses parens l'avoient deftiné à l'art de Sculpteur; & il eut cela de commun avec Socrate. Mais celui-ci travailla quelque temps, & fit même trois Grâces qui furent long-temps célèbres, & parce qu'elles étoient vêtues & par

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