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la Fontaine prefque feul eut dans fes vers (car Racine connut moins la grace que la beauté) dont aucun de nos Ecrivains en profe ne fe douta excepté Fénélon, & à laquelle nos ufages, nos mœurs, notre langue, notre climat même fe refufent peut-être, parce qu'ils ne peuvent nous donner ni cette fenfibilité tendre & pure qui la fait naître, ni cet instrument facile & fouple qui la peut rendre; enfin cette grace, ce don fi rare & qu'on ne fent même qu'avec des organes fi déliés & fi fins, étoit le mérite dominant des écrits de Xénophon. Il n'eft pas inutile d'obferver que c'étoit alors dans la Grèce le caractère général des arts. Depuis peu de temps la grace avoit introduit dans les ouvrages des artistes ces formes douces & arrondies, & cette expreffion de la nature, qui plaît dès qu'on peut la connoître. Il s'étoit ouvert une école où la grâce adouciffoit les beautés févères que la correc

tion fublime de Phidias avoit données à fes deffeins. Parrhafius avoit commencé; fes fucceffeurs l'avoient fuivi; & le plus célèbre de tous, Praxitèle répandoit alors fur fes ouvrages, fur le Cupidon de Thefpis, fur la Vénus de Cnide, cette grace inimitable qui faifoit le caractère de fon génie. Les Grâces dans le même temps avoient, au rapport des anciens, embelli l'efprit, le caractère & l'ame de Socrate. It alloit quelquefois les étudier chez Afpafie. Il en infpiroit le goût aux artiftes. Il les enfeignoit à fes difciples; & probablement Xénophon & Platon: les reçurent de lui: mais Platon né avec une imagination vafte, leur donna un caractère plus élevé, & affocia pour ainsi - dire à leur fimplicité um air de grandeur; Xénophon leur laiffa cette douceur & cette élégante pureté de la nature qui enchante fans le favoir; qui fait que la grâce gliffe légèrement fur les objets & les éclaire FY

comme d'un demi-jour; qui fait que peut-être on ne la fent pas, on ne la voit t pas d'abord, mais qu'elle gagne peu-à-peu, s'empare de l'ame par degrés & y laiffe à la fin le plus doux des fentimens ; à peu-près comme ces amitiés qui n'ont d'abord rien de tumultueux, ni de vif, mais qui fans agitation & fans fecouffes pénétrent l'ame, offrent plus l'image du bonheur que d'une paffion, & dont le charme infenfible augmente à mesure qu'on s'y ha bitue.

Telle étoit l'impreffion que firent autrefois fur les Grecs, les écrits de Xénophon. Il a fait comme Platon une apologie de Socrate, & de plus quatre livres fur l'efprit, le caractère, & les principes de fon maître. C'est un véritable éloge fans en avoir la forme. Platon eft plus éloquent fans doute; Xénophon peut-être perfuade mieux. L'un élève davantage; il deffine fa figure avec plus de hardieffe.

Dans l'autre on croit voir Socrate même ; & le Peintre difparoît. Enfin fi Socrate lui-même avoit pu lire les ouvrages de fes deux difciples, il eût peut-être plus admiré l'un; mais il eût plus tendrement aimé l'autre.

Ce même Xénophon Athénien & Panégyrifte de Socrate, a fait auffi le panégyrique d'un Roi. Ce roi étoit Agéfilas. On fait qu'il étoit né dans cette ville, où la plus étonnante des inftitutions avoit créé une nature nouvelle ; où l'on étoit citoyen avant que d'être homme; où le fexe le plus foible étoit grand; où la loi n'avoit laiffé de befoins que ceux de la nature, de passions que celle du bien public; où les femmes n'étoient épouses & mères que pour l'état ; où il y avoit des terres & point d'inégalité, des monnoies & point de richeffe ; où le peuple étoit fouverain quoiqu'il y eut deux Rois; où les Rois abfolus dans les armées étoient ailleurs foumis à une magif

trature terrible; où un fénat de vieillards fervoit de contre-poids au peuple & de confeil au prince; où enfin tous les pouvoirs étoient balancés, & toutes les vertus extrêmes. Xénophon paffionné pour ce gouvernement & pour les vertus, avoit fuivi Agéfilas en Afie, lorfque ce prince y alla combattre & vaincre. Il vainquit avec lui; & l'amitié la plus étroite unit ensemble le Philofophe & le Roi. Dans la fuite il célébra les vertus dont il avoit été le témoin. Ce prince par un sentiment ou bien vain ou bien grand avoit défendu qu'on lui élevât aucune ftatue. Xénophon lui éleva un monument plus durable.

Son éloge d'Agéfilas eft divifé en deux parties. La première n'eft qu'une espèce de récit hiftorique. L'orateur parcourt toutes les grandes actions de ce prince, fes guerres, fes victoires, & les principaux événemens de fa vie. La feconde eft confacrée à célébrer

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