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» fers, qu'elle t'envoie aux combats » pour recevoir des bleffures & mou

rir, ton devoir est d'obéir. Fuir, ou » quitter ton rang eft un crime. Dans » les tribunaux, dans les prifons, fur » les champs de bataille, par-tout les » ordres de la patrie font facrés. Un » citoyen qui fe révolte contr'elle, eft

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plus coupable qu'un fils armé contre » fon père»..... Les loix continuent: "Il feroit beau entendre Socrate ra» contant fous quel déguisement ri» dicule il s'eft enfui de fa prifon ! & » fi on lui demande comment, déja vieux, & n'ayant plus que peu de » temps à paffer fur la terre, cepen»dant, par un lâche amour pour la

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vie, il a pu fe réfoudre à traîner les reftes d'une vieilleffe fi honteuse, après avoir enfreint les loix de fon » pays, que répondra-t-il ?... O So» crate tu entendrois fouvent des » difcours qui te feroient rougir..... » Eft ce pour tes enfans que tu vou

» drois vivre?... Tes enfans! Et n'as» tu pas des amis? Socrate, laiffe-toi perfuader, & ne préfère ni tes enfans, » ni ta vie, ni rien même à la justice. Criton cède. Il admire Socrate qui finit par lui dire; » marchons

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>> Dieu nous conduit ».

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Le troifième difcours beaucoup plus connu que les deux autres, eft ce Phédon fi fameux qui contient le récit des derniers entretiens & de la mort de Socrate. C'est un des ouvrages les plus célèbres de l'antiquité. C'est celui que Cicéron, comme il nous l'apprend lui-même, n'avoit jamais pu lire fans verfer des larmes. C'est celui que Caton prêt à mourir, relut deux fois pour s'affermir dans l'idée de l'immortalité. On ofe dire que nul éloge, ni ancien, ni moderne, n'offre un tableau fi grand. La mort d'un homme jufte eft un objet fublime par lui-même: mais fi ce juste eft opprimé, fi l'erreur traîne la

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vérité au fupplice, fi la vertu fouffre la peine du crime, fi en mourant elle n'a pour elle-même que Dieu & quelques amis qui l'entourent fi > cependant elle pardonne à la haine, fi de l'enceinte obfcure de la prison où elle meurt fes regards fe tournent avec tranquillité vers le ciel, fi prête à abandonner les hommes, elle emploie encore fes derniers momens à les inftruire, fi enfin au moment où elle n'est plus, ce foit le crime qui l'a condamnée qui paroiffe malheureux, & non pas elle; alors je ne connois point d'objet plus grand dans la nature : & tel eft le fpectacle que nous préfente Platon, en décrivant la mort de So- crate. Il y joint tous ces détails qui donnent de l'intérêt à une mort célèbre & qui en reçoivent à leur tour. Nous fuivons Socrate de l'œil; nous ne perdons pas un de fes mouvemens, pas un de fes difcours. Nous le voyons quand on lui amène fes deux enfans; quan d

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quand il donne fes derniers ordres pour fa maifon ; quand il fait éloigner les femmes ; quand fes amis mesurent aveceffroi la course du foleil, qui bientôt va fe cacher derrière les montagnes ; & quand la coupe fatale arrive; & lorfqu'avant de la prendre, il fait fa prière au ciel pour demander un heureux voyage; & l'inftant où il boit ; & les cris de fes amis dans ce moment; & la douceur tranquille avec laquelle il leur reproche leur foibleffe ; & fa promenade en attendant la mort; & le moment où il fe couche fur fon lit dès qu'il fent fes jambes s'appefantir: & la mort qui monte & le glace par degrés ; & l'efclave qui lui touche les pieds que déja il ne fent plus ; & fa dernière parole; & fon dernier, son éternel filence au milieu de fes amis qui reftent feuls. Dans cette Athènes foumise aujourd'hui à la domination d'un peuple barbare, le voyageur curieux va encore vifiter les ruines de quelque Tome I.

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temple. Il s'arrête fur quelque colonne à demi brisée. Pour moi je voudrois qu'au lieu des ruines du temple de Minerve, le temps eût confervé la prifon où eft mort Socrate. Je voudrois que fur la pierre noire & brute on eût gravé: ici il prit la coupe; là, il bénit l'esclave qui la lui portoit; voici le lieu où il expira. On iroit en foule vifiter ce monument facré. On n'y entreroit pas fans une forte de refpe& religieux; & toute ame courageufe & forte, à ce fpe&acle, fe fentiroit encore plus élevée. Ainfi l'on nous dit qu'Alexandre fut ému fur la tombe d'Achille; & Céfar, maître de l'Egyp te, contempla long-temps en filence & dans une rêverie profonde le tombeau d'Alexandre. Au lieu de ce monument qui a péri, nous avons du moins ceux de Platon qui feront immortels. Je me plais à penfer que tous les juges qui avoient condamné Socrate, lurent du moins une fois avant

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