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de mourir, ces trois difcours où il eft représenté fi vertueux & fi grand, Juges qui condamnez les hommes Vous pouvez immoler un fage, & flétrir un inftant l'homme que la calomnie pourfuit. Le glaive eft dans vos mains; vous frappez; mais l'œil inévitable du temps vous obferve & vous juge. Le temps reverfera fur vous l'opprobre dont vous aurez couvert les gens de bien; & vingt fiècles écoulés ne l'effaceront pas.

Je me fuis arrêté avec plaifir fur ces ouvrages, parce qu'on les cite beaucoup & qu'on les lit peu. D'ailleurs, dans le cours de cet Effai, parmi la foule innombrable de ceux qui ont été loués, où trouveronsnous des hommes comme Socrate, & des panégyriftes comme Platon? Enfin, dans tous les temps, il eft bon de présenter aux hommes des exemples de courage. Quand Thraféas, qui mourut auffi dans Rome pour

avoir été vertueux & jufte, faifoit couler fon fang; jeune homme, ditil à un Romain qui étoit préfent, approche & regarde *.

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CHAPITRE IX.

Suite des Eloges chez les Grecs. De Xénophon, de Plutarque, & de Lucien.

La Grèce qui dans ce siècle produifit une foule de grands hommes, n'en a point eu qui ait été plus fouvent, ni mieux loué que Socrate. Il est même à remarquer qu'un fimple citoyen d'Athènes eft devenu plus célèbre, que beaucoup de Princes qui, les armes à la main, ont changé une partie du monde. Qu'on ne s'en étonne pas. Sa mort aujourd'hui même nous intéreffe plus que toutes ces révolutions qui ne font pour la plûpart que des monumens de férocité ou de foibleffe, & des crimes de mercenaires payés par des tirans. Après Platon un très-grand nombre de philofophes ou d'orateurs tels que Xénophon,

Ariftoxène, Démétrius de Phalère, Calliftène, Dion, Libanius, & beaucoup d'autres que je pourrois citer, firent tous des apologies ou des éloges de Socrate. La plûpart font perdus; ceux de Xénophon font reftés.

Ce philofophe avoir été, comme Platon, le difciple & l'ami de Socrate. Mais l'un fe contenta d'éclairer les hommes, & l'autre voulut encore les fervir. Il fut à la fois Ecrivain & Hom me d'Etat. On fait qu'il commanda les Grecs dans la retraite des dix mille mais on ne fait pas également que pour récompenfe il fut exilé de fon pays. Son caractère avoit cette. efpèce de phyfionomie antique que nous ne connoiffons plus. C'eft lui à qui on vint annoncer au milieu d'un facrifice, que fon fils venoit de mourir. Il avoit une couronne de fleurs fur la tête, & ill'ôta On lui dit qu'il étoit mort dans une bataille en combattant avec courage; il remit la couronne

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fur fa tête & continua d'offrir de l'encens aux Dieux. Tour-à-tour guerrier & philofophe, il écrivit dans fon éxil plufieurs ouvrages de politique, de morale & d'histoire. Celui qui avoit dans l'ame toute la vigueur d'un Spartiate, eut dans l'efprit toutes les graces d'un Athénien.

Cette grace, cette expreffion douce & légère qui embellit en paroiffant se cacher, qui donne tant de mérite aux ouvrages & qu'on définit fi peu ; ce charme qui eft néceffaire à l'Ecrivain comme au Statuaire & au Peintre; qu'Homère & Anacréon eurent parmi les Poëtes Grecs, Apelle & Praxitèle parmi les artistes; que Virgile eut chez les Romains, & Horace dans fes Odes voluptueufes, & qu'on ne trouva pref que point ailleurs; que l'Ariofte pofféda peut-être plus que le Taffe; que Michel-Ange ne connut jamais, & qui verfa toutes fes faveurs fur Raphaël & le Corrége; que fous Louis XIV

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