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renoncer à rien; il ne fait pas perdre un jour pour gagner des fiècles. Ne l'attendez pas d'un peuple efclave: la gloire eft fière & libre ; & l'efclave, corrompu par sa fervitude, n'a pas affez de vertu pour lever les yeux jufqu'à elle. Ne l'attendez pas d'un peuple pauvre : je ne dis pas celui qui refté près de la nature & de l'égalité, borne fes defirs, vit de peu, & met les vertus à la place des richesses; mais celui qui environné de grandes richeffès qu'il ne partage pas, fe trouve entre le spectacle du fafte & la misère, & voit l'extrême pauvreté fortir de l'extrême opulence. Ce peuple occupé & avili par fes befoins, ne peut -avoir l'idée d'un befoin plus noble. Vous le trouverez peu chez une nation livrée à ce qu'on appelle les charmes de la Société. Chez un tel peuple, la multitude des goûts nuit aux paffions. Il eft trop facile d'avoir des faccès d'un moment, pour cher

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cher & obtenir des fuccès plus pénibles. D'ailleurs, en voyant les hommes de fi près, on met moins de prix à leur opinion. En général, le fentiment de la gloire a je ne fais quoi de réfléchi & de profond qui fe nourrit fur-tout dans la retraite. C'est là qu'occupé de grands travaux, on est frappé de la rapidité de la vie, & qu'on veut étendre fur l'avenir une exiftence fi courte. C'est à cette diftance des hommes que la renommée paroît augufte, que la poftérité se montre, que la gloire tourmente & fatigue l'imagination. Il faut qu'elle foit vue de loin pour qu'elle en impofe; elle reffemble à ces divinités de nos ancêtres, qu'ils avoient foin de placer dans les forêts, ou dans des lieux obfcurs. Moins on les voyoit, -plus elles obtenoient d'hommages.

On a demandé fouvent fi le devoir feul ne peut pas fuppléer à la gloire. Cette queftion honore ceux qui la

font, mais la réponse eft fimple; faites que tous les gouvernemens foient juftes, & que tous les hommes foient grands; & alors la gloire fera peutêtre inutile aux hommes. Je fuis loin. de calomnier l'humanité. Sans doute. il y a eu des ames qui, en faisant le bien ont obéi au devoir, & n'ont, obéi qu'à lui, & à qui de grandes actions sont échappées en filence. Athènes éleva un autel au Dieu inconnu :: on pourroit élever fur la terre une ftatue avec cette infcription: aux hommes vertueux que l'on ne connoit pas. Ignorés pendant la vie, ou-bliés après la mort, moins ils ont cherché l'éclat, & plus ils ont été grands. Mais ne nous flattons point; il y a peu de ces ames qui se suffisent & marchent d'un pas ferme fous l'œil de la raison qui les guide, ou de Dieu qui les regarde. La plupart des hommes foibles par leur nature, peu de

par le

foibles.

rapport qu'il y a entre

feur efprit & leur caractère, plus foibles encore par les exemples qui les affiègent, par le prix que les circonftances mettent trop fouvent à la bafseffe & au crime, n'ayant ni affez de courage pour être toujours bons, ni affez de courage pour être toujours méchans, embraffant tour à tour & le bien & le mal, fans pouvoir fe fixer ni à l'un, ni à l'autre, fentent la vertu par le remords, & ne font avertis de leur force, que par le reproche fecret qu'ils fe font de leur foibleffe.. Dans cet état il leur faut un appui. Le defir de la renommée fe mêlant au devoir, les enchaîne à la vertu.. Ils oferoient peut être rougir à leurs yeux; ils craindront de rougir aux yeux de leur nation & de leur fiècle. Et à l'égard des hommes même dont l'ame eft d'une trempe plus vigoureufe & plus forte, la gloire eft un dédommagement, fi elle n'eft un appui.. Nous nous récrions contre Athènes.

qui profcrivoit fes grands hommes. L'oftracisme eft par-tout. Un monstre parcourt la terre, pour flétrir ce qui est honnête, & rabaiffer ce qui est grand. Il a à la main la baguette de Tarquin, & abat en courant tout ce qui s'élève. Dès que le mérite parut, l'envie naquit, & la perfécution fe montra; mais au même inftant la Nature créa la gloire, & lui ordonna de fervir de contre-poids au malheur.

Il femble en effet que la vertu & le génie fouvent opprimés, fe réfugient loin du monde réel, dans ce monde imaginaire, comme dans un afyle où la justice eft rétablie. Là Socrate eft vengé, Galilée eft abfous, Bacon refte un grand homme. Là Cicéron ne craint plus le fer des affaffins, ni Démosthène le poifon. Là, Virgile est au deffus d'Auguste, & Corneille près de Condé. L'or & la vanité ne se trouvent point là pour diftribuer les

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